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Schuepbach, l’opérateur choisi en Ardèche et en Aveyron obtient une indemnité d’1M€ revue à la baisse.

Comme le rapporte le quotidien Midi Libre, « le 4 décembre 2019, la cour administrative d’appel de Versailles a signé l’épilogue du long feuilleton du gaz de schiste en France, marqué par les autorisations d’exploiter en octobre 2010, les grandes manifestations qui ont suivi, jusqu’aux revirements successifs de l’État, de 2011 à 2017.

La justice devait se prononcer sur la demande de la société Schuepbach, titulaire du permis de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux à Villeneuve-de-Berg, en Ardèche et Nant, en Aveyron, qui avait demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l’État à lui verser plus de 117 millions d’euros, en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi  » après l’arrêt des perspectives d’exploitation en France.

En mars 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait rejeté la demande de la compagnie texane. Au début du mois, la cour d’appel de Versailles lui a finalement accordé une indemnisation, mais elle s’avère inférieure à ce qui était demandé, soit 1 M€.

 » C’est la fin de l’aventure du gaz de schiste en France. On imaginait que la décision de l’État coûterait des fortunes, ce n’est finalement pas si élevé « , se félicite l’avocate montpelliéraine Hélène Bras, spécialiste en droit de l’environnement, qui rappelle qu’un autre revirement de l’État, l’annulation des portiques écotaxes, a coûté 800 M€ d’indemnisations. Sur place, « le climat est apaisé » depuis longtemps, après sept années de mobilisation. Le 26 février 2011, 15 000 personnes ont manifesté à Villeneuve-de-Berg. Le 17 avril 2011, 7 000 à Nant. Le 28 février 2016, encore 15 000 à Barjac.

« Un feuilleton de dix ans »

C’est Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Écologie, qui délivre les permis autorisant la prospection de gaz de schiste en France à partir de mars 2010. La société Total se voit ainsi délivrer un permis dit « de Montélimar », dans la Drôme. On découvre alors que ne nombreux permis ont été accordés et que d’autres sont à l’étude partout en France.

La loi du 13 juillet 2011, toujours sous le gouvernement Fillon, signe de début de la fin de l’aventure gaz de schiste en France, de fait, abroge les permis exclusifs de recherche.Les collectifs citoyens demandent leur annulation pure et simple et l’arrêt de la délivrance de nouveaux permis.

En 2017, la loi Hulot, met fin à la délivrance de tout nouveau permis de recherche d’hydrocarbure en France. Une loi en demi-teinte qui ne verrouille pas l’exploitation de permis déjà délivrés, ceux-ci étant maintenus au moins jusqu’à 2040.

Revue de presse c’est ici avant le 01/06/2018 c’est là

Jeudi 30 août 2018 – Alors que le ministre de l’Écologie Nicolas Hulot vient de démissionner avec fracas en invoquant le pouvoir excessif des lobbies, les Amis de la Terre France et l’Observatoire des multinationales révèlent aujourd’hui des documents inédits sur le lobbying auprès du Conseil d’État, qui avait conduit à vider de sa substance la loi « Hulot » sur la fin de l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures en France. Cette loi est aujourd’hui brandie par le gouvernement comme son principal succès en matière écologique, alors que sa portée avait été réduite à une peau de chagrin. Ces documents ont été obtenus dans le cadre d’une enquête publiée en juin dernier par les Amis de la Terre et l’Observatoire des multinationales « Les Sages sous influence ? Le lobbying auprès du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État » (1).

En juin dernier, les Amis de la Terre France et l’Observatoire des multinationales levaient le voile sur les mécanismes d’influence très mal connus mais très efficaces qui s’exercent en France sur le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, conduisant à la censure de nombreuses mesures fiscales ou environnementales, au nom de la protection des « droits et libertés économiques ».

Notre rapport s’attardait en particulier sur les coulisses de la loi Hulot sur la fin des hydrocarbures, laquelle avait été vidée de sa substance suite à un avis du Conseil d’État (2). Nous avions alors officiellement demandé à cette instance, au nom de la transparence, qu’elle nous communique les « contributions extérieures » reçues de la part de lobbyistes. Le Conseil d’État a pour la première fois accepté de communiquer certains de ces documents, au nom du droit d’accès à l’information environnementale : il s’agit de contributions du MEDEF, de l’Union française des industries pétrolières (UFIP, lobby du secteur des hydrocarbures), et d’un cabinet d’avocats d’affaires agissant au nom de la société canadienne Vermilion. Il refuse cependant de nous transmettre deux autres « contributions extérieures » au prétexte qu’elles ne présentaient que des « arguments purement juridiques » (3).

Juliette Renaud, chargée de campagne senior sur la Régulation des multinationales aux Amis de la Terre commente « L’obtention de tels documents auprès du Conseil d’État est une grande première, et confirme le poids excessif des lobbies jusqu’au sommet de l’État. Mais ce n’est qu’un premier pas qui doit être confirmé par des mesures systématiques de transparence sur les influences qui pèsent actuellement sur l’élaboration des avis de cette instance. Et il doit en être de même au niveau des décisions du Conseil constitutionnel. »

Ces documents, que nous analysons de façon détaillée dans l’article ci-joint (4), confirment largement ce que nous avancions dans notre rapport, le Conseil d’État reprenant dans son avis plusieurs arguments des lobbies, notamment sur le besoin d’une étude d’impact plus approfondie, sur l’importance et excellence du secteur pétrolier français. Mais cet avis est surtout consacré à la question de la prolongation des concessions pétrolières, qui devenait interdite dans la toute première version du projet de loi.

Les trois contributions des lobbies se plaignent en effet du fait que le texte « interrompt brutalement des activités de production pour des concessions à renouveler avant 2040 », « violant leurs espérances légitimes de se voir octroyer des prolongations ». La société canadienne Vermilion, par la voix de son cabinet d’avocats, va plus loin et n’hésite pas à évoquer la possibilité pour les détenteurs de concession de recourir à l’arbitrage international pour protéger leurs intérêts. Dans son avis, le Conseil d’État reprend les mêmes mots, se référant lui aussi à leurs « espérances légitimes », et au fait que la non prolongation des concessions constituerait un risque d’atteinte « à la garantie des droits des opérations et au droit de propriété  ».

Suivant à la lettre l’avis du Conseil d’État, le gouvernement a alors immédiatement supprimé cette disposition du projet de loi. Il s’agissait pourtant d’une mesure phare de la première mouture du texte, qui aurait permis d’organiser une réel arrêt progressif de la production d’hydrocarbures en France. Ensuite, par voie d’amendement, le gouvernement a ouvert la porte à un renouvellement des concessions même au-delà de la date prétendument butoir de 2040.

Le MEDEF demandait également le maintien de l’autorisation d’exploration et exploitation des gaz de couche, qui est pourtant un hydrocarbure non conventionnel. Il obtiendra gain de cause via un amendement gouvernemental, malgré les nombreuses alertes des Amis de la Terre et de leurs partenaires.

Notes :

(1) Le rapport est disponible en ligne : www.amisdelaterre.org/sages-sous-influence

(2) Voir le décryptage publié par les Amis de la Terre et leurs partenaires après le passage au Conseil d’Etat : http://www.amisdelaterre.org/Mettre-fin-aux-energies-fossiles-Decryptage-de-la-loi-Hulot.html

et leur communiqué de presse de réaction lors de l’adoption finale de la loi : http://www.amisdelaterre.org/Loi-Hulot-trop-d-exemptions-et-pas-assez-d-ambition-pour-etre-une-loi.html

(3) La lettre de réponse du Conseil d’Etat et les contributions des lobbies sont disponibles ici : http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/loi_hulot_contributions_lobbies_au_conseil_etat.pdf

(4) Article disponible également en ligne ici : http://www.amisdelaterre.org/Decryptage-comment-les-lobbies-ont-detricote-la-loi-Hulot-via-le-Conseil-d-Etat.html

Le 4 octobre 2017 – L’Assemblée nationale vient d’examiner en première lecture le projet de loi Hulot “mettant fin à l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures”. Alors que le passage en commission Développement durable avait permis de renforcer le texte sur certains points (notamment l’interdiction des techniques non conventionnelles, et l’arrêt de toutes les concessions en 2040), le vote en plénière signe aujourd’hui un net recul. En effet, deux amendements très problématiques du gouvernement ont été adoptés, et ce dernier a bloqué systématiquement les modestes propositions qui voulaient donner au texte un contenu en accord avec ses objectifs et ambitions.

Alors qu’elle devait permettre de mettre en œuvre l’Accord de Paris et de tourner la page des énergies fossiles, la loi Hulot est en net retrait par rapport aux discours et aux engagements réitérés du Président de la République, du gouvernement et du ministre de la Transition écologique et solidaire. Le texte voté aujourd’hui est le résultat de renonciations et reculs successifs de Nicolas Hulot, depuis la présentation d’une première version au CNTE fin août (1), jusqu’à la discussion en plénière.

Selon Nicolas Haeringer, de 350.org, « Au nom d’une conception datée de la “liberté d’entreprendre”, inadaptée au défi que représente le réchauffement climatique, les députés ont manqué une opportunité rare de voter un texte qui aurait dû servir d’exemple au reste de la communauté internationale ».

Face aux failles initiales du texte, nos organisations avaient fait des propositions concrètes d’amélioration, soutenues par la mobilisation en ligne de plusieurs milliers de citoyens (2). La discussion en commission du Développement durable la semaine dernière avait pu faire croire un instant que quelques avancées étaient possibles (3). Elles ont été malheureusement balayées au cours des trois séances de discussions en assemblée plénière. En plus de concéder aux lobbies industriels une dérogation discutable pour le bassin de Lacq – l’exploitation génère de fortes pollutions aux impacts sanitaires majeurs -, le gouvernement a déposé un amendement qui ouvre une nouvelle faille dans la loi : la possibilité, pour les premières concessions délivrées en vertu du droit de suite, d’être octroyées pour une échéance excédant 2040 dans le cas où les industriels démontreraient qu’ils ne peuvent pas rentrer dans leurs frais.

Selon Juliette Renaud, des Amis de la Terre France : « Cet amendement est le symbole de la frilosité du gouvernement : il n’ose pas toucher au code minier, qui pourtant réduit sa capacité d’action à presque néant. De même, le gouvernement a de nouveau bloqué les amendements qui voulaient supprimer ou simplement restreindre le droit de suite. Face à l’urgence climatique, le ministre disait vouloir lancer un signal aux industriels, pour sortir des énergies fossiles, mais ce texte envoie le signal inverse : entre les intérêts économiques et le climat, ce sont toujours les intérêts économiques qui priment et ce, jusqu’à 2040 voire au-delà !  ».

Pour Isabelle Levy, du collectif du pays Fertois “Non au pétrole de schiste”, « Le projet ambitieux de Nicolas Hulot se limite à afficher un panneau « fermé » sur la porte du bureau où sont habituellement déposées les demandes de permis de recherche. Pour le reste c’est business as usual : les permis actuels seront prolongés, et pourront donner lieu à de nouvelles concessions qui pourront même aller au-delà de 2040 ! ».

L’autre recul notable concerne les hydrocarbures non conventionnels. En commission du Développement durable, un amendement avait été voté permettant de renforcer la loi Jacob de 2011 : il interdisait, au-delà de la fracturation hydraulique, la stimulation et les autres techniques non conventionnelles. Mais le gouvernement a proposé en dernière minute un amendement qui, sous motif de précision technique, vide en réalité de tout son sens la définition des techniques interdites. En dehors de l’abrogation des articles 2 et 4 de la loi Jacob concernant l’expérimentation, la loi Hulot n’apporte donc aucune amélioration en la matière.

Maxime Combes, d’ATTAC France conclut : « Aux objectifs ambitieux et appropriés initialement annoncés par le gouvernement, correspond une loi en demi-teinte bien éloignée de l’exemplarité totale attendue. En multipliant les dérogations et en refusant de s’engager sur la réductions des importations d’hydrocarbures (99% de notre consommation), le gouvernement a préféré sécuriser les droits des détenteurs des permis plutôt que commencer à résoudre le défi de ce début de 21ème siècle : faire en sorte que le droit des affaires, notamment le droit minier, la liberté d’entreprendre et le commerce international, soient enfin soumis à l’impératif climatique. C’est la tâche que nous poursuivrons dans les mois à venir : #MakethePlanetGreatAgain ou #BusinessAsUsual, il va bien falloir choisir ».

Le projet de loi devrait être examiné par le Sénat au moins de novembre, le gouvernement espérant une adoption finale par le Parlement avant la fin de l’année.

Notes :
(1) Voir notre note de décryptage sur les reculs entre le texte présenté au CNTE le 23 août, et celui examiné au Conseil des ministres et transmis à l’Assemblée nationale le 6 septembre.
(2) Voir notre campagne d’interpellation des députés “Loi Hulot : redonnons à l’État le pouvoir de dire non !”, lancée le 21 septembre : https://350.org/fr/pasdepermis/
(3) Voir notre communiqué du 27 septembre 2017, suite au passage en commission du Développement durable : http://www.amisdelaterre.org/Loi-Hulot-les-ameliorations-doivent-etre-confirmees-et-les-dernieres-failles.html

(!) Info minute – Revue de Presse

11 septembre 2017
Lors de la présentation du plan climat le 6 juillet 2017, le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot a annoncé vouloir mettre “fin aux énergies fossiles”, afin de “servir d’exemple pour les autres nations(1). C’est à l’aune de ces objectifs ambitieux que le projet de loi “mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement” présenté par Nicolas Hulot doit être jugé. Son seul titre et les effets d’annonce ne peuvent suffire. Dans les faits, on observe malheureusement un important décalage entre les objectifs annoncés par le gouvernement et le contenu réel de ce projet de loi.
La première version du projet de loi, soumise au CNTE (conseil national de la transition écologique) pour avis le 23 août 2017, présentait déjà des lacunes importantes. Et la version transmise mercredi 6 septembre 2017 à l’Assemblée nationale, très fortement modifiée suite à l’avis du Conseil d’État, comporte de nouveaux reculs (2). Ainsi, si les objectifs annoncés par le gouvernement sont ambitieux et appropriés, les mesures concrètement contenues dans le projet de loi ne permettent tout simplement pas de les atteindre. Il n’y aura ni transition progressive jusqu’en 2040, ni d’interdiction effective de l’exploration des hydrocarbures non conventionnels. Les permis actuels seront prolongés et donneront lieu à de nouvelles concessions, et les concessions actuelles pourront être prolongées jusqu’en 2040.

La présente note – élaborée par Juliette Renaud, Les Amis de la Terre France, Isabelle Lévy, collectif du Pays Fertois “Non au pétrole de schiste” (77) et Maxime Combes, Attac France – offre un décryptage du texte du projet de loi et de ses principales failles.

Un bel objectif, ambitieux et approprié

L’idée de laisser les énergies fossiles dans le sol est loin d’être nouvelle : cette proposition a été énoncée dès 1997 par le réseau Oilwatch en parallèle des négociations de l’accord de Kyoto (3). Bien qu’ignorée des États, cette exigence a contribué à populariser l’idée selon laquelle il fallait instaurer des régulations limitant et contraignant les activités d’extraction d’énergies fossiles. En effet, le sous sol terrestre contient suffisamment de charbon, de gaz et de pétrole pour nourrir un réchauffement climatique supérieur à +10°C (4). Il y a donc urgence à agir.
Comme le rappelle le gouvernement dans l’exposé des motifs du projet de loi, “80% des réserves fossiles déjà connues doivent rester dans le sol afin de permettre de respecter la trajectoire de hausse de température visée par l’Accord de Paris”(5). Et les gisements actuellement exploités sont tellement grands, que si nous les exploitons jusqu’au bout, nous dépasserons les 2°C de réchauffement. Extraire du gaz et du pétrole de nouveaux gisements contrevient donc aux objectifs de l’Accord de Paris.
Par conséquent, il est nécessaire de planifier la fermeture anticipée et progressive d’un certain nombre de puits d’hydrocarbures et de mines de charbon actuellement exploités et de ne surtout plus investir dans l’exploration ou l’exploitation de nouveaux gisements (6). Cette sortie programmée des énergies fossiles doit commencer immédiatement, et ne peut pas attendre 2040, sauf à délibérément ignorer les implications physiques qui découlent de l’article 2 de l’Accord de Paris.

IMPORTANT : Geler l’exploration comme l’exploitation de nouveaux gisements n’est pas une option parmi d’autres, mais un élément clef de toute réponse adéquate à la crise climatique.
Point n°1. Hydrocarbures non conventionnels : la porte reste ouverte

La première version du projet de loi, soumise pour avis au CNTE, prévoyait l’interdiction de toute exploration ou exploitation des hydrocarbures non conventionnels, quelle que soit la technique utilisée. Le gouvernement en a d’ailleurs fait une de ses lignes de communication le jour de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, le 6 septembre 2017.
Si cette première version présentait des failles (exclusion des gaz de couche, absence totale de mécanisme de contrôle et de sanction), le texte finalement transmis à l’Assemblée nationale, suivant l’avis du Conseil d’État, fait totalement l’impasse sur cette question.

IMPORTANT : Il ne prévoit en effet aucune définition ni interdiction immédiate de l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Par conséquent, il n’y a pas d’amélioration par rapport à la loi Jacob de 2011 : seule la technique de la fracturation hydraulique est interdite, et celle-ci n’est toujours pas définie.

Il serait indispensable de fournir par la loi une définition claire de cette technique d’exploration et d’exploitation prohibée, afin d’éviter tout recours à une méthode portant un autre nom tout en comportant les mêmes risques environnementaux. Par ailleurs, en l’étatsi une technique alternative venait à être développée, les détenteurs de permis pourront explorer puis exploiter non seulement les gaz de couche, mais aussi les gaz et pétroles de schiste.

En effet, le Code minier ne distingue pas les hydrocarbures conventionnels des non conventionnels. Par conséquent, l’octroi d’une concession ouvre la possibilité à l’industriel qui la détient d’exploiter tout type d’hydrocarbures sur le périmètre qui lui est alloué. La concession ne se limite pas à un élément géologique préalablement détaillé dans la demande de permis. Dans la réalité, les objectifs géologiques s’affinent au fur et à mesure des travaux d’exploration ou d’exploitation menés par l’entreprise détentrice du titre minier (7). Enfin, la distinction entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels devrait en réalité s’appliquer aux méthodes d’exploration et d’exploitation et non aux hydrocarbures proprement-dits.

En outre, en 2011, au moment de l’adoption de la loi Jacob, seuls trois permis avaient été abrogés (ceux de Nant, de Villeneuve de Berg et de Montélimar), sur les seize identifiés comme comportant des projets d’exploration d’hydrocarbures non conventionnels (8). Les industriels avaient tous envoyé la même lettre-type, dans laquelle ils promettaient de ne pas avoir recours à la fracturation hydraulique, afin d’éviter l’abrogation de leurs permis.

IMPORTANT : Contrairement à ce qu’avance le gouvernement dans son étude d’impact, il y a donc encore des permis de recherche en cours de validité qui visent en réalité des hydrocarbures dits non conventionnels (9).

Sur le terrain :

Parmi les permis identifiés en 2011, celui de Saint-Just-en-Brie fait actuellement l’objet d’une demande de concession déposée par Vermilion, sous le nom de « concession de la Conquillie ». En 2010, Vermilion faisait explicitement référence à l’utilisation de la fracturation hydraulique pour ce permis, avant de se rétracter en septembre 2011 pour pouvoir préserver ses droits.
Quant au permis Bleue Lorraine, la Française de l’Énergie y effectue actuellement des forages dans l’intention d’exploiter le gaz de couche, un autre hydrocarbure non conventionnel (à ne pas confondre avec le gaz de mine) (10). Le permis de Mairy a fait l’objet, lui, de multiples recours de la part des différents détenteurs qui se sont succédés. Par ailleurs depuis 2011, d’autres permis ont été délivrés, comme celui d’Estheria en 2015. Lundin, qui a obtenu ce permis, était en concurrence avec Realm/San Leon dont les objectifs géologiques affirmés et revendiqués concernaient la roche-mère.

IMPORTANT : La situation des permis de recherche est bien moins claire que ce qu’affirme le gouvernement, sans compter les concessions actuellement exploitées pour des hydrocarbures conventionnels, sur lesquelles il existe également des réserves d’hydrocarbures non conventionnels, qui pourraient donc éventuellement être exploitées d’ici à 2040.

Finalement, la seule petite avancée dans l’actuel projet de loi est l’abrogation des articles 2 et 4 de la loi “Jacob” du 13 juillet 2011, qui ouvraient la porte à l’expérimentation sous couvert de recherches scientifiques sous contrôle public.

Un exposé des motifs qui va plus loin que la loi Jacob ?

Certains observateurs soulignent que malgré tout, le projet de loi irait plus loin que la loi Jacob du fait que dans l’exposé des motifs apparaît l’interdiction “de l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste et de l’ensemble des hydrocarbures non conventionnels” . Si l’exposé des motifs d’une loi peut donner des indications au juge pour son interprétation du texte, la mention actuelle est totalement insuffisante : il s’agit en effet d’une simple référence aux annonces des orientations du Gouvernement dans le cadre du plan Climat, et non une explicitation des intentions du projet de loi.
Cette référence est vague et n’est accompagnée d’aucune définition des hydrocarbures non conventionnels, ni de l’intention d’interdire leur exploration et exploitation quelle que soit la technique utilisée. Surtout, dans les articles du projet de loi lui-même, en dehors de l’abrogation des deux articles de la loi “Jacob”, il n’y a strictement aucune mention des hydrocarbures non conventionnels. En outre, se contenter de l’exposé des motifs revient à repousser le problème sur les juges qui auront à charge de trancher d’éventuels contentieux, alors qu’une décision politique claire est ici nécessaire. Si le gouvernement souhaite réellement interdire toute possibilité d’exploration et d’exploitation de tous les hydrocarbures non conventionnels, il doit traduire cette intention dans le texte de loi. Des propositions concrètes avaient été faites en janvier 2017 lors de l’examen à l’Assemblée nationale de la proposition de loi d’adaptation du code minier au droit de l’environnement (11).

IMPORTANT : L’exposé des motifs n’est pas de nature à contre-balancer les faiblesses des articles du projet de loi.
Point n°2. Prolongation des concessions actuelles : pas de fin progressive de l’exploitation

Le texte transmis à l’Assemblée nationale est, là encore, en recul par rapport à la première version du projet de loi. En effet, le premier texte prévoyait d’interdire la prolongation des 63 concessions actuelles. Cela engendrait un arrêt progressif de l’exploitation en France.
Certains projets se seraient en effet arrêtés dès 2018 ou 2020, la plupart des autres dans
les années 2030, et quelques-uns après 2040 voir 2050. Dans le texte soumis à l’Assemblée nationale, ce qui est interdit est simplement la “prolongation d’une concession pour une durée dont l’échéance excède 2040” (article 1, alinéa 14).

IMPORTANT : Toutes les concessions actuelles pourront être prolongées.

Seule la durée de cette prolongation variera : les concessions venant à échéance en 2018 pourront être prolongées de 22 ans, jusqu’en 2040, celles expirant en 2025 de 15 ans, etc.
Et les concessions déjà octroyées pour une période excédant 2040 se poursuivront au delà de cette date “butoir”, en raison bien sûr de la non rétroactivité de la loi. Le gouvernement n’était nullement obligé de suivre l’avis du Conseil d’État qui considérait que “l’intérêt général ne serait en effet pas suffisant pour justifier l’arrêt immédiat de toutes les exploitations en cours”. Il ne s’agissait en effet pas d’un arrêt immédiat de toutes les concessions (simplement de leur non-renouvellement progressif). Il aurait en outre pu défendre l’importance de l’objectif d’intérêt général que représente la lutte contre le changement climatique.

Point n°3. Du permis de recherche à de nouvelles concessions : une impossible remise en cause du droit de suite ?

Sur ce point, les deux versions du texte sont identiques, et présentent la même faille: tous les détenteurs des 33 permis de recherche actuels – dont 2 offshore (12)– auront non seulement la possibilité de voir leurs permis prolongés, mais aussi le droit à une première concession, en raison du “droit de suite” (article 1, alinéas 13 et 15). Il n’est même pas clairement précisé, dans le texte actuel, que l’échéance de cette première concession ne pourra pas excéder 2040.

Ce “droit de suite”, consacré à l’article 132-6 du code minier, est un droit quasi automatique des détenteurs de permis de recherche à une concession. L’absence de remise en cause de ce “droit de suite” est principalement due à des considérations financières, car elle pourrait ouvrir la porte à de nombreux recours contre l’État, et à la
réclamation d’indemnisations conséquentes par les industriels auxquels seraient refusé la concession.

Pourtant, juridiquement, il y aurait des possibilités de restreindre ou encadrer ce droit de suite en modifiant l’article 132-6 du code minier. Des propositions concrètes d’amendements avaient, là encore, été déposées lors de l’examen, en janvier 2017, de la
proposition de loi d’adaptation du code minier au droit de l’environnement, reprenant pour certaines les recommandations du rapport Tuot.

IMPORTANT : La restriction du droit de suite est indispensable pour que l’État retrouve sa souveraineté et une marge de manœuvre nécessaire pour refuser d’octroyer des concessions au vu des risques environnementaux et de l’urgence climatique.
Point n°4. Nouveaux permis de recherche : une interdiction incomplète

Tout comme le premier texte, la seule avancée concrète que semble contenir ce projet de loi, est le fait qu’aucune nouvelle demande de permis de recherche ne sera accordée. Le texte précise que cela couvre les demandes en cours d’instruction, mais “sous réserve de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée enjoignant à l’administration de procéder à la délivrance ou à la prolongation de l’un de ces titres” (article 2).

IMPORTANT : Autrement dit, toutes les demandes de permis pour lesquelles les industriels ont présenté un recours en justice, et obtenu un jugement favorable en dernière instance, pourront être délivrées. Il n’y a actuellement aucune donnée publique sur le nombre de permis concernés.

En effet, les dernières informations publiques sur les demandes de permis remontent au 31 décembre 2015, date à laquelle il y avait 132 demandes de permis en attente (13). Aujourd’hui, dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le gouvernement fait référence à 43 demandes de permis en cours d’instruction.

On sait seulement que de nombreux recours ont en effet été intentés contre l’État, qui a
déjà payé 1 million d’euros d’astreinte, et 11 autres millions ont déjà été accordés et non
encore recouvrés. Une situation d’autant plus préoccupante, que dans son avis, le Conseil
d’État “encourage le Gouvernement à apurer, dans les meilleurs délais, le stock anormalement élevé de demandes d’octroi de permis de recherches ou de prolongation
d’un permis précédemment octroyé encore en souffrance à ce jour”. Si le gouvernement
actuel choisit de mettre fin à ces astreintes, et de suivre la recommandation du Conseil
d’État, ce projet de loi pourrait aboutir à la délivrance de nouveaux permis de recherche,
qui pourraient ensuite déboucher sur des concessions.

IMPORTANT : Il est donc indispensable qu’avant le débat parlementaire, le gouvernement rétablisse la publication des informations détaillées concernant l’ensemble des titres miniers octroyés ou en cours d’instruction (permis et concessions).

Transparence de l’information

Récemment, le ministère de l’Écologie a remis en ligne une liste des permis de recherche et des concessions en cours de validité en date du 1er juillet 2017. Mais il n’y a plus aucune information sur les demandes de permis ou de concession : aujourd’hui, on ne peut vérifier ni le nombre de dossiers en cours d’instruction ni l’identité des pétitionnaires.
A l’inverse, entre 2012 et 2015, sur le site du ministère, on trouvait des informations détaillées pour chaque permis et chaque concession (14), et le BEPH (Bureau Exploration/Production des Hydrocarbures) publiait un bulletin mensuel, accessible au public, comportant des informations sur les demandes déposées, les décisions relatives à ces demandes, ainsi que des informations sur les projets en cours (15). Enfin, deux fois par an, le même BEPH a publié une carte des périmètres miniers permettant d’avoir une vue d’ensemble des permis et des concessions (en cours d’instruction ou octroyés). Ce document n’est plus public depuis décembre 2015. Toute cette transparence concernant
les explorations et exploitations des hydrocarbures en France a aujourd’hui disparu.
Enfin, de nombreux recours concernent les refus implicites de demandes de permis, de prolongation ou de mutation ; or ces refus implicites – autorisés par le Code Minier, via la procédure du “silence gardé” – ont été quasi-systématiquement attaqués en justice par les industriels depuis 2011 (16).

IMPORTANT : Il serait nécessaire que le gouvernement communique la liste des recours en cours et des jugements en dernière instance déjà prononcés.
Point n°5. Code minier, sortie des énergies fossiles : le projet de loi ne s’attaque qu’à 1% du problème

Comme l’indique lui-même le gouvernement, la production d’hydrocarbures en France ne couvre qu’à peine 1% de notre consommation nationale. Ce projet de loi n’a donc qu’une portée symbolique au vu de l’urgence climatique.

IMPORTANT : Des mesures concrètes sont indispensables et urgentes pour réduire notre consommation, et s’engager donc réellement à mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles.

Le manque d’ambition du gouvernement sur le présent projet de loi, ainsi que l’opposition frontale des industriels à ces mesures – qui leur donnent pourtant un temps de reconversion extrêmement long et concernent un nombre d’emplois relativement restreint -, ont de quoi nous interroger quant à la capacité du gouvernement à engager les changements plus radicaux et profonds pourtant indispensables pour une transition énergétique juste, tels que la fermeture de centrales à charbon ou nucléaires.

IMPORTANT : Il est tout aussi indispensable que soit engagée au plus vite
une réforme globale du Code minier

Le présent projet de loi ne concerne en effet que les hydrocarbures, et ne comporte aucune disposition visant à résoudre les problèmes qui sont au cœur de ce code, tels que
les importantes lacunes en termes de consultation des populations, d’après-mines, ou
bien sûr la question du droit de suite mentionnée précédemment.

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Notes :
(1) Lancement du Plan Climat, Ministère de la transition écologique et sociale, https://www.ecologiquesolidaire.gouv.fr/lancement-du-plan-climat
(2) La nouvelle version du projet de loi ainsi que l’avis du Conseil d’État sont disponibles ici :
http://www.assemblee-nationale.fr/15/dossiers/fin_recherche_exploitation_hydrocarbures.asp
(3) Fondé à l’initiative d’ERA/les Amis de la Terre Nigeria, et de l’organisation équatorienne Acción
Ecológica, le réseau Oilwatch regroupe des organisations du Sud en lutte contre l’extraction pétrolière. Cette revendication, mêlant une réalité locale – impact de l’exploitation sur les territoires et les populations – à une négociation globale, a servi de boussole à de nombreuses luttes citoyennes, de l’initiative (inaboutie) Yasuni à la résistance contre l’exploitation des hydrocarbures de schiste.
(4) James Hansen, Makiko Sato, Gary Russell, et Pushker Kharecha, « Climate sensitivity, sea level,
and atmospheric carbon dioxide », Philosophical Transactions A, no 371, 2013, 20120294, doi :
10.1098/rsta.2012.0294
(5) Le gouvernement fait ainsi référence aux conclusions des travaux du GIEC. Sur l’incohérence
actuelle entre les engagements pris par les Etats et les investissements réalisés dans les énergies
fossiles, voir également : Christophe McGlade et Paul Ekins, « The geographical distribution of fossil
fuels unused when limiting global warming to 2 °C», Nature, no 517, 8 janvier 2015, p. 187-190.
(6) The Sky’s Limit, Oil Change International, Septembre 2016, http://priceofoil.org/2016/09/22/the-skyslimit-report/
(7) On a vu d’ailleurs récemment deux détenteurs de concessions procéder à des « campagnes
d’acquisitions de données via la sismique 3D »; autrement dit le passage de camions vibreurs, sur
deux concessions (Champotran, en 2014 pour Vermilion, Villeperdue, en 2017 pour Lundin).
(8) Voir le rapport n°3392 fait au nom de la Commission Développement durable de l’Assemblée
nationale en mai 2011 (page 25) : “Or, il ne s’agit pas des seuls permis exclusifs de recherches comportant des projets d’exploration d’hydrocarbures non conventionnels. (…) À partir des dossiers
initiaux de demandes, le Bureau exploration-production des hydrocarbures (BEPH) du ministère de
l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a identifié seize permis :
Permis dits de Saint-Just-en-Brie, de Gaz de Gardanne, de Bleue Lorraine, de Bleue Lorraine Sud,
de Lons le Saunier, de Mairy, de Nogent-sur-Seine, de Leudon-en-Brie, de Moselle, de Lorraine, de
Château Thierry, du Valenciennois, de Sud Midi, et ceux précités dits de Nant, de Villeneuve de
Berg, de Montélimar.” http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rapports/r3392.pdf
(9) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, page 10 : “Pour ce qui concerne les hydrocarbures
dits « non-conventionnels », généralement appelés « pétroles et gaz de schiste », aucun permis de
recherche ni concession d’exploitation n’est en vigueur. Tous les permis pouvant couvrir ce type de
matières ont été abrogés en application de la loi du 13 juillet 2011”. http://www.assembleenationale.fr/15/pdf/projets/pl0155-ei.pdf
(10) La première version du projet de loi comportait une définition des hydrocarbures non
conventionnels, mais celle-ci était incorrecte puisqu’elle excluait les gaz de couche. Pour en savoir
plus et comprendre la différence avec le gaz de mine, lire les articles d’Isabelle Levy et Claude
Taton : “Le gaz de couche, c’est pas du grisou” et “Le gaz de couche échappe à l’interdiction
d’exploration des hydrocarbures (27 et 28 août 2017) https://blogs.mediapart.fr/claudetaton/blog/270817/le-gaz-de-couche-c-est-pas-du-grisou-2
https://blogs.mediapart.fr/claude-taton/blog/280817/le-gaz-de-couche-echappe-linterdiction-delexploration-des-hydrocarbures-4
(11) Plusieurs propositions d’amendements donnant une définition des hydrocarbures non
conventionnels et interdisant leur exploration et exploitation avaient été déposés. Voir par exemple
celui des députés écologistes : http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/4251/CIONDVP/CD260.asp
(12) Guyane Maritime et Juan de Nova Maritime Profond, dans les Îles Eparses (dans le canal du
Mozambique). De plus, des recours sont en cours sur deux autres demandes de permis de
recherche offshore en Guyane.
(13) Rapport des Amis de la Terre France : Creuser et forer, pour quoi faire ? Réalités et fausses vérités
du renouveau extractif en France (décembre 2016). Nombre de demandes de permis calculé sur la
base des informations publiées par le BEPH jusqu’en décembre 2015.
http://www.amisdelaterre.org/Rapport-creuser-et-forer-pour-quoi-faire-Realites-et-fausses-veritesdu.html
(14) Pour chaque permis ou concession, on pouvait consulter un bordereau récapitulant son nom, le
nom des titulaires/des postulants, les départements impactés, la carte du permis, l’arrêté
d’attribution, les courriers échangés entre le détenteur et les services de l’État, la période concernée
(un permis peut vivre trois périodes), les demandes de prolongation, les demandes de mutation. Ce
bordereau, pas toujours correctement mis à jour, donnait accès à chacun des item présent dans ce
récapitulatif.
(15) Ce bulletin mensuel comportait un tableau synoptique permettant de connaître les éléments
administratifs (demande de permis, de concessions), les activités de forages, leur emplacement, la
profondeur atteinte, le volume de la production pour chaque concession ainsi que la carte du titre
minier, la nature des éventuels incidents (perte d’une tête de forage, etc).
(16) Concernant le code minier, la naissance d’un refus implicite suite au silence gardé par
l’administration pendant un certain délai, est définie pour chaque type de demande dans le Décret
n°2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain.

 (!) MANIFESTATION Noville Suisse 9 septembre 2017                    (!) Info minute – Revue de Presse

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Article de Coralie Schaub publié dans Libération et repris avec l’aimable autorisation de son auteure

Le texte transmis à l’Assemblée nationale mercredi, qui diffère de la version précédente, ne change pas réellement la donne par rapport à la situation actuelle, s’inquiète Juliette Renaud, de l’ONG les Amis de la Terre.

Petit coup de théâtre. Le texte du projet de loi censé être destiné à «laisser les énergies fossiles dans le sous-sol» a changé. La version soumise pour avis le 23 août au Conseil national de la transition écologique (CNTE) et commentée par l’ensemble des observateurs, ONG ou médias, n’a rien à voir avec celle qui a été effectivement enregistrée à l’Assemblée nationale mercredi, le jour où Nicolas Hulot présentait le texte en Conseil des ministres. Pour Juliette Renaud, chargée de campagne sur les industries extractives aux Amis de la Terre, il s’agit là d’un quasi retour au statu quo.

Qu’est-ce qui a bougé dans la nouvelle version du texte ?

Il ne définit plus les hydrocarbures non conventionnels et n’interdit plus clairement leur exploration et leur exploitation «par quelque technique que ce soit», contrairement à ce qui figurait dans la précédente version. Donc on en reste à la loi du 13 juillet 2011, qui interdit leur exploration et exploitation par la technique de fracturation hydraulique, la seule disponible aujourd’hui. Cela veut dire que si les industriels parviennent un jour à développer une nouvelle technique, ils vont pouvoir exploiter les gaz et pétrole de schiste. La majorité des permis visant ces hydrocarbures non conventionnels n’ont pas été abrogés en 2011, la porte ne leur est donc pas totalement fermée. La seule différence par rapport à la loi de 2011, avec ce nouveau texte, est que les dispositions qui concernaient les possibilités de recherche à titre expérimental sur ces hydrocarbures non conventionnels sont abrogées.

Deuxième point : dans cette nouvelle version du texte, seule la prolongation des concessions d’exploitation d’hydrocarbures au-delà de 2040 est interdite. Toutes celles qui devaient arriver à échéance ces prochaines années, à partir de 2018, pourront donc être prolongées jusqu’en 2040. Ce qui consacre le statu quo par rapport à aujourd’hui.

Troisième chose, quid des demandes de permis de recherche en cours d’instruction ? Il en existait 132 au 31 décembre 2015. Avec ce nouveau texte, de nombreux permis, pour lesquels les industriels ont déjà obtenu des décisions judiciaires favorables, risquent en fait d’être accordés et de déboucher potentiellement sur des concessions d’exploitation.

Comment expliquez-vous ce changement de texte ?

Le gouvernement a modifié son texte en fonction de lavis du Conseil d’Etat sur le projet de loi, rendu le 1er septembre. Par exemple, au sujet des demandes de permis de recherche en attente, le Conseil d’État «incite» le gouvernement «à accélérer l’instruction de ces dossiers et, si besoin, à atténuer au cas par cas les effets de l’intervention de la loi nouvelle». Les industriels ont déposé des recours sur les permis en attente et l’État a déjà payé un million d’euros d’astreintes, il se peut que le gouvernement se soit dit qu’il allait en délivrer un certain nombre pour «apurer» la situation. En fait, ce nouveau texte est au minimum un statu quo. Je ne vois pas bien ce qu’il change par rapport à la situation actuelle, à part qu’il interdit l’octroi de nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures.

Vous êtes déçue ?

En juin, quand Nicolas Hulot a annoncé qu’il présenterait ce projet de loi, nous avons bien sûr anticipé qu’il serait mis en difficulté par les lobbies. Ce texte était pour lui une sorte de test. Or l’essentiel de ce qui figurait dans la première version a été retoqué par le Conseil d’État. Mardi, quand Emmanuel Macron et Nicolas Hulot ont rencontré les ONG, le président des Amis de la Terre a demandé à ce dernier si le texte avait changé, il a répondu : «Non, juste des petits détails.» C’est faux.

Le texte tel qu’il est aujourd’hui ne menace aucun intérêt industriel, l’État reste pieds et poings liés face à ces derniers, parce que personne n’arrive à toucher au code minier, qui leur est favorable. Sur la forme, il s’agit au final d’une jolie opération de communication. Nous aimerions être reçus par le gouvernement pour avoir une explication, y compris sur le fait de ne pas avoir été consultés en amont. Et nous allons essayer d’alerter des députés. La bataille sera dure.

Oupsss Hulot loi hydrocarbures gaz de schiste

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(!) Info minute – Revue de Presse

Par Claude Taton publié sur son blog le 16/01/2016

La Commission des Affaires Économiques examinait pour avis, le 11 janvier, la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement. La députée, Delphine Batho, y est intervenue en questionnant tout au long de la séance les insuffisances de ce texte et identifiant quels en étaient les enjeux.

Au cours de la première partie de la séance consacrée aux déclarations liminaires sur la proposition de loi, l’ancienne ministre de l’Écologie, Delphine Batho, n’a eu cesse de réaffirmer les principes généraux qui devraient, selon elle, être présents dans la modification du code minier.

– la conformité du droit minier aux principes constitutionnels de la Charte de l’Environnement et aux principes généraux du droit de l’environnement.

– la réaffirmation que c’est la démocratie qui doit décider ou pas de l’utilisation et de l’exploitation des ressources naturelles et non les multinationales

– conforter l’État dans son droit d’interdire clairement des techniques d’extraction et de décider de ne pas autoriser l’exploitation d’une ressource en se référant à l’Accord de Paris (COP 21)

– la sortie des énergies fossiles pour instaurer un modèle énergétique post-carbone.

– la prise en compte de la raréfaction des ressources naturelles disponibles en se tournant vers une économie circulaire afin de mettre fin à l’extractivisme

– l’instauration d’ une véritable participation du public en amont de tout processus décisionnel

– la sécurisation juridique des décisions de l’État pour que celles-ci ne soient pas contestées par les industriels.

Voir l’extrait de la vidéo concernant la première partie de son intervention :

En poursuivant ensuite son intervention sur des questions aussi essentielles que sont la participation du public aux décisions qui ont un impact sur l’environnement, le droit de suite qui permet d’accorder quasi automatiquement au détenteur d’un permis de recherches un permis d’exploitation, l’évaluation environnementale, l’abandon des énergies fossiles, l’extraction et la la raréfaction des ressources naturelles, elle a souligné les faiblesses et les imprécisions de ce texte qui manque d’ambition par rapport aux principes généraux énoncés ci-dessus.

Pour voir la totalité de la séance sur le site de l’Assemblée Nationale.

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4567661_58764a20ca60a.commission-des-affaires-economiques–adaptation-du-code-minier-au-droit-de-l-environnement-avis-11-janvier-2017?timecode=999803

L’examen du texte par la Commission des Affaires Économiques était la première étape du parcours législatif de cette proposition de loi qui sera examinée par la Commission du développement durable de l’Assemblée Nationale, les 17 et 18 janvier. Ensuite, elle sera débattue et soumise au vote des députés, en plénière, à l’Assemblée Nationale les 24 et 25 janvier, le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée.

  • En savoir plus: ici
  • Interpeler son député: ici

(!) Info minute – Revue de Presse

Si les pétroliers français sont encore en vacances (mais plus poumanif non forage gaz non conventionnel villeneuve noville suisse 3 septembre 2016r très longtemps…) ceux de Suisse envisagent déjà de rechercher du “gaz de réservoir compact”, donc par fracturation hydraulique puisqu’il n’y a pas d’autre technique opérationnelle (lire ici) à ce jour, sous le lac Léman (lire ici).
Le Collectif Non au Gaz de Schiste des Pays de Savoie et de l’Ain soutient donc le Collectif Halte aux Forages Vaud pour refuser la nouvelle demande de forage à Noville, nous sommes autant concernés que nos  voisins suisses.
Plus d’information sur gare aux forages

(!) Info minute – Revue de Presse

Il était un des premiers opposants Polonais à l’exploitation du gaz de schiste, Wieslaw Tryniecki est décédé la semaine dernière. Le réalisateur Lech Kowalski qui l’a accompagné pendant sa lutte a assisté à ses obsèques. Il nous raconte.

Wieslaw, paysan dit Non à l’exploitation du gaz de schiste sur les terres de son village

Son visage ne vous dira rien, son nom non plus. Il s’appelait Wieslaw Tryniecki et avait une toute petite ferme dans le village de Rogow, à côté de Zurawlow à deux pas de lastop gaz de schiste zurawlow Wieslaw Tryniecki frontière entre la Pologne et l’Ukraine. Lorsqu’il a appris que Chevron allait exploiter le gaz de schiste dans sa région, il a dit NON.

En 2008, sous le matraquage médiatique, la Pologne se rêvait un avenir d’Arabie Saoudite et d’indépendance énergétique vis-à-vis de Moscou. Le gouvernement de Donald Tusk délivrait des permis d’exploitations du gaz de schiste aux plus grandes multinationales de la planète dans l’opacité la plus totale (lire aussi ici). Wieslaw Tryniecki avec une poignée d’autres petits paysans de son village, se sont mobilisés contre Chevron, l’entreprise américaine qui entendait planter ses derricks dans leurs jardins.

Wieslaw entre en lutte et témoigne

Dès qu’il a appris que Chevron allait exploiter le gaz de schiste dans son village, Wieslaw Tryniecki ce petit paysan s’est efforcé de comprendre ce qui se passait et de mobiliser ses voisins. Envers et contre tous, il a réussi à convaincre que tout cela n’était qu’un mirage. Présent dans toutes les réunions où Chevron vendait du vent, il était là pour argumenter, discuter, critiquer  (lire aussi le récit de la lutte ici).

Lors des réunions publiques organisées par Chevron avec le soutien des autorités locales, stop gaz de schiste Occupy Chevron Żurawlów Pologneil fallait une sacrée dose de courage pour contredire ses hommes en costumes si sûrs d’eux-mêmes. Wieslaw n’en manquait pas et ses compagnons non plus. Mais aucun média ne relayait leur lutte, personne ne prêtait attention à leur entêtement et à leurs revendications à part une poignée de militant (lire aussi ici et ). Lech Kowalski, réalisateur du documentaire « Drill Baby Drill » avait raconté son combat. Des citoyens français exprimaient leur solidarité, bouteille jetée à la mer face à l’obstination du gouvernement polonais (voir ici).

Il y avait chez Wieslaw Tryniecki l’obstination des paysans de cette planète qui stop au gaz de schiste zurawlow pologne Wieslaw Trynieckirefusent avec leurs tripes l’accaparement de leurs terres. Wieslaw Tryeniecki a affronté de nombreux obstacles, pratiquement seul quand la plupart des polonais se laissaient bercer par la propagande pour le gaz de schiste. Ce paysan est un des premiers si ce n’est le premier à s’être levé contre l’exploitation du gaz de schiste en Pologne. Il avait apporté des photos de son village montrant des maisons lézardées par les secousses des camions vibreurs de Chevron. Sur d’autres images, l’eau des puits était noire. Une profonde détermination se dégageait de lui.

Fin de la recherche de gaz de schiste en Pologne par Chevron

Le 31 janvier 2015 l’agence Reuter publiait un communiqué de presse annonçant questop gaz de schiste chevron quitte zurawlow pologne « l’entreprise Chevron va arrêter ses explorations de gaz de schiste en Pologne, un secteur qui n’a pas n’a pas été à la hauteur des espérances premières de transformer l’approvisionnement énergétique de l’Europe de l’Est…. Exxon Mobil, Total et Marathon Oil ont également mis un terme à leurs explorations en Pologne ». La victoire du pot de terre contre le pot de fer (lire aussi ici).

Dans la pauvreté extrême Wieslaw est contraint d’abandonner la lutte

On pourrait arrêter là l’hommage à Wieslaw Tryeniecki ce paysan polonais, qui grâce à son obstination a fait naitre la résistance contre le gaz de schiste en Pologne mais son histoire doit être racontée jusqu’au bout. C’est Lech Kowalski qui nous explique comment il apprit un soir que Wieslaw Tryniecki ne faisait plus partie de la lutte. Sa ferme ne lui permettait plus de faire vivre sa femme et ses trois enfants. Il avait dû se résoudre à accepter un emploi de vigile dans une agence de sécurité chargé de protéger un des sites de forage de …. Chevron.

Ce soir, accompagné de José Bové de passage dans cette région de Pologne orientale, une voiture les emmenait dans la nuit et dans le froid jusqu’à une petite maison bancale et grise. La lumière était encore allumée. Wieslaw les attendait. La porte s’est ouverte. Il les a fait entrer. Dans la cuisine à côté du poêle, il leur a dit la dureté de la crise qui dévaste les campagnes polonaises ; l’impossibilité de faire vivre une famille avec quelques vaches sur moins de 8 hectares, la douleur de devoir brader son lait, l’humiliation de n’avoir plus d’autres solutions que d’accepter ce travail….. Il ne se cherchait pas d’excuses.

Wieslaw Tryniecki a réussi à un moment de sa vie à gripper la machine.

Qu’il en soit remercié.

stop gaz de schiste occupychevron zurawlow