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(!) Info minute – Revue de Presse

Pour extraire l’équivalent d’une dizaine d’années de ses besoins énergétiques, la mise en œuvre de la fracturation hydraulique en Europe pourrait contaminer l’eau potable, causer de graves dommages à l’environnement et créer de vastes friches industrielles. C’est ce que démontre une étude sur la fracturation hydraulique, alors que le gouvernement allemand pousse à légaliser cette méthode d’extraction controversée.

L’impact environnemental de l’extraction de gaz de schiste en Allemagne et en Europe n’est en aucune manière proportionnel aux supposés bénéfices que génèrerait l’utilisation de la fracturation hydraulique pour extraire ces hydrocarbures. (Traduction par nos soins, d’après l’article publié par Euractiv)

« Nous ne devrions pas comparer les conditions en Allemagne avec celles des États-Unis». C’est ce que déclare Werner Zittel, auteur de l’étude publiée par l’ONG Energy Watch Group. D’une part, l’Allemagne est beaucoup plus densément peuplée, augmentant le risque pour les personnes et l’environnement à proximité des sites d’extraction.

À ce jour, peu d’analyses scientifiques fiables sont disponibles sur les effets de la fracturation hydraulique sur les personnes et l’environnement. Mais de graves dommages environnementaux peuventfracking-ia être observés aux États-Unis, où la fracturation est déjà largement répandue. Certaines études scientifiques ont également démontré que la fracturation hydraulique augmente le risque de tremblements de terre aux États-Unis. Et l’Université d’Innsbruck a récemment mis en évidence que la fracturation hydraulique pollue l’air par l’émission de gaz nocifs pour la santé humaine et le climat.

Problème de rentabilité

Mais les risques pour l’homme et la nature ne sont pas les seuls arguments qui vont à l’encontre de la technique controversée. Pour Hans-Josef Fell membre des Verts allemands, président de l’Energy Watch Group et auteur de la loi sur les énergies renouvelables à partir de l’année 2000, son coût-efficacité est également discutable.

«Contrairement aux États-Unis, seul pays à pratiquer la fracturation hydraulique à une échelle « commercialement rentable » (ndt : les pertes et désinvestissements massifs questionnent la pérennité de la rentabilité de ces investissements), cette technique ne peut permettre d’atteindre le même type de résultat en Europe». Tout d’abord, l’Allemagne ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour la mise en œuvre de la fracturation hydraulique. La transformation de surfaces entières en zones d’exploitation industrielles, la maintenance de l’infrastructure routière ainsi que le stockage et le transport du sable requis pour la fracturation hydraulique, sont quelques-uns des investissements que le pays aurait à faire.

Globalement, M.Fell souligne qu’il faudrait que des montants financiers disproportionnés soient investis pour mettre en œuvre une technique qui ne serait susceptible d’approvisionner l’Europe en énergie pour seulement une dizaine d’année, selon les estimations actuelles. Et ceci pour une méthode nécessitant une forte occupation des sols.

Vers des tests en Allemagne?

Malgré l’inquiétude généralisée du public, le gouvernement allemand a introduit un projet de loi début Février qui autoriserait la mise en œuvre de la méthode d’extraction controversée dans certains cas.

La nouvelle mesure, soumise par les ministres des Affaires économiques, Sigmar Gabriel, et de l’Environnement Barbara Hendricks, permettrait d’opérer des fracturations à plus de 3000 mètres sous terre « à des fins scientifiques ». Opérations qui seraient conditionnées par l’approbation des autorités en charge de l’exploitation minière et celles en charge de l’eau. Si le forage d’essai est réussi, la technologie de la fracturation pourrait alors dans certains cas être autorisée pour un usage commercial, et seulement dans « les conditions les plus strictes, et avec l’approbation d’une commission d’experts indépendants ».

Le piège de la fracturation hydraulique

Pour Monsieur Fell spécialiste des questions énergétiques, « la rentabilité des activités de négoce de gaz naturel aux États-Unis est en diminution depuis 2009, et la baisse des prix du pétrole et du gaz est la cause de cette baisse tendancielle des prix des hydrocarbures ». Ces conditions entraînent des faillites dans l’industrie du fracking, laquelle finance en grande partie le processus de forage coûteux part des emprunts massifs qu’elle ne peut plus rembourser.

Malgré ces dangers écologiques et économiques, des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Pologne, ainsi que la Commission européenne soutiennent activement l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels – une erreur, selon Fell.

Un Monde mal préparé pour la pénurie croissante d’énergie à base de combustibles fossiles

« Le soutien de Bruxelles, Londres et Berlin à l’exploitation des gaz et pétrole de schiste par fracturation est totalement fracking nein danke stop gaz de schiste Allemagneincompréhensible, quand on en connait le coût environnemental et qu’il va à l’encontre du souhait des populations. Et pendant ce temps, ceci met de plus en plus de pression sur le développement des énergies renouvelables ». Et M. Fell d’ajouter « La communauté internationale est loin d’être préparée à la baisse de disponibilité des matières premières conventionnelles » .

Les deux des arguments les plus souvent utilisées par les partisans de l’exploitation des gaz de schiste sont la perte d’emplois dans l’industrie du gaz et la dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz russe. Et ceci le militant anti-gaz de schiste Andy Gheorghiu ne l’accepte pas. « 6 à 7 pour cent de l’énergie primaire en Allemagne est actuellement importée de Russie. Et pendant ce temps, la part des sources d’énergie renouvelables est déjà à 10 à 12 pour cent », indique-t-il.

C’est pourquoi il est urgent de poursuivre l’expansion des énergies renouvelables, génératrice d’emplois et d’une grande indépendance énergétique. « Bien que le monde entier parle de la protection du climat, globalement on n’est parvenu à aucun accord parce que les sources d’énergie à base de combustibles fossiles sont encore les plus utilisées». Comme réponse, l’Union Européenne a fixé l’objectif de réduire l’utilisation de l’énergie à base de combustibles fossiles d’au moins 80% au cours des 35 prochaines années. Avec les pétroles et gaz de schiste?

 

(!) Info minute – Revue de Presse

En France, les industries du pétrole du gaz et de la chimie s’apprêtent à relancer une offensive pour tenter de convaincre population et élus des « bienfaits » de l’exploitation des pétroles et gaz de schiste. Dans quelques jours nous assisterons à cette nouvelle offensive de communication agrémentée de la mise en ligne d’un site Internet. Ceci tandis que l’on confirme que le rêve américain du gaz de schiste s’estompe en Pologne et alors même que l’Écosse décide d’un moratoire illimité sur la fracturation hydraulique et que le Pays de Galles emboite le pas aux pays voulant se prémunir des conséquences sanitaires et environnementales désastreuses provoquées par l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels.

Le parlement gallois a en effet voté ce 4 février 2015 l’interdiction de la fracturation hydraulique rendant impossible la délivrance de permis de recherche et d’exploitation de gaz de schiste. Les écologistes, qui s’opposent à l’utilisation de la fracturation hydraulique en raison des risques de pollution ont salué la décision du Pays de Galles.

wales against fracking stop gaz de schisteL’agence Reuters fait échos aux déclarations des Amis de la Terre pour qui «le gouvernement de Westminster doit rattraper son retard avec l’Écosse, le Pays de Galles et de nombreuses autres régions du monde dans la mise en œuvre d’un moratoire sur la fracturation ».

En effet, la semaine dernière, l’Écosse avait imposé un moratoire sur la fracturation hydraulique quelques jours après une motion visant à interdire cette technologie à travers le pays mais rejetée par le parlement à Londres.

Le Premier ministre britannique David Cameron, qui a voulu lancer le pays à corps perdu dans l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, doit faire face à une vigoureuse opposition à l’exploitation des gaz de schiste.

(!) Info minute – Revue de Presse

Assiste-t-on à la fin du « rêve d’un eldorado polonais du gaz de schiste »? La compagnie d’origine américaine Chevron a annoncé qu’elle allait abandonner ses recherches de gaz de schiste en Pologne, après ce que certains qualifient de plus grand échec face aux espoirs que l’industrie plaçait dans la production de gaz de schiste en Europe.

La transnationale Chevron a annoncé qu’elle abandonnait ses projets en Pologne, le jour ou elle déclarait que ses résultats pour le quatrième trimestre de 2014 avaient chuté de près de 30%t par rapport à l’année précédente, à 3,5 milliards de dollars.

occupychevronzurawlowParmi les compagnies pétrolières internationales, Chevron est celle qui a engagé les plus gros investissements pour la recherche de gaz de schiste en Europe où elle s’est notamment concentrée à l’Est. Elle a foré plusieurs puits d’exploration en Pologne ainsi qu’en Roumanie, tout en signant des accords en Ukraine et en Lituanie.

Chevron, qui avait déjà quitté la Lituanie, maintient encore un bureau en Ukraine même si pour le moment les négociations avec le gouvernement de Kiev sont dans une impasse. La société déclare également qu’elle est toujours en train d’évaluer les résultats de son puits d’exploration en Roumanie (lire aussi ici).

Le retrait de Chevron de Pologne illustre les pressions qu’exerce la chute des prix du pétrole sur les compagnies pétrolières. Toutefois les échecs dans la recherche de gaz de schiste en Europe sont essentiellement liés à une géologie beaucoup plus complexe qu’aux États-Unis et à une opposition de la population pour des raisons sanitaires et environnementales. L’extraction de gaz et de pétrole de schiste nécessite en effet le recours à la technique de la fracturation hydraulique.

En Europe, la question de l’exploitation des pétrole et gaz de schiste fait beaucoup de bruit et à ce jour peu de projets fonctionnent réellement. En Grande-Bretagne, où le gouvernement du Premier ministre David Cameron a tenté de relancer l’industrie, les efforts de forage se sont heurtées au scepticisme des experts ainsi qu’à de fortes oppositions locales.

La France, qui dit-on aurait une « géologie prometteuse », maintient l’interdiction de la fracturation hydraulique. L’Allemagne, également considérée comme une région au riche potentiel en gaz de schiste n’a pas encore accepté de permettre l’exploration nécessaire pour confirmer si la géologie du pays est aussi prometteuse que l’espèrent les pétroliers.

A ce jour, la Pologne n’a finalement connu qu’une expérience très coûteuse. Soixante-huit puits de recherche de gaz de schiste y ont été forés. Mais aucun ne s’est lancé dans la production. C’est ce que confirme M. Grzegorz Pienkowski, directeur de l’Institut géologique polonais de Varsovie.

Dans une interview, M. Pienkowski confirme que les roches rencontrées lors de ces forages se soZurawlow does not want gas gaz de schistent avérés difficiles à travailler contrairement aux formations schisteuses des États-Unis, qui sont plus fragiles et plus facilement fracturables en raison de leur teneur en carbonate de calcium. Le schiste polonais est lui plus compact et difficile à fracturer. En outre, certaines des structures très argileuses gonflent au contact de l’eau et limitent ou rendent impossible l’extraction d’hydrocarbure.

Chevron est la dernière entreprise à quitter la Pologne. Exxon Mobil, le français TOTAL (lire ici), l’italien Eni et certaines petites entreprises ont déjà abandonné leur recherches dans ce pays qui au début de cette décennie, était présenté comme celui en Europe avec le meilleur potentiel. Bien qu’il y ait eu peu de forage d’exploration en Pologne, le pays qui dispose de grandes formations de schiste semblait susceptible de produire de grandes quantités de gaz. Le gouvernement avait également mis en place des politiques incitatives (lire aussi ici) pour développer une industrie nationale de production de gaz de schiste présentée comme un moyen de réduire sa dépendance au gaz en provenance de Russie.

 D’après Source en anglais

(!) Info minute – Revue de Presse

Depuis le 31 décembre 2014, des milliers de personnes se mobilisent dans le sud algérien pour réclamer un moratoire sur les hydrocarbures non conventionnels. La colère fait suite à la décision du gouvernement algérien de lancer la recherche active de gaz de schiste et à l’inauguration d’un puits d’extraction dont la torchère, symbole de son activité, a été allumée et inaugurée par les officiels. Des femmes ont rejoint les protestataires dont les rangs initialement formés par les écologistes de l’Ong In Salah Sun & Power se sont rapidement élargis à la population. Le mouvement s’est étendu à plusieurs villes de la région comme Tamanrasset, Ghar, Tit et El Mena. Des collectifs et associations de France, d’Espagne et d’ailleurs en Europe expriment leur solidarité aux habitants.

Marche des femmes 8 janvier 2014 à In Salah – Photo El Watan

Nous, citoyennes et citoyens d’Europe et d’ailleurs, résolument opposés à l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste, et de tous les hydrocarbures non-conventionnels, exprimons notre très forte solidarité aux habitants d’In Salah et aux acteurs sociaux locaux en Algérie qui, depuis le  31 décembre, sont en résistance active contre la coalition des entreprises TOTAL, PARTEX et SONATRACH, compagnie étatique algérienne et acteur international majeur dans l’industrie des hydrocarbures.

Nous nous souvenons de cette funeste période, dans les années 60, durant laquelle les Français ont procédé à des essais de tirs nucléaires impactant très fortement et durablement ce territoire ; dans la même zone où le gouvernement algérien et les sociétés transnationales veulent désormais exploiter le gaz de schiste.

Nous nous souvenons du propos du ministre des affaires étrangères français, Laurent Fabius, qui, à son retour d’un séjour en Algérie en juin 2014, déclarait son soutien aux entreprises françaises qui iraient explorer le gaz de schiste ailleurs, alors que la fracturation hydraulique est interdite en France.

Nous dénonçons l’hypocrisie du gouvernement français qui consiste à interdire dans son pays la seule technique possible pour extraire du gaz de schiste en raison de ses impacts négatifs sur l’environnement et la santé, tout en la soutenant ailleurs et en s’assurant une large part du même gaz qui pourrait être extrait du sous-sol algérien.

En aucune manière, nous ne pourrions tolérer l’usage de la répression décidé par le gouvernement algérien pour protéger les intérêts d’entreprises prédatrices.

Nous saluons l’exemplarité de la détermination des habitants d’In Salah, confrontés depuis toujours à des conditions de vie très difficiles, leur combat existentiel et leur intransigeance à vouloir préserver leur territoire et leurs nappes phréatiques, alors que rien n’est fait par les autorités algériennes pour les aider à maintenir leurs activités.

Nous refusons qu’en Algérie et ailleurs, la vie des habitants et des territoires soit sacrifiée et les ressources naturelles indéfiniment accaparées par des entreprises privées.

Votre résistance est la nôtre, votre lutte transcende les frontières !

Gaz et huile de schiste, gaz de houille : ni ici, ni ailleurs !

(!) Info minute – Revue de Presse

Les États-Unis misent sur des décennies abondantes en gaz naturel pour alimenter la reprise économique. Ce n’est peut-être qu’un vœu pieux. Après l’étude publiée par J. David Hugues du Post Carbon Institute dont nous rendions compte ici, c’est au tour de la revue Nature de s’interroger sur les prévisions publiées par les organismes d’État, les cabinets conseils et de les opposer à celles effectuées par une équipe pluridisciplinaire de l’Université du Texas à Austin. Le gaz abondant pendant des décennies est très probablement une chimère qui ne fait qu’alimenter la spéculation. Dans ce qui suit, seules les questions de prévisions sont examinées. Il ne s’agit pas ici d’évoquer les conséquences désastreuses de l’exploitation des gaz et pétrole de schiste.

Cet article est adapté d’une traduction par nos soins de l’article de Mason Inman publié le 03.12.2014 sur le site de la revue Nature.

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Jim Lo Scalzo/EPA/Alamy – Tour de forage pour l’exploitation de gaz de schiste par fracturation hydraulique en Pennsylvanie.

Lorsque le président américain Barack Obama parle de l’avenir, il prévoit une économie américaine florissante alimentée dans une large mesure par de vastes quantités de gaz naturel produites par les puits forés sur le sol des Etats-Unis : «En Amérique, nous disposons de quantités de gaz pouvant assurer un approvisionnement pour près de 100 ans» déclarait-il dans son discours sur l’État de l’Union en 2012.

La déclaration d’Obama reflète un optimisme qui imprègne les États-Unis. Et ce, parce que le développement de la fracturation hydraulique a permis de produire à un prix relativement bas du gaz naturel extrait de la roche compacte connue sous le nom de « schiste ». Dans tout le pays, des termes tels que «révolution du schiste» et «abondance énergétique» résonnent dans les conseils d’administration.

Les entreprises misent gros sur les prévisions de gaz naturel abondant et pas cher. Au cours des 20 prochaines années, l’industrie et les producteurs d’électricité des États-Unis devraient investir des centaines de milliards de dollars dans de nouvelles usines qui comptent sur le gaz naturel. Et des milliards de dollars de plus affluent dans la construction d’installations d’exportation qui permettront aux États-Unis d’acheminer le gaz naturel liquéfié vers l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Sud.

Or tous ces investissements sont basés sur l’hypothèse que la production de gaz des États-Unis va croitre pendant des décennies, en droite ligne avec les prévisions officielles de l’EIA (Agence américaine de l’énergie). Adam Sieminski, le directeur de l’agence déclarait l’année dernière: « Pour ce qui concerne le gaz naturel, à l’EIA nous n’avons absolument aucun doute que la production puisse continuer à croître continuellement jusqu’en 2040. »

Avec les entreprises qui tentent d’extraire le gaz de schiste en quantités importantes, aussi vite que possible et pour l’exportation, «nous assurons nous-mêmes la mise en place d’un fiasco majeur».

Mais un examen attentif des hypothèses soutenant de telles prévisions de croissance suggère qu’elles peuvent être trop optimistes, en partie parce que les prévisions du gouvernement s’appuient sur des études globales basées sur les grands gisements de schiste. A présent, les chercheurs font des analyses beaucoup plus fines de ces gisements et produisent des prévisions plus conservatrices. Ils calculent que ces grands gisements de schiste disposent de relativement peu de sites où il sera rentable d’extraire le gaz.

Pour Tad Patzek, chef du département pétrole, ingénierie et géo systèmes de l’Université du Texas à Austin, et membre de l’équipe qui effectue ses analyses approfondies, ces résultats sont de «mauvaises nouvelles». Avec les entreprises qui tentent d’extraire le gaz de schiste en quantités importantes, aussi vite que possible et pour l’exportation, «nous assurons nous-mêmes la mise en place d’un fiasco majeur».

Et cela pourrait avoir des répercussions bien au-delà des États-Unis. Si la production de gaz naturel des États-Unis tombe, les projets d’exportation de grandes quantités pourraient s’évaporer. Et les pays qui espèrent développer l’exploitation de leurs propres gisements de gaz de schiste pourraient bien changer leur fusil d’épaule. Pour Paul Stevens, économiste de Chatham House, un think tank basé à Londres « si on anticipe que tout cela va finir dans les larmes aux États-Unis, cela va certainement avoir un impact sur l’enthousiasme dans différentes parties du monde».

nature_fracking_projections_chartV2_04.12.14 FR stop gaz de schiste

Source: EIA/Univ. Texas/Goldman Sachs/Wood Mackenzie/Navigant

L’idée selon laquelle le gaz naturel sera abondant est un net changement des perspectives les plus pessimistes qui prévalaient jusqu’il y a environ cinq ans. Tout au long des années 1990, la production américaine de gaz naturel a plafonné en plateau. Avec le gaz qui alimente un quart des besoins énergétiques des États-Unis, l’idée selon laquelle l’approvisionnement domestique diminuerait et que le pays deviendrait dépendant des importations prévalait. Jusqu’en 2008, l’EIA, qui recueille des données sur l’énergie et fournit une perspective à long terme de l’énergie aux États-Unis, prévoyait que la production américaine de gaz naturel resterait très stable pour les prochaines décennies.

Puis le boom du schiste a pris tout le monde de court. Il s’est développé par la mise en œuvre de la fracturation hydraulique, dont la technologie existait depuis des décennies – mais était considérée comme trop coûteuse lorsque les prix du gaz étaient faibles. Toutefois, dans les années 2000, les prix ont atteint un niveau suffisamment élevé pour inciter davantage d’entreprises à fracturer les formations de schiste. En combinant cette technologie à de nouvelles techniques de forage de longs puits horizontaux, les États-Unis ont poussé la production de gaz naturel à un niveau tel que le pays a retrouvé le rang qu’il avait déjà occupé quelques décennies auparavant à savoir celui de premier producteur mondial de gaz naturel.

Un riche sous-sol

Une grande partie de ce succès vient du gisement de schiste dit gisement de Marcellus, qui s’étend à travers la Virginie de l’Ouest, la Pennsylvanie et New York. A travers des collines couvertes de forêts denses, les entreprises ont investi dans plus de 8000 puits sur plusieurs années, et poursuivent leurs forages au rythme de 100 de plus chaque mois. Chaque puits se développe verticalement sur environ deux kilomètres de profondeur avant de bifurquer à l’horizontale et de serpenter sur plus d’un kilomètre à travers le schiste. Le gisement de Marcellus fournit désormais 385 millions de mètres cubes de gaz par jour, ce qui est plus que suffisant pour fournir la moitié du gaz brûlé dans les centrales américaines.

Une partie importante du reste de la production de gaz des États-Unis provient de trois bassins de schiste – celui de Barnett au Texas, le Fayetteville dans l’Arkansas et l’Haynesville, qui chevauche la frontière entre la Louisiane et le Texas. Ensemble, ces «quatre grandes» formations géologiques rasseblent plus de 30 000 puits et comptent pour les deux tiers de la production actuelle de gaz de schiste américain.

L’EIA – comme presque tous les autres organismes effectuant des prévisions – n’a pas vu venir le boom et a constamment sous-estimé la quantité de gaz qui proviendrait du schiste. Mais alors que le boom se développait, l’Agence a  revu très nettement à la hausse ses prévisions à long terme pour le gaz de schiste. Dans ses Perspectives Annuelles de l’Energie de 2014 (Annual Energy Outlook 2014), le «scénario de référence » – basée sur une perspective d’augmentation graduelle des prix du gaz, lesquels resteraient toutefois relativement faibles – montre une production américaine croissante jusqu’en 2040, tirée par de fortes augmentations dans le gaz de schiste.

L’EIA n’a pas publié ses projections réalisées pour chacun des différents gisements de gaz de schiste, mais elle a permis à la revue Nature d’y accéder. Dans les dernières prévisions de référence, la production des quatre grands gisements devrait continuer à augmenter rapidement jusqu’en 2020, puis se stabiliserait en plateau pendant au moins 20 ans. Les autres gisements de gaz de schiste permettraient de prolonger le boom jusqu’en 2040 (voir plus haut le schéma «bataille des prévisions»).

Les analystes de l’industrie pétrolière créent leurs propres prévisions de production de gaz de schiste qui tombent généralement dans les mêmes proportions que l’évaluation de l’Agence de l’Energie Américaine (EIA). A ce titre, l’économiste Guy Caruso du Centre d’études stratégiques et internationales de Washington DC, et qui est un ancien directeur de l’Agence déclare : « Les perspectives de l’EIA sont assez proches du consensus ». Cependant, ces consultants ne mettent que rarement à disposition les détails de leurs prévisions. « Il est donc difficile d’évaluer et de discuter de leurs hypothèses et méthodes», soutient Ruud Weijermars, un géologue à la Texas A&M University à College Station. Les études de l’industrie et des cabinets de conseil sont «entièrement différente de celles faisant l’objet d’une revue par les pairs (peer-review) dans le domaine », ajoute-t-il.

Pour fournir des prévisions rigoureuses et transparentes de la production gaz de schiste, une équipe d’une douzaine de géologues, d’ingénieurs pétroliers et d’économistes de l’Université du Texas à Austin a passé plus de trois ans à effectuer un revue systématique de l’ensemble des études des principaux gisements de schiste. La recherche a été financée par un don de 1,5 million de dollars de subvention de la Fondation Alfred P. Sloan à New York, et les résultats ont été publiés progressivement dans des revues académiques1 2 3 4 5 ainsi que dans des présentations lors de conférences. Ce travail est celui qui fait le « plus autorité » dans ce domaine jusqu’à présent, déclare Weijermars.

Si les prix du gaz naturel devaient suivre le scénario produit par l’EIA dans son rapport annuel 2014, l’équipe du Texas prévoit que la production des quatre grands gisements culminerait en 2020, puis déclinerait. En 2030, ces gisements produiraient alors seulement environ la moitié de ce que prévoit l’EIA. Même les scénarios les plus conservateurs de l’Agence semblent être plus élevés que les prévisions de l’équipe du Texas. « De toute évidence, elles ne sont pas vraiment en accord avec les résultats de l’EIA » ajoute Patzek.

L’équipe du Texas, en revanche, divise chaque gisement en blocs d’un mile carré (2,6 kilomètres carrés) – une résolution au moins 20 fois plus fine que celle de l’EIA.

La principale différence entre les prévisions de l’université texane et l’EIA peut venir du niveau de précision dans les recherches effectuées lors de chacune des évaluations. L’EIA décompose chaque gisement de schiste par comté, et calcule une productivité moyenne des puits de cette zone. Mais les comtés couvrent souvent plus de 1000 kilomètres carrés, une superficie assez grande pour contenir des milliers de puits horizontaux fracturés. L’équipe du Texas, en revanche, divise chaque gisement en blocs d’un mile carré (2,6 kilomètres carrés) – une résolution au moins 20 fois plus fine que celle de l’EIA.

Le niveau de résolution est important car pour chaque gisement, il existe des zones plus faciles [the sweet spots] qui produisent beaucoup de gaz, et de vastes zones où les puits sont moins productifs. Les entreprises essayant de cibler d’abord les zones les plus faciles [sweet spots], les puits forés dans l’avenir risquent d’être moins productifs que ceux actuellement en production. Le modèle de l’EIA jusqu’à présent a supposé que les futurs puits seraient au moins aussi productifs que les puits en production ces dernières années dans le même comté. Mais pour M. Patzek cette approche «conduit à des résultats beaucoup trop optimistes».

La haute résolution des études du Texas permet à leur modèle de distinguer les zones faciles [sweet spots] des zones marginales. En conséquence, indique Scott Tinker, géologue de l’Université du Texas à Austin et co-responsable de l’étude, « nous avons été en mesure de dire, mieux que dans le passé, à quoi ressemblerait un futur puits ».

Les études du Texas et de l’EIA diffèrent également dans leur façon d’estimer le nombre total de puits pouvant être économiquement rentables à forer dans chaque gisement. L’EIA n’indique pas explicitement ce nombre, mais son analyse semble exiger plus de puits que l’évaluation du Texas, laquelle exclut les zones où les forages seraient difficiles, comme sous les lacs ou les grandes villes. Ces caractéristiques du modèle ont été choisies pour coller à la réalité des pratiques, indique Tinker. Elles sont basées sur la longue expérience des membres de l’équipe dans l’industrie du pétrole.

Alternative Futures

Les prévisions plus basses du Texas sont comparables à quelques autres études indépendantes qui utilisent des méthodes plus simples. Des études menées par Weijermars6 , ainsi que Mark Kaiser7 de l’Université d’État de Louisiane à Baton Rouge et du géologue David Hughes8 (à la retraite Commission géologique du Canada), suggèrent qu’une augmentation de la production, comme dans les prévisions de l’EIA, exigerait une augmentation significative et soutenue des forages dans les 25 prochaines années, ce qui ne peut pas être rentable.

Certains initiés de l’industrie sont impressionnés par l’évaluation effectuée par l’équipe du Texas. Richard Nehring, un analyste du pétrole et du gaz au Nehring Associates à Colorado Springs, qui gère une base de données des champs de pétrole et de gaz largement utilisée, dit que l’approche de l’équipe Texane correspond à ce qui doit être fait pour effectuer l’évaluation des ressources non conventionnelles.

«Nous mettons nous-mêmes en place un fiasco majeur »

Patzek et les autres ne souhaitent pas être trop durs avec l’EIA. Pour eux l’Agence fait «pour le mieux avec les ressources dont elle dispose et les délais qu’on lui impose». Son budget 2014 – qui couvre la collecte de données et la prévision pour tous les types d’énergie – s’élève à seulement $ 117 000 000, soit le coût du forage d’une douzaine de puits dans le schiste de Haynesville. L’EIA est « un bon rapport qualité prix », dit Caruso. «J’ai toujours senti que nous étions sous-financés. Il a été demandé à l’EIA de faire de plus en plus, avec de moins en moins ».

Patzek reconnaît que les prévisions des gisements de schiste « sont très, très difficiles à faire et incertaines», en partie parce que les technologies et les approches de forage évoluent rapidement. Dans les sites les plus récents, les entreprises travaillent encore sur les meilleurs endroits à forer [sweet spots]. Et il est encore difficile de savoir avec précision comment les puits vont se comporter et interférer significativement avec d’autres.

Les représentants de l’EIA défendent les évaluations de l’Agence et affirment qu’elles ne devraient pas être comparées avec les études du Texas car elles utilisent des hypothèses différentes et impliquent de nombreux scénarios. « Les deux efforts de modélisation sont précieux, et à bien des égards s’alimentent mutuellement, » dit John Staub, chef de l’équipe de l’EIA en charge de l’exploration et de l’analyse de la production pétrolière et gazière. « En fait, l’EIA a intégré des éléments de l’équipe de l’Université du Texas » ajoute-t-il.

Pourtant, dans un document de travail9 publié en ligne le 14 Octobre, deux analystes de l’EIA reconnaissent des problèmes avec les méthodes utilisées par l’agence. Ils font valoir qu’il serait préférable de s’appuyer sur des cartes géologiques à haute résolution. Ils soulignent que celles produites par l’équipe du Texas constituent un exemple sur la façon dont ces modèles pourraient améliorer les prévisions en délimitant spécifiquement les zones les plus faciles à exploiter. Le document en question mentionne que les opinions des auteurs ne reflètent pas nécessairement celles de l’EIA. Mais l’Agence envisage d’utiliser une nouvelle approche semblable à celle de l’équipe texane quand elle évaluera le gisement de Marcellus pour son rapport annuel 2015.

Boom ou fiasco

Les membres de l’équipe du Texas sont toujours en train de débattre des implications de leur propre étude. Tinker est relativement optimiste, arguant que les estimations de l’équipe sont «conservatrices», alors que la production réelle pourrait s’avérer plus élevée. Les quatre grands gisements de gaz de schiste, dit-il, fourniront « une contribution conséquente de gaz naturel au pays pour les prochaines décennies. Il nous donne un peu de temps ».

Patzek fait valoir que la production réelle pourrait s’avérer plus faible que les prévisions faites par l’équipe. Il parle d’un « pic de production au cours de la prochaine décennie qui serait suivi d’un déclin rapide. C’est à ce moment que les États-Unis connaîtront un réveil brutal ». Il s’attend à ce que les prix du gaz augmentent fortement, et que le pays finisse par construire plus d’usines et de véhicules qu’il sera en mesure de faire fonctionner. « Au fond peu importe ce qui se passe et comment ça se déroulera, dit-il, mais ça ne peut pas être bon pour l’économie américaine ».

Si la prévision est difficile pour les États-Unis qui peuvent s’appuyer sur des données de dizaines de milliers de puits de gaz de schiste, l’incertitude est beaucoup plus grande dans les pays qui ont foré moins de puits. L’EIA a commandé une estimations du potentiel mondial du gaz de schiste au cabinet de conseil Advanced Resources International (ARI) de Washington DC, lequel a conclu en 2013 que les formations de schiste dans le monde sont susceptibles de détenir un total de 220 ​​milliards de mètres cubes de gaz naturel récupérable10 . Au rythme de consommation actuel – avec le gaz naturel fournissant un quart de l’énergie mondiale – cette ressource fourniraient un approvisionnement pour 65 années. Toutefois, le rapport ne précise pas la marge d’incertitude sur ses estimations, ni la quantité de gaz qui pourrait être économiquement rentable à extraire.

«C’est une sorte d’estimation au doigt mouillé»

Ces chiffres sont «extrêmement discutables», affirme Stevens. «C’est une sorte d’estimation au doigt mouillé». Il cite les évaluations du cabinet ARI faites pour la Pologne, qui estime qu’il s’agit du pays disposant des plus larges ressources en Europe. Entre 2011 et 2013, IRA a revu à la baisse son estimation pour les zones les plus prometteuses de la Pologne d’un tiers, indiquant que certains puits d’essai avaient produit moins que prévu. Au même moment, l’Institut géologique polonais faisait sa propre étude11 , concluant que les mêmes régions détenaient moins d’un dixième du volume de gaz de schiste estimé par le cabinet ARI.

Si la production de gaz aux États-Unis s’épuise plus rapidement que prévu – ou que l’opposition à son exploitation se renforce – des pays comme la Pologne seront moins susceptibles de connaître un boom du schiste, disent les experts.

Cependant et pour le moment, l’optimisme sur le gaz de schiste règne particulièrement aux États-Unis. Et c’est bien ce qui inquiète certains experts en énergie. « Il existe une énorme incertitude», dit Nehring. « Le problème c’est que les gens disent, ‘Donnez-moi un certain chiffre’. Et les chiffres, même s’ils sont faux, sont beaucoup plus réconfortants ».

Source: Nature 516, 28–30 (04 décembre 2014)

  1. Patzek, T. W., Male, F. & Marder, M. Proc. Natl Acad. Sci. USA 110, 19731–19736 (2013). Article PubMed ChemPort Show context
  2. Browning, J. et al. Oil Gas J. 111 (8), 62–73 (2013). ISI
  3. Browning, J. et al. Oil Gas J. 111 (9), 88–95 (2013). ISI
  4. Browning, J. et al. Oil Gas J. 112 (1), 64–73 (2014). ISI ChemPort
  5. Gülen, G., Browning, J., Ikonnikova, S. & Tinker, S. W. Energy 60, 302–315 (2013). Article ISI
  6. Weijermars, R. Appl. Energy 124, 283–297 (2014). Article ISI Show context
  7. Kaiser, M. J. & Yu, Y. Oil Gas J. 112 (3), 62–65 (2014). ISI Show context
  8. Hughes, J. D. Drilling Deeper (Post Carbon Institute, 2014); available at http://go.nature.com/o84xwk Show context
  9. Cook, T. & Van Wagener, D. Improving Well Productivity Based Modeling with the Incorporation of Geologic Dependencies (EIA, 2014); available at http://go.nature.com/dmwsdd Show context
  10. US Energy Information Administration Technically Recoverable Shale Oil and Shale Gas Resources (EIA, 2013); available at http://go.nature.com/mqkmwx Show context
  11. Assessment of Shale Gas and Shale Oil Resources of the Lower Paleozoic Baltic–Podlasie–Lublin Basin in Poland — First Report (Polish Geological Institute, 2012); available at http://go.nature.com/lw8fg7 Show context

(!) Info minute – Revue de Presse

     Bien que certains considèrent qu’il n’y a pas de raisons scientifiques pour interdire la fracturation hydraulique, le gaz de schiste n’est pas une solution face aux problème de « sécurité de l’approvisionnement en énergie » de l’Union Européenne. C’est la conclusion d’un nouveau rapport publié par le Conseil consultatif des académies des sciences européennes (EASAC).

A l’image de l’académie des sciences en France, l’EASAC n’est pourtant pas réputé être opposé à l’extraction des hydrocarbures de roche mère par la fracturation hydraulique puisque qu’il affirme que les meilleures pratiques ont « considérablement réduit l’empreinte environnementale de la fracturation du gaz de schiste », et que « les risques peuvent être gérés de façon appropriée ». Ce que nous pouvons nous permettre de remettre en cause au regard des constats faits au États-Unis sur les impacts  sanitaires et environnementaux.

L’EASAC justifie sa position par le fait que « les systèmes réglementaires [seraient] déjà en place dans la plupart des pays pour minimiser l’impact sur la santé, la sécurité et l’environnement ». Ce qui, selon le représentant de l’ONG les Amis de la Terre à Bruxelles, est faux puisque « l’analyse juridique de la Commission européenne conclut invariablement que le cadre juridique actuel ne répond pas adéquatement aux impacts spécifiques, cumulatifs et destructifs de l’industrie de la fracturation hydraulique ». Ont sait également que nos États n’ont pas la capacité de surveiller ce genre d’opérations à grande échelle.

Pourtant, EASAC étant constitué de la réunion des académies nationales des sciences des 28 États membres de l’UE, ce rapport pourrait avoir une certaine autorité auprès des décideurs.

Du gaz de schiste exploitable en Europe, un mirage qui s’éloigne

Le potentiel de l’extraction de gaz de schiste dans l’UE est «incertain» en raison de ici ce n'est pas l'amerique gaz de schistedonnées géologiques limitées sur l’accessibilité au gaz, ajoute le rapport, freinant « l’espoir » que le gaz de schiste puissent un jour être exploité à grande échelle sur le continent.

Au sujet des réserves, rien de nouveau que les affirmations de l’Agence Américaine de l’Énergie (dont on peut fortement douter comme ceci a été démontré tout récemment par le Post Carbon Insitute). Les plus grandes réserves « seraient situées en Pologne et en France, avec 4,19 et 3,88 trillions de mètres cubes respectivement », selon la US Energy Information Administration (EIA). Ceci « en comparaison des soit disant 16tcm des États-Unis ».

Mais toujours selon le rapport, la géologie européenne est « plus compliquée » que celle des États-Unis, avec des formations rocheuses plus anciennes et « plus fracturées » ce qui a « des implications pour la viabilité technique et économique de l’extraction de gaz ». Cela signifie « qu’une fraction » des réserves sont considérées économiquement récupérables en Pologne, tandis que la présence supposée de gaz dans le bassin parisien n’est tout simplement pas confirmée par les dernières études géologiques. Nous ajouterons toutefois ici que la présence de pétrole de schiste a été démontrée aiguisant l’appétit des chercheurs d’or noir.

Le recours au gaz de schiste n’est pas une solution face au réchauffement climatique

En outre, le rapport EASAC remet en cause la théorie soutenue par les promoteurs de l’utilisation du méthane selon laquelle le gaz de schiste peut aider à atténuer le réchauffement climatique. Le rapport questionne la qualité du processus d’extraction et notamment « l’intégrité des puits« .

Acceptation sociale

L’EASAC suggère ensuite que le gaz de schiste « pourrait offrir une alternative intéressante aux schiste usa fracking impactimportations de gaz russe dans le contexte géopolitique tendu actuel » ce qui est invraisemblable lorsque l’on sait, du dire même des industriels, que l’exploitation, si elle était techniquement et économiquement viable, ne pourrait pas intervenir avant plusieurs années. Laissant par là même le temps aux relations internationales d’évoluer. Le rapport note ensuite l’existence de nouvelles techniques de forage horizontal qui pourraient avoir un impact plus limité concernant l’empreinte au sol des forages avec des puits horizontaux ayant une portée de 12 km sont possibles. Toutefois ces techniques seraient à l’heure actuelle non rentables. Le rapport affirme qu’avec des grappes de seulement 3 km de rayon, il deviendrait viable de produire du gaz non conventionnel dans les zones fortement peuplées! Pour finir l’EASAC indique que l’acceptation des populations est essentielle en évoquant la nécessite la transparence sur les « additifs utilisés » dans le processus de fracturation. Et d’ajouter que « les résultats de la surveillance afin de détecter toute contamination de l’eau ou des fuites de gaz avant, pendant et après l’exploitation du gaz de schiste», doit être transmis aux organismes de réglementation et rendues accessibles à la communauté.

En d’autres termes, la technique est sûre mais elle n’est pas sûre !

L’acceptation sociale, c’est bien à ça que les industriels travaillent.

Un accord commercial majeur, en cours de négociation, entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis (US) menace les pouvoirs dont disposent les gouvernements pour protéger les populations et l’environnement des nouvelles technologies à risque telles que la fracturation hydraulique (fracking en anglais). A la veille des rassemblements qui se tiendront le 11 octobre 2014, et suite aux parties 1, 2, 3 et 4, nous publions le cinquième et dernier épisode qui conclut sur le risque d’un droit excessif pour les entreprises.

Des risques bien au-delà des privilèges pour les investisseurs

Le développement des gaz de schiste donne l’opportunité aux États-Unis de devenir, pour la première fois, un important exportateur de gaz naturel. Les États membres de l’UE, qui produisent peu de gaz naturel, aimeraient en importer des États-Unis. L’industrie du gaz souhaite exporter du gaz de schiste américain vers l’Europe, où elle peut le facturer environ trois fois plus qu’aux États-Unis. Le PTCI faciliterait les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis vers l’UE. En fait, si le PTCI comprend ce qui est appelé « le traitement national pour le commerce du gaz naturel », le Département de l’énergie des États-Unis serait légalement tenu d’approuver automatiquement les exportations de GNL des États-Unis vers l’UE sans même en examiner les impacts. L’UE va encore plus loin, en demandant un accès rapide au gaz des États-Unis (et au pétrole et au charbon), en proposant de nouveaux termes selon lesquels les gouvernements des États-Unis et de l’UE ne seraient pas en mesure de restreindre les exportations de charbon, de pétrole ou de gaz.

L’augmentation des exportations de GNL menacerait notre environnement et le climat de nombreuses façons

L’augmentation de l’utilisation de la fracturation hydraulique : l’exportation de gaz naturel encourage l’augmentation de la production de gaz, dont la plupart provient de sources de gaz non conventionnels, qui nécessitent presque toujours l’utilisation de la fracturation hydraulique.

L’aggravation des dérèglements climatiques : le GNL est un carburant à forte intensité en carbone, avecun déluge de disputes des émissions tout au long du cycle de production nettement supérieures à celles du gaz naturel. L’énergie nécessaire pour refroidir, liquéfier et stocker le gaz naturel pour l’expédier par les océans rend le GNL plus intensif en énergie, et en gaz à effets de serre, que le gaz naturel ordinaire. Ouvrir des réserves de gaz naturel à des exportations illimitées augmentera la dépendance aux  énergies fossiles avec des impacts significatifs sur le climat.

Une dépendance accrue aux infrastructures d’énergies fossiles, augmentant les émissions de méthane : les exportations de GNL requièrent une infrastructure industrielle, notamment un nouveau réseau de puits, des terminaux, des usines de liquéfaction et de regazéification, des gazoducs et des compresseurs. Cette infrastructure génère des fuites de méthane, un gaz à effet de serre quatre-vingt six fois plus puissant que le CO2 sur une période de vingt ans(33). Par conséquent, l’intensification des exportations est susceptible d’augmenter les émissions de méthane et d’aggraver les dérèglements climatiques.

Malgré le caractère critique de ces implications politiques, dans le cadre du PTCI, les pays ne seraient plus en mesure de contrôler ou de gérer les niveaux d’importation de gaz naturel, enfermant les États-Unis et l’UE dans une dépendance accrue aux énergies fossiles.

le diable est dans les détails commerciaux TAFTA

Conclusion : Non aux droits excessifs pour le secteur privé dans le PTCI

Le projet d’’accord transatlantique va bien au-delà des questions commerciales traditionnelles. Il pourrait STOP TAFTA-avoir de graves conséquences sur les réglementations publiques qui vont dans l’intérêt des citoyens et de l’environnement. Cela est d’autant plus préoccupant que le PTCI est conçu comme un modèle pour les accords commerciaux et d’investissement à venir, un modèle que des entreprises multinationales telles que Chevron espèrent voir reproduit à l’échelle mondiale. Les activités pétrolières et gazières sont des investissements risqués qui peuvent avoir des impacts irréversibles sur les populations locales et l’environnement. C’est le rôle des pouvoirs publics de protéger les populations contre de tels impacts et veiller à ce que les entreprises paient des indemnités en cas de dommages. L’octroi de droits spéciaux et excessifs aux investisseurs a un effet inverse, puisque le risque d’investissement est transféré aux contribuables et à la société dans son ensemble. Les gouvernements pourraient être contraints d’indemniser des entreprises suite à des décisions prises pour protéger les populations et l’environnement.

“Les entreprises tentent d’obtenir par la ruse – par des accords commerciaux négociés secrètement– ce qu’elles ne pouvaient atteindre dans un processus politique ouvert.” Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie(37)

La bataille actuelle sur la réglementation de la fracturation hydraulique fournit un exemple clair de ce qui est en jeu. Les tribunaux internationaux d’arbitrage sont déjà utilisés pour contester un moratoire sur la fracturation hydraulique au Québec. Il fait peu de doute que si un tel dispositif était inclus dans les accords commerciaux entre les États-Unis et l’UE et entre l’UE et le Canada, la protection des investisseurs serait à nouveau mobilisée pour contester d’autres interdictions et réglementations de la fracturation hydraulique, que ce soit au niveau local ou national.

Les gouvernements pourraient être ébranlés par des tribunaux d’arbitrage, permettant aux entreprises de contester des décisions prises démocratiquement et visant à protéger les populations et l’environnement. L’enthousiasme pour les accords commerciaux contenant des clauses de ce type et, plus inquiétant encore, leur utilisation croissante par les entreprises, montrent que ce risque est réel.

Pour éviter des crises environnementales et climatiques catastrophiques, il faut résister à cette tendance-là, y compris au nom de la démocratie. La première étape consiste à s’opposer à toute inclusion de dangereux mécanismes de règlement des différends investisseur-État dans les projets d’accords entre l’Union européenne et les États-Unis et le Canada.

(36) Une annexe au projet de texte de l’AECG qui a fuité en novembre 2013 précise que des mesures de bonne-foi, non-discriminatoires, pour protéger la santé, la sécurité et l’environnement ne constituent pas une expropriation indirecte et ne seraient donc pas indemnisables. Toutefois, ce texte comprend également le principe de la nation la plus favorisée qui pourrait permettre aux investisseurs d’importer des clauses d’expropriation d’autres traités d’investissement, ne comportant
pas ces exceptions de politique publique, dans le cadre de différends menés sour l’AECG, rendant l’annexe relativement vide de sens.

(!) Info minute – Revue de Presse

Un accord commercial majeur, en cours de négociation, entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis (US) menace les pouvoirs dont disposent les gouvernements pour protéger les populations et l’environnement des nouvelles technologies à risque telles que la fracturation hydraulique (fracking en anglais). A la veille des rassemblements qui se tiendront le 11 octobre 2014, et suite aux parties 1 et 2, nous publions le troisième épisode qui porte sur la mobilisation des entreprises contre les interdictions en Europe et le mécanisme de règlement des différends investisseur-État prévu par les Accords.

PAS DE CADRE RÉGLEMENTAIRE EUROPÉEN POUR COMBUSTRILES FOSSILES NON CONVENTIONNELS
Les entreprises se mobilisent contre les interdictions en Europe

De puissantes entreprises se mobilisent en permanence contre les tentatives nationales et européennes de réglementation de la fracturation hydraulique. En 2011, suite au vote de la loi d’interdiction de la fracturation hydraulique en France, les permis de l’entreprise pétrolière et gazière américaine Schuepbach et de l’entreprise multinationale française Total ont été annulés. Chacune des deux entreprises a déposé un recours en justice contre l’État français afin de récupérer leurs permis respectifs. Total a affirmé qu’il respecterait la loi française et n’utiliserait pas la fracturation hydraulique. Les deux affaires judiciaires sont toujours en cours d’instruction par les tribunaux français. Schuepbach a par ailleurs contesté la loi d’interdiction pour non-conformité à la Constitution. Le Conseil constitutionnel français s’est prononcé contre l’entreprise, en faisant valoir que l’interdiction était un moyen valable et approprié de protection de l’environnement.

Les entreprises de l’énergie regardent déjà du côté de la justice pour revenir sur les interdictions de la fracturation hydraulique. L’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends investisseur-État dans le PTCI leur donnerait un outil extra-juridique – et dans certains cas une seconde chance – pour contester des politiques d’intérêt public.

“Les entreprises transnationales du secteur extractif se tournent de plus en plus vers les tribunaux d’arbitrage internationaux pour résoudre les conflits portant sur les ressources naturelles.” [Institute for Policy Studies in its report Mining for Profits in International Tribunals (14)].

Le mécanisme de règlement des différends investisseur-État : le plan B du secteur privé pour briser la résistance contre la fracturation hydraulique

On peut s’attendre à ce que le chapitre sur l’investissement du PTCI inclut des droits considérables pour les investisseurs étrangers qui pourraient saper les décisions des gouvernements visant à interdire ou réglementer la fracturation hydraulique. Les entreprises américaines qui investissent en Europe pourraient contester directement les interdictions et réglementations de la fracturation hydraulique devant des tribunaux internationaux privés, ce qui pourrait ouvrir la voie à des dizaines de millions d’euros de compensation, payés par les contribuables européens. Les entreprises européennes qui investissent aux États-Unis pourraient également être en mesure de contester les réglementations fédérales ou des États américains portant sur la fracturation hydraulique.

Le mécanisme de règlement des différends investisseur-État est de plus en plus utilisé par les entreprises minières et de l’énergie pour contester les politiques de santé publique et environnementales, qu’elles considèrent comme responsables de la réduction de la valeur de leurs investissements, c’est à dire de leurs bénéfices attendus.
Le cas Lone Pine est inquiétant car il montre comment des gouvernements peuvent être vulnérables aux litiges investisseur-État liés à la fracturation hydraulique ou à d’autres projets énergétiques et miniers controversés. Les entreprises désireuses d’extraire des énergies fossiles non conventionnelles en Europe pourraient être en mesure de contester les mesures prises dans l’intérêt public dès lors qu’elles ont une filiale aux États-Unis. Plusieurs entreprises américaines, telles que Chevron et Conoco Philips, sont impliquées dans des projets d’extraction d’énergies fossiles non conventionnelles en Europe. Les entreprises qui investissent aux États-Unis avec une filiale dans un pays de l’UE auraient les mêmes droits. Un mécanisme de règlement des différends investisseur-État dans le PTCI mettrait en danger les populations européennes et américaines, et il compromettrait la capacité des pouvoirs publics de réglementer ou interdire les pratiques dangereuses telles que la fracturation hydraulique.

Un solide régime de protection des investissements nous permettrait, à nous et d’autres entreprises américaines, de mieux réduire les risques associés à des investissements étrangers à grande échelle, à forte intensité en capital et à long terme.” [Chevron, Réponse de Chevron au consultation par le gouvernement des ÉU sur le PTCI(17)]

DROITS DES INVESTISSEURS AU-DESSUS DE LA DÉMOCRATIE  LONE PINE CONTRE LE CANADA

⇒ à suivre prochain épisode sur la pression exercée par les pollueurs pour obtenir des droits spéciaux.

(10) http://europa.eu/legislation_summaries/glossary/subsidiarity_en.htm
(11) DG Environment study, 2012, “Support to the identification of potential risks for the environment and human health arising from hydrocarbons operations involving hydraulic fracturing in Europe” http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/pdf/fracking%20study.pdf
DG Environment study, 2013, “Regulatory provisions governing key aspects of unconventional gas development in eight Member States” http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/pdf/Final%20Report%2024072013.pdf
(12) European Parliament, 2012, “Own Initiative report on the environmental impacts of shale gas and shale oil extraction activities” http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?reference=2011/2308(INI)
European Parliament, 2012, “Own initiative report on industrial, energy and other aspects of shale gas and oil” http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?reference=2011/2309(INI)
(13) http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/unconventional_en.htm
(14) http://www.ips-dc.org/files/6061/Mining%20for%20Profits%202013%20-%20ENGLISH.pdf, p1
(15) http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw1596.pdf
(16).http://www.theglobeandmail.com/globe-investor/quebecs-st-lawrence-fracking-ban-challenged-under-nafta/article5577331/
(17) Chevron Corporation: Comments on Proposed Transatlantic Trade and Investment Partnership, May 7, 2013, http://www.regulations.gov/#!documentDetail;D=US TR-2013-0019-0241