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Le 4 octobre 2017 – L’Assemblée nationale vient d’examiner en première lecture le projet de loi Hulot “mettant fin à l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures”. Alors que le passage en commission Développement durable avait permis de renforcer le texte sur certains points (notamment l’interdiction des techniques non conventionnelles, et l’arrêt de toutes les concessions en 2040), le vote en plénière signe aujourd’hui un net recul. En effet, deux amendements très problématiques du gouvernement ont été adoptés, et ce dernier a bloqué systématiquement les modestes propositions qui voulaient donner au texte un contenu en accord avec ses objectifs et ambitions.

Alors qu’elle devait permettre de mettre en œuvre l’Accord de Paris et de tourner la page des énergies fossiles, la loi Hulot est en net retrait par rapport aux discours et aux engagements réitérés du Président de la République, du gouvernement et du ministre de la Transition écologique et solidaire. Le texte voté aujourd’hui est le résultat de renonciations et reculs successifs de Nicolas Hulot, depuis la présentation d’une première version au CNTE fin août (1), jusqu’à la discussion en plénière.

Selon Nicolas Haeringer, de 350.org, « Au nom d’une conception datée de la “liberté d’entreprendre”, inadaptée au défi que représente le réchauffement climatique, les députés ont manqué une opportunité rare de voter un texte qui aurait dû servir d’exemple au reste de la communauté internationale ».

Face aux failles initiales du texte, nos organisations avaient fait des propositions concrètes d’amélioration, soutenues par la mobilisation en ligne de plusieurs milliers de citoyens (2). La discussion en commission du Développement durable la semaine dernière avait pu faire croire un instant que quelques avancées étaient possibles (3). Elles ont été malheureusement balayées au cours des trois séances de discussions en assemblée plénière. En plus de concéder aux lobbies industriels une dérogation discutable pour le bassin de Lacq – l’exploitation génère de fortes pollutions aux impacts sanitaires majeurs -, le gouvernement a déposé un amendement qui ouvre une nouvelle faille dans la loi : la possibilité, pour les premières concessions délivrées en vertu du droit de suite, d’être octroyées pour une échéance excédant 2040 dans le cas où les industriels démontreraient qu’ils ne peuvent pas rentrer dans leurs frais.

Selon Juliette Renaud, des Amis de la Terre France : « Cet amendement est le symbole de la frilosité du gouvernement : il n’ose pas toucher au code minier, qui pourtant réduit sa capacité d’action à presque néant. De même, le gouvernement a de nouveau bloqué les amendements qui voulaient supprimer ou simplement restreindre le droit de suite. Face à l’urgence climatique, le ministre disait vouloir lancer un signal aux industriels, pour sortir des énergies fossiles, mais ce texte envoie le signal inverse : entre les intérêts économiques et le climat, ce sont toujours les intérêts économiques qui priment et ce, jusqu’à 2040 voire au-delà !  ».

Pour Isabelle Levy, du collectif du pays Fertois “Non au pétrole de schiste”, « Le projet ambitieux de Nicolas Hulot se limite à afficher un panneau « fermé » sur la porte du bureau où sont habituellement déposées les demandes de permis de recherche. Pour le reste c’est business as usual : les permis actuels seront prolongés, et pourront donner lieu à de nouvelles concessions qui pourront même aller au-delà de 2040 ! ».

L’autre recul notable concerne les hydrocarbures non conventionnels. En commission du Développement durable, un amendement avait été voté permettant de renforcer la loi Jacob de 2011 : il interdisait, au-delà de la fracturation hydraulique, la stimulation et les autres techniques non conventionnelles. Mais le gouvernement a proposé en dernière minute un amendement qui, sous motif de précision technique, vide en réalité de tout son sens la définition des techniques interdites. En dehors de l’abrogation des articles 2 et 4 de la loi Jacob concernant l’expérimentation, la loi Hulot n’apporte donc aucune amélioration en la matière.

Maxime Combes, d’ATTAC France conclut : « Aux objectifs ambitieux et appropriés initialement annoncés par le gouvernement, correspond une loi en demi-teinte bien éloignée de l’exemplarité totale attendue. En multipliant les dérogations et en refusant de s’engager sur la réductions des importations d’hydrocarbures (99% de notre consommation), le gouvernement a préféré sécuriser les droits des détenteurs des permis plutôt que commencer à résoudre le défi de ce début de 21ème siècle : faire en sorte que le droit des affaires, notamment le droit minier, la liberté d’entreprendre et le commerce international, soient enfin soumis à l’impératif climatique. C’est la tâche que nous poursuivrons dans les mois à venir : #MakethePlanetGreatAgain ou #BusinessAsUsual, il va bien falloir choisir ».

Le projet de loi devrait être examiné par le Sénat au moins de novembre, le gouvernement espérant une adoption finale par le Parlement avant la fin de l’année.

Notes :
(1) Voir notre note de décryptage sur les reculs entre le texte présenté au CNTE le 23 août, et celui examiné au Conseil des ministres et transmis à l’Assemblée nationale le 6 septembre.
(2) Voir notre campagne d’interpellation des députés “Loi Hulot : redonnons à l’État le pouvoir de dire non !”, lancée le 21 septembre : https://350.org/fr/pasdepermis/
(3) Voir notre communiqué du 27 septembre 2017, suite au passage en commission du Développement durable : http://www.amisdelaterre.org/Loi-Hulot-les-ameliorations-doivent-etre-confirmees-et-les-dernieres-failles.html

 (!) MANIFESTATION Noville Suisse 9 septembre 2017                    (!) Info minute – Revue de Presse

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Article de Coralie Schaub publié dans Libération et repris avec l’aimable autorisation de son auteure

Le texte transmis à l’Assemblée nationale mercredi, qui diffère de la version précédente, ne change pas réellement la donne par rapport à la situation actuelle, s’inquiète Juliette Renaud, de l’ONG les Amis de la Terre.

Petit coup de théâtre. Le texte du projet de loi censé être destiné à «laisser les énergies fossiles dans le sous-sol» a changé. La version soumise pour avis le 23 août au Conseil national de la transition écologique (CNTE) et commentée par l’ensemble des observateurs, ONG ou médias, n’a rien à voir avec celle qui a été effectivement enregistrée à l’Assemblée nationale mercredi, le jour où Nicolas Hulot présentait le texte en Conseil des ministres. Pour Juliette Renaud, chargée de campagne sur les industries extractives aux Amis de la Terre, il s’agit là d’un quasi retour au statu quo.

Qu’est-ce qui a bougé dans la nouvelle version du texte ?

Il ne définit plus les hydrocarbures non conventionnels et n’interdit plus clairement leur exploration et leur exploitation «par quelque technique que ce soit», contrairement à ce qui figurait dans la précédente version. Donc on en reste à la loi du 13 juillet 2011, qui interdit leur exploration et exploitation par la technique de fracturation hydraulique, la seule disponible aujourd’hui. Cela veut dire que si les industriels parviennent un jour à développer une nouvelle technique, ils vont pouvoir exploiter les gaz et pétrole de schiste. La majorité des permis visant ces hydrocarbures non conventionnels n’ont pas été abrogés en 2011, la porte ne leur est donc pas totalement fermée. La seule différence par rapport à la loi de 2011, avec ce nouveau texte, est que les dispositions qui concernaient les possibilités de recherche à titre expérimental sur ces hydrocarbures non conventionnels sont abrogées.

Deuxième point : dans cette nouvelle version du texte, seule la prolongation des concessions d’exploitation d’hydrocarbures au-delà de 2040 est interdite. Toutes celles qui devaient arriver à échéance ces prochaines années, à partir de 2018, pourront donc être prolongées jusqu’en 2040. Ce qui consacre le statu quo par rapport à aujourd’hui.

Troisième chose, quid des demandes de permis de recherche en cours d’instruction ? Il en existait 132 au 31 décembre 2015. Avec ce nouveau texte, de nombreux permis, pour lesquels les industriels ont déjà obtenu des décisions judiciaires favorables, risquent en fait d’être accordés et de déboucher potentiellement sur des concessions d’exploitation.

Comment expliquez-vous ce changement de texte ?

Le gouvernement a modifié son texte en fonction de lavis du Conseil d’Etat sur le projet de loi, rendu le 1er septembre. Par exemple, au sujet des demandes de permis de recherche en attente, le Conseil d’État «incite» le gouvernement «à accélérer l’instruction de ces dossiers et, si besoin, à atténuer au cas par cas les effets de l’intervention de la loi nouvelle». Les industriels ont déposé des recours sur les permis en attente et l’État a déjà payé un million d’euros d’astreintes, il se peut que le gouvernement se soit dit qu’il allait en délivrer un certain nombre pour «apurer» la situation. En fait, ce nouveau texte est au minimum un statu quo. Je ne vois pas bien ce qu’il change par rapport à la situation actuelle, à part qu’il interdit l’octroi de nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures.

Vous êtes déçue ?

En juin, quand Nicolas Hulot a annoncé qu’il présenterait ce projet de loi, nous avons bien sûr anticipé qu’il serait mis en difficulté par les lobbies. Ce texte était pour lui une sorte de test. Or l’essentiel de ce qui figurait dans la première version a été retoqué par le Conseil d’État. Mardi, quand Emmanuel Macron et Nicolas Hulot ont rencontré les ONG, le président des Amis de la Terre a demandé à ce dernier si le texte avait changé, il a répondu : «Non, juste des petits détails.» C’est faux.

Le texte tel qu’il est aujourd’hui ne menace aucun intérêt industriel, l’État reste pieds et poings liés face à ces derniers, parce que personne n’arrive à toucher au code minier, qui leur est favorable. Sur la forme, il s’agit au final d’une jolie opération de communication. Nous aimerions être reçus par le gouvernement pour avoir une explication, y compris sur le fait de ne pas avoir été consultés en amont. Et nous allons essayer d’alerter des députés. La bataille sera dure.

Oupsss Hulot loi hydrocarbures gaz de schiste

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 (!) MANIFESTATION Noville Suisse 9 septembre 2017                    (!) Info minute – Revue de Presse

Ce mercredi 6 septembre, le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot présentera en conseil des ministres son projet de loi relatif à l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures. L’APEL 57 soutenu par les collectifs opposés au pétrole et gaz de schiste et de couche lui ont adressé un courrier l’interpellant sur l’exclusion du gaz de couche de cette interdiction.

Monsieur Nicolas HULOT

Ministre de la Transition écologique et solidaire

Objet : Projet de loi hydrocarbures / exclusion du gaz de couche (Coal Bed Methane)

Demande de rendez-vous

Monsieur le Ministre de la Transition écologique et solidaire,

Suite à votre présentation du « Plan Climat », le 6 juillet dernier, le gouvernement doit adopter le 6 septembre en conseil des ministres un projet de loi relatif à l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non-conventionnels en France. Dans ses principales orientations, ce projet de loi suscite de réels espoirs chez tous les défenseurs de l’environnement. Toutefois, l’exclusion du gaz de couche (Coal Bed Methane) de cette interdiction étonne et inquiète les associations et collectifs lorrains ainsi que ceux du Jura et du nord de la France, en particulier, concernés par l’activité et les projets d’une entreprise dénommée “La Française de l’Energie.”

En effet, reprenant la proposition de loi réformant le code minier adopté en janvier 2017 par l’Assemblée nationale, l’article L. 711-1 du nouveau projet de loi est ainsi conçu : « Sont considérés comme hydrocarbures non-conventionnels : 1° Les hydrocarbures liquides ou gazeux qui sont piégés dans la roche-mère, à l’exception des hydrocarbures gazeux contenus dans les couches de charbon ; (…) ».

Cette exclusion du CBM du projet d’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures ne peut s’expliquer que par une confusion entre « gaz de mine » et « gaz de couche », confusion soigneusement entretenue par la Française de l’Energie. Cette entreprise, par une communication basée sur des glissements de sens continuels entre ces deux termes, se sert de son activité de production de gaz de mine dans le Nord pour obtenir le soutien des autorités à son projet lorrain d’extraction de gaz de couche, alors qu’il ne s’agit ni du même gaz, ni des mêmes techniques d’extraction, loin s’en faut.

Il nous paraît essentiel de rappeler la distinction entre ces deux énergies : le gaz de mine (grisou), accumulé dans d’anciennes mines de charbon, est exploité par simple pompage, sans aucun forage supplémentaire. Ce gaz doit être capté, et c’est l’activité de la Française de l’Energie dans le Nord.

Le gaz de couche, lui, est adsorbé dans des couches de charbon profondes, jamais exploitées, et très peu perméables. Il est parfaitement inoffensif s’il reste dans le sol. En revanche, les impacts environnementaux de son extraction sont avérés, que ce soit sur la qualité de l’air, des eaux profondes et de surface, ou sur les paysages. Celle-ci nécessite des techniques invasives (forages horizontaux, « stimulation » de la couche de charbon), avec des conséquences environnementales bien documentées. D’ailleurs, alors que la Française de l’Energie prétend, sans en avoir fait la preuve, pouvoir exploiter le gaz de couche sans recours à la fracturation hydraulique, elle annonce dans le même temps des « tests de stimulation » dans les DAOTM déposés en Préfecture en 2015.

Depuis 2004, La Société European gas Limited, renommée en 2015 Française de l’Energie, recherche du gaz de couche en Lorraine. En dépit d’une communication laissant croire à des résultats probants, ces forages ont en réalité tous été des échecs : ennoyage des puits de Diebling (2006) et Folschviller1 (2007), pannes à répétitions à Tritteling (2014-2015), perte de milliers de mètres-cubes d’eau dans une faille lors du récent forage de Lachambre (2016-2017)…

Ces échecs successifs et leurs impacts environnementaux ont éveillé de fortes oppositions locales, très peu médiatisées en raison de l’omerta qui pèse sur ce sujet en Moselle.

Ces réalités sont ignorées des pouvoirs publics. Lors de l’examen de la proposition de loi réformant le code minier par l’Assemblée nationale, en janvier 2017, M. Chanteguet, rapporteur de la proposition, justifiait ainsi l’exclusion du gaz de couche de l’interdiction des hydrocarbures non conventionnels : « Nous avons retiré les hydrocarbures liquides ou gazeux piégés dans les couches de charbon. Je pense que les dispositions votées confortent et sécurisent l’entreprise qui les exploite en Lorraine. Aujourd’hui nous exploitons en France le gaz de mines, et nous avons commencé à exploiter le gaz de houille dans des veines déjà fracturées. »

Il s’agit là d’une grossière erreur : si la Française de l’Energie exploite bien le gaz de mine dans le nord, elle ne détient, en Lorraine, que des Permis de Recherche : elle n’exploite pas de gaz de couche. Toujours en train d’expérimenter, elle n’a jamais fait la preuve de sa capacité à produire du gaz.

ll est indispensable d’interdire l’exploration de ce gaz de couche au même titre que celle des autres hydrocarbures.

Nous, citoyens et collectifs mosellans, soutenus par les collectifs opposés aux hydrocarbures de schiste, vous demandons de faire évoluer le texte de votre projet de loi. Nous souhaitons la simplification du projet de texte de loi en limitant l’art. L. 712-2 à la mention « L’exploration des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux est interdite sur le territoire national, dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental » sans exclusion du gaz de couche.

Nous avons l’espoir que vous n’autoriserez pas, par ce projet de loi, la poursuite de l’exploration du gaz de couche ainsi que de sa future exploitation, ce qui condamnerait notre région et celle du Nord de la France, déjà durablement dégradées par leur passé minier, à un avenir fossile.

C’est pourquoi nous vous prions, Monsieur le Ministre, de bien vouloir nous recevoir au Ministère de la Transition écologique, avant la présentation du projet de loi, afin de clarifier ces éléments, preuves à l’appui (journaux de forages et rapports de fin de forages obtenus à la DREAL, notamment).

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma considération distinguée,

Marieke Stein

Pour l’APEL57

(Association pour la Préservation de l’Environnement Local)

Signatures

Collectif de Lachambre (57), Les Grenouilles en colère (57), STOP Gaz De Couche 57, Association Air Vigilance (57), Collectif Houille-ouille-ouille 59/62, Non au gaz de schiste Pays de Savoie et de l’Ain  (01, 73, 74), Collectif isérois Stop GHRM (38), Collectif du pays fertois (77), Collectif Stop gaz de schiste 69, Collectif Valgorce (07), Collectif 07 Stop Gaz et Huile de Schiste, Stop Gaz de Schiste 39, Collectif du Grand Valentinois (26), Collectif Non au gaz de schiste Montélimar/Drôme Sud, Collectif stop gaz de schiste Anduze (30), Collectif « gaz de schiste non merci ! » Garrigue Vaunage (30), Collectif Basta!Gaz Alès, Collectif CAMIS’GAZ-permis plaine d’Alès, Collectif biterrois non au gaz de schistes, Collectif Orb Jaur non au gaz de schistes (34), Collectif Carmen (02-Sud de l’Aisne), Collectif viganais contre les huiles et gaz de schiste, de couche et de houille, Taupes énervées du 91, Les Dindons de la Farce, Collectif Causse Méjean Gaz de Schiste NON ! (48), Collectif Florac (48), Collectif Touche pas à mon schiste, Collectif Arboras, Collectif Aniane, Collectif Gignac (34), Collectif Montpeyroux-Arboras-Aniane (34),  Collectif Non au gaz de schiste 91, Collectif Ile-de-France Non aux gaz et pétrole de schiste, Collectif Hautes Cévennes (30), Collectif Auzonnet, Cèze et Ganière (30), Collectif « Non au Gaz et Huile de Schiste 47, Association Non au Gaz de Schiste 83, Stop au gaz de schiste-Non al gas d’esquit 47

Le site de l’association APEL 57 : https://apel57.jimdo.com

(!) Info minute – Revue de Presse

Depuis plusieurs années, les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ne cessent de marteler que pour espérer contenir la hausse de la température moyenne sous la barre de 2 °C par rapport à l’époque préindustrielle, 80 % des réserves fossiles connues (charbon, pétrole et gaz) doivent être laissées dans le sous-sol (Texte écrit par Claude Taton).

Il y a urgence, le point de bascule du réchauffement planétaire aux conséquences dévastatrices ne cesse de se rapprocher à grand pas ou n’est il déjà pas franchi ?

Projet de loi à l’examen

Le gouvernement doit adopter, le 6 septembre 2017, en conseil de ministres un projet de loi relatif à l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures suite aux annonces faites par le ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot, lors de la présentation de son «plan climat», le 6 juillet dernier.

Une première lecture rapide du texte laisse à penser une fin prochaine de l’extraction pétrolière et gazière et le bannissement de l’exploration de tous les hydrocarbures liquides ou gazeux mais … les hydrocarbures contenus dans les couches de charbon non exploitées seraient volontairement exclus des nouvelles dispositions de la loi. (1)

Le gaz de couche

Le gaz de couche est un hydrocarbure gazeux comme le précisait le BRGM (bureau de recherches géologiques et minières, établissement public, service géologique national) dans son rapport de 2013. (2)

Le gaz de couche est un méthane contenu dans les couches profondes de charbon non exploitées situées entre 1.000 et 2.000 m de profondeur (voir article précédent). C’est une énergie fossile, qui par sa combustion, participerait au dérèglement climatique. Il est responsable de 32 % du réchauffement climatique : « Sans effort spécifique majeur de réduction des émissions de méthane, l’objectif de l’Accord de Paris n’a aucune chance d’être respecté.(3) 

Pourquoi et comment interpréter cette exception inscrite dans le projet de loi alors que le ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot s’était engagé à en finir avec les énergies fossiles et à promouvoir la neutralité carbone?

Le gouvernement a-t il une fois de plus cédé aux lobbies et s’est-il laissé séduire par les annonces de la Française de l’Énergie ? Cette société anciennement appelée European Gas Limited s’est rebaptisée La Française de l’énergie (LFDE) et a été introduite en bourse en juin 2016 (pour plus de détails, lire « Alerte au gaz de couche, source de pollution dans le Nord et en Lorraine » ).

Financements publiques … pour la recherche d’une énergie fossile

LFDE joue sur la confusion entre le gaz de couche (exploré en Lorraine) et le gaz de mine (exploité dans le Nord de la France, lire « Le gaz de couche, c’est pas du grisou ») afin d’obtenir les autorisations de forage et, par cette confusion, se targue de contribuer à l’effort de réduction de l’empreinte carbone et de promouvoir ainsi une activité prochaine de production « d’énergie verte », le greenwashing est en marche!

Et la « supercherie » a fonctionné, le Conseil régional Grand Est ayant décidé de verser 1,75 millions d’euros pour soutenir le projet commun « REGALOR-ressources gazières de Lorraine » au bénéfice de l’Université de Lorraine et de l’entreprise Française de l’Énergie, en somme de l’argent public pour de la recherche d’une énergie fossile! La convention de financement justifie cette subvention comme suit:

« [le projet financé] a pour ambition la valorisation des champs gaziers stratégiques en Lorraine, ouvrant ainsi la voie à la création en Europe d’un nouveau type d’éco-industrie orientée sur la quantification des ressources gazières non-conventionnelles et leur exploitation respectueuse des écosystèmes environnants.”

LFDE pratique très bien les glissements de vocabulaire et les approximations. Elle revendique d’être la première entreprise française de production d’hydrocarbures alors qu’elle n’a jamais produit le moindre baril de pétrole, ni le moindre mètre cube de gaz. Elle prétend détenir le plus grand portefeuille de permis miniers, alors que ses nombreuses demandes pour obtenir des permis sont toujours en instruction. Il faut rassurer les investisseurs!

Glissements de vocabulaire et approximations pour faire passer la pilule

En fait, elle ne détient pas les permis qu’elle prétend détenir à l’exception de quatre PERH (Permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures), intitulés Bleue Lorraine , Bleue Lorraine Sud, Sud Midi et le Valenciennois. Le premier a été renouvelé jusqu’au 30 novembre 2018, le second jusqu’au 7 novembre 2016. Ils sont situés sur le territoire est-mosellan.  Elle a déjà procédé à quatre forages exploratoires, un cinquième a eu lieu cet automne- hiver  2016 sur le site de Lachambre près de Saint Avold. 

Pour rappel, Samuel Ferey, professeur de sciences économiques, à l’Université de Lorraine, coauteur d’un publication précisait que « Le point crucial est, me semble-t-il, d’être tout à fait conscient que la Française de l’énergie est une entreprise privée, cherchant avant tout son profit pour elle, ses dirigeants et ses actionnaires. » (4). On est très loin de la lutte contre le réchauffement climatique !

LFDE a toujours bénéficié du soutien de l’État, du temps où Emmanuel Macron était Ministre de l’Économie, ce dernier s’était déjà prononcé en faveur de l’exploitation de ce gaz en Lorraine (5), et de l’ancien président de la Commission du développement durable à l’Assemblée nationale, Jean Paul Chanteguet. Lors de l’examen de la proposition de loi réformant le code minier par l’Assemblée nationale, en janvier 2017, celui-ci avait déjà  proposé l’exclusion du gaz de couche de l’interdiction des hydrocarbures non conventionnels, disposition qui avait été votée majoritairement par les députés.(6) Il avait justifié son amendement comme suit :

« Nous avons retiré les hydrocarbures liquides ou gazeux piégés dans les couches de charbon. Je pense que les dispositions votées confortent et sécurisent l’entreprise qui les exploite en Lorraine. Aujourd’hui nous exploitons en France le gaz de mines, et nous avons commencé à exploiter le gaz de houille dans des veines déjà fracturées. »  (7)

Dans l’argumentaire utilisé par J.P. Chanteguet, on peut lire « l’entreprise qui les exploite ». C’était déjà une tricherie. LFDE ne dispose que d’un permis de recherche. Mais cette entreprise a réussi à convaincre de nombreux interlocuteurs, y compris les politiques et ses actionnaires, qu’elle « exploite » le gaz de couche. De nombreux articles dans la presse témoigne du glissement du discours de LFDE. 

Le texte du projet de loi mentionne le gaz de mine en précisant que les dispositions contenues dans le projet de loi ne s’appliquent pas à ce dernier. Par contre en confortant le gaz de couche, le gouvernement valide le fait qu’un projet consistant à brûler du méthane extrait du sous-sol soit qualifié d’électricité verte.

Cela va à l’encontre de tous les discours tenus par le ministre de la transition écologique, de mettre fin aux énergies fossiles et « d’assécher » leur recherche (8). N’est-on pas dans une posture de la part du gouvernement ou plus tôt une imposture ? 

Dans le texte du projet de loi figure cette disposition mentionnant que « L’exploration des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux est interdite sur le territoire national, dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental ( Art. L. 712-2. ). Ce seul article suffirait, l’exploration des mines d’hydrocarbures est interdite, il serait le premier acte de l’abandon de cette industrie.

Ce texte de projet de loi doit évoluer, de nombreuses autres questions restent en suspens, à savoir le bien fondé de la distinction des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, le devenir des permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures attribués et en cours de validité, leur éventuelle prolongation, le droit de suite qui ne permet pas l’interdiction d’octroi de nouvelles concessions, l’avenir de la loi Jacob qui feront l’objet d’autres articles et analyses.

(1) http://www.arnaudgossement.com/archive/2017/08/24/energie-le-gouvernement-finalise-un-projet-de-loi-relatif-a-5973571.html 

(2) http://www.ineris.fr/centredoc/note-brgm-ineris-gaz-de-charbon-finale-29-05-13-fin-unique-1382978611.pdf

(3) https://www.alternatives-economiques.fr/alerte-methane/00076845

(4) « Le projet d’exploitation du gaz de charbon en Lorraine et son intégration dans le territoire »

page 73  http://georessources.univ-lorraine.fr/sites/georessources.univ-lorraine.fr/files/users/documents/livrevertgazhouille.pdf

(5) « Je suis favorable à la poursuite de l’exploration du gaz de houille en Lorraine, dont les réserves sont prometteuses et qui est bien accepté localement, indiquait le ministre le 24 mai lors du colloque Cyclope consacré aux matières premières. »  Le gaz de houille lorrain, le nouveau pari de Macron

https://www.challenges.fr/challenges-soir/apres-le-gaz-de-schiste-le-gaz-de-houille-lorrain-sur-lequel-parie-macron_22176 

(6) Proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement,

http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0890.asp 

(7) M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur.

«  J’entends les explications données par Mme Abeille, mais je me suis exprimé en commission sur notre décision de ne pas interdire l’exploitation des gaz de houille ou de couche. Nous avons maintenu la loi de 2011, c’est-à-dire l’interdiction de la fracturation hydraulique. L’amendement qui a été adopté me semble équilibré, compte tenu des enjeux territoriaux et économiques. Demain, si l’exploitation des gaz de houille ou des gaz de couche menaçait d’avoir un impact sur le plan environnemental, le nouveau code minier que nous allons voter permettrait de l’interdire. J’émets, à regret, un avis défavorable. »

http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170104.asp

(8)  Le centre de recherche « Oïl Change International »  nous rappelle que : « Les gisements gaziers, pétroliers et mines de charbon actuellement exploités contiennent suffisamment de CO2 pour nous amener au-delà de la barre de 2° de réchauffement ; nous affirmons et prévenons : nous ne pouvons construire aucune nouvelle infrastructure fossile nulle part dans le monde. Tout nouveau projet lié à l’industrie fossile menace l’accord de Paris COP 21 et les millions de vies concernées par le dérèglement climatique ».

(!) Info minute – Revue de Presse

La commission du développement durable a terminé hier 17 janvier 2016 à minuit l’examen du texte du projet de loi adaptant le code minier au droit de l’environnement et de ses 360 amendements (voir ici le dossier de l’ensemble des amendements adoptés ou rejetés).

C’est ce texte qui sera étudié en séance plénière à l’Assemblée nationale, les 24 et 25 janvier 2017, de nouveaux amendements seront encore déposés .

Concernant l’interdiction des hydrocarbures non conventionnels, c’est l’amendement du rapporteurgaz-de-couche-non-conventionnel-code-minier Jean Paul Chanteguet qui a été retenu (page 369) : celui-ci ne considère pas « les hydrocarbures gazeux contenus dans les veines de charbon » comme des hydrocarbures non conventionnels et de fait, ils ne sont pas concernés par cette interdiction.

De plus, la définition qu’a proposé M. Chanteguet est très générale alors que plusieurs autres amendements apportaient une définition plus complète et précise des hydrocarbures non conventionnels incluant les gaz de couche et leur interdiction à ce titre.

Volonté délibérée de ne pas interdire le gaz de couche

Il y a eu une volonté délibérée de ne pas interdire ces gaz de couche, les députés Mme S. Buis (amendement page 274) et M. F. Verdier (amendement page 336) ont retiré leurs amendements au profit de celui de M. Chanteguet moins complet, ils ne sont pas intervenus sur la question des gaz de couche.

L’amendement (page 280) défendu par Mme L. Abeille interdisant les gaz de couche au titre d’hydrocarbures non conventionnels a été rejeté par la commission du développement durable!

La Lorraine sacrifiée!

M. Chanteguet a entretenu la confusion entre gaz de mine et gaz de couche en laissant croire quegaz-de-couche-stop-gaz-de-schiste-code-minier son bilan carbone était meilleur que celui du pétrole. Il a présenté le gaz de couche comme une énergie de transition , une « énergie verte » comme dirait La Française de l’énergie qui détient plusieurs permis de recherche (lire ici, et ). Nous avons l’impression que la Lorraine a été « sacrifiée ».

Rappel: Le gaz de mine (ou grisou) peut être récupéré suite à l’exploitation du charbon. Le gaz de couche (considéré comme hydrocarbure de roche mère, fait partie des « gaz naturels non-conventionnels » avec les gaz de schistes, les hydrates de méthane (clathrates sous-marins ou des pergélisols), ou le CH4 dissous dans certaines eaux souterraines salines). Il est piégé dans les veines de charbon et nécessite des techniques de fracturation pour être extrait.

Revoir les séances de la commission du développement durable et l’intégralité des débats sur cette proposition de loi et les amendements.

(!) Info minute – Revue de Presse

Par Claude Taton publié sur son blog le 16/01/2016

La Commission des Affaires Économiques examinait pour avis, le 11 janvier, la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement. La députée, Delphine Batho, y est intervenue en questionnant tout au long de la séance les insuffisances de ce texte et identifiant quels en étaient les enjeux.

Au cours de la première partie de la séance consacrée aux déclarations liminaires sur la proposition de loi, l’ancienne ministre de l’Écologie, Delphine Batho, n’a eu cesse de réaffirmer les principes généraux qui devraient, selon elle, être présents dans la modification du code minier.

– la conformité du droit minier aux principes constitutionnels de la Charte de l’Environnement et aux principes généraux du droit de l’environnement.

– la réaffirmation que c’est la démocratie qui doit décider ou pas de l’utilisation et de l’exploitation des ressources naturelles et non les multinationales

– conforter l’État dans son droit d’interdire clairement des techniques d’extraction et de décider de ne pas autoriser l’exploitation d’une ressource en se référant à l’Accord de Paris (COP 21)

– la sortie des énergies fossiles pour instaurer un modèle énergétique post-carbone.

– la prise en compte de la raréfaction des ressources naturelles disponibles en se tournant vers une économie circulaire afin de mettre fin à l’extractivisme

– l’instauration d’ une véritable participation du public en amont de tout processus décisionnel

– la sécurisation juridique des décisions de l’État pour que celles-ci ne soient pas contestées par les industriels.

Voir l’extrait de la vidéo concernant la première partie de son intervention :

En poursuivant ensuite son intervention sur des questions aussi essentielles que sont la participation du public aux décisions qui ont un impact sur l’environnement, le droit de suite qui permet d’accorder quasi automatiquement au détenteur d’un permis de recherches un permis d’exploitation, l’évaluation environnementale, l’abandon des énergies fossiles, l’extraction et la la raréfaction des ressources naturelles, elle a souligné les faiblesses et les imprécisions de ce texte qui manque d’ambition par rapport aux principes généraux énoncés ci-dessus.

Pour voir la totalité de la séance sur le site de l’Assemblée Nationale.

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4567661_58764a20ca60a.commission-des-affaires-economiques–adaptation-du-code-minier-au-droit-de-l-environnement-avis-11-janvier-2017?timecode=999803

L’examen du texte par la Commission des Affaires Économiques était la première étape du parcours législatif de cette proposition de loi qui sera examinée par la Commission du développement durable de l’Assemblée Nationale, les 17 et 18 janvier. Ensuite, elle sera débattue et soumise au vote des députés, en plénière, à l’Assemblée Nationale les 24 et 25 janvier, le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée.

  • En savoir plus: ici
  • Interpeler son député: ici

(!) Info minute – Revue de Presse

Une proposition de loi [ppl nº 4251]  “portant adaptation du code minier au droit de l’environnement” a été déposée à l’Assemblée nationale le 23 novembre 2016. 
On peut penser, compte-tenu de l’échéance électorale, qu’il s’agisse de l’ultime proposition qui sera examinée par le Parlement concernant le Code Minier. 
Cette proposition de loi sera prochainement examinée par la Commission du Développement Durable de l’Assemblée Nationale, commission présidée par Monsieur J.P. Chanteguet (voir calendrier en bas de l’article).
 
Des membres de collectifs citoyens opposés à la recherche et l’exploitation des pétrole et gaz de schiste et de couche ont rédigé un document composé de 16 fiches. Il y est question des points qui posent problème mais aussi des points qui bizarrement ne sont pas évoqués dans cette proposition de loi.
Ces fiches sont à votre disposition
Vous pouvez les utiliser pour contacter vos élus (et notamment les parlementaires qui seront amenés à se prononcer sur cette proposition de loi) ou tout autre interlocuteur bien évidemment. Vos élus locaux tels que les maires peuvent également être sensibilisés à ce document et servir de relais auprès des députés et sénateurs.
PARTICIPER A LA CAMPAGNE « LA SALE MINE DU FUTUR CODE MINIER » ICI

 

Télécharger les fiches au format pdf en cliquant sur l’image
code-minier-stop-gaz-de-schiste-2016-2017La proposition de loi à télécharger en pdf
Au moment où nous publions cette note, la Commission des affaires économiques et la Commission du Développement Durable de l’Assemblée Nationale ont prévu de se réunir selon le calendrier suivant.
Commission des affaires économiques
  •     Mercredi 11 janvier 2017
  • 9 h 30 (salle 6241, Affaires économiques) : proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement (n° 4251)
Commission du Développement Durable
  •     Mardi 17 janvier 2017
  • 16h30: Examen de la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement (n° 4251) (M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur)
  • 21h0: Suite de l’examen de la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement (n° 4251) (M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur)
  •     Mercredi 18 janvier 2017
  • 09h30: Suite de l’examen de la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement (n° 4251) (M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur)
  • 16h30: Suite de l’examen de la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement (n° 4251) (M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur)
  • 21h00: Éventuellement, suite de l’examen de la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement (n° 4251) (M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur)

http://www2.assemblee-nationale.fr/14/commissions-permanentes/commission-du-developpement-durable/(block)/22521

Les députes : cibler ceux qui sont souvent présents: http://www.nosdeputes.fr/

(!) Info minute – Revue de Presse

De même que CETA ou TAFTA ne sont pas que de simples réglementations permettant les échanges commerciaux, le code minier n’est pas un simple catalogue des bonnes pratiques juridiques établies entre les industriels et l’État. Il s’agit d’un nouvel emballage pour conserver de très vieilles pratiques d’exploitation des ressources du sous-sol tout en favorisant un peu plus la financiarisation et le libéralisme.

Fin 2010, on découvre, partout en France, que des entreprises pétrolières s’apprêtent à fracturer le sous-sol en toute légalité pour aller y récupérer du pétrole et du gaz de schiste. Ces permis ont été signés en toute opacité mais aussi en toute légalité par Jean Louis Borloo, ancien ministre de l’Écologie et de l’Énergie sous le gouvernement Fillon. Ces permis sont conformes au code minier en vigueur. Le code minier avait alors été décrié se révélant inadapté aux menaces environnementales des activités minières ainsi qu’aux exigences des populations locales d’être associées au processus de décision publique en matière minière.

Il est vrai que les populations s’étaient senties dépossédées de cette question en étant mises devant le fait accompli. Il était inacceptable que le droit minier permette à une administration d’autoriser la conduite d’activités dangereuses pour l’environnement sans jamais consulter les populations.

La réforme du code minier refait surface

2016, pour la énième fois, la révision du code minier vient de refaire surface, tel un serpent de mer. Fin septembre, une proposition de loi parlementaire est déposée à l’Assemblée Nationale [n°4043] dans le plus grand silence médiatique.( 1)

On aurait pu penser que le groupe parlementaire, signataire de cette proposition de loi, aurait pu apprendre et tenir compte des nombreuses mobilisations citoyennes de ces cinq dernières années (Sivens, Notre Dames Des Landes, Roybon, Ferme des 1000 vaches, gaz et pétrole de schiste, gaz de couche, etc ).

Nous pensions que les autorités politiques en avaient tiré les conséquences et seraient plus attentives à la prise en considération des acteurs locaux et des communautés qui animent et font vivre les territoires.

Perpétuer un modèle industriel et énergétique du passé

Ce projet de modification du code minier nous laisse un goût amer. Derrière cette jolie expression « proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement », nous voyons qu’il s’agit uniquement de perpétuer un modèle industriel et énergétique du passé. Cette proposition n’est pas simplement un toilettage ou une modernisation d’un instrument juridique, tel qu’on veut nous le faire croire. Elle consacre la volonté de relancer, en France, l’activité extractive et de répondre aux industriels qui demandent de simplifier les procédures de sorte que leurs activités puissent être garanties durant des décennies à venir.

Cette relance de l’activité minière (2), initiée par Arnaud Montebourg et poursuivie par Emmanuel Macron, respectivement, ex-ministre du redressement productif et ex-ministre de l’Économie, fait fi de tout débat démocratique et les procédures de consultations numériques ne servent qu’à cautionner soi-disant « une participation du public » alors que les décisions des autorités sont déjà acquises aux projets des industriels.

Vers un système à l’américaine ?

Plusieurs dispositions de cette proposition de loi nous inquiètent profondément. code-minier-stop-gaz-de-schisteRappelons qu’en France, aujourd’hui, l’exploration et l’exploitation minière nécessitent l’obtention d’un titre minier. L’État étant propriétaire du sous-sol, il est le seul à pouvoir déléguer à un industriel le droit de l’explorer.

Or, le texte prévoit [article L.113.1] que « la détention d’un titre minier n’est pas nécessaire pour l’exploration minière lorsqu’elle est réalisée (…) par le propriétaire de la surface (…) après déclaration à l’autorité administrative compétente de l’État » (1)

Cela signifierait implicitement que l’État ne serait plus le seul détenteur du droit à accorder un territoire déterminé pour entreprendre l’exploration minière.

Tout propriétaire de surface n’aurait qu’à informer de son intention les services de l’État par une simple déclaration, comme le stipule la proposition de loi, pour se voir conférer la possibilité d’entreprendre des activités de recherches sur son terrain. Cette exploration ayant lieu sans qu’il y ait un dossier à instruire. En quelque sorte, il s’agirait d’un droit automatique, ouvert à tout propriétaire de surface foncière.

Ce serait une première étape vers un système à l’américaine où le propriétaire du sol est libre de vendre ou de louer ses terres à tout futur exploitant minier. L’absence de toute instruction signifie qu’il n’y aurait plus de mise en concurrence, qu’il n’y aurait pas d’instruction au niveau national et local par les services de l’État et qu’aucun avis ne serait formulé pour savoir si la demande est recevable. De plus, le public ne serait aucunement informé et consulté sur ce projet.

Il suffirait de créer une entreprise ad hoc, que celle-ci achète 2 Ha quelque part dans la Brie et qu’elle déclare son intention d’explorer… et le tour est joué! Quelques mois plus tard, l’entreprise pourrait être absorbée, via une fusion acquisition par une vraie entreprise pétrolière ou minière… et le transfert se ferait sans mutation.

Dès lors, on pourrait voir se profiler de multiples entreprises juniors qui agiraient en «faux-nez » des pétroliers ou des entreprises minières en acquérant des surfaces foncières pour ensuite les revendre aux plus offrants. La financiarisation serait vraiment à l’œuvre. Le rapprochement des réglementations française et américaine, via deux lignes au milieu d’un code qui ne se prétend que réglementaire, serait-il un cheval de Troie pour TAFTA, on peut se le demander !

Une autre disposition [article L.116.2] mentionne concrètement l’inscription dans le code minier de « la politique nationale des ressources (…) dont l’objectif est de déterminer les orientations de gestion et de valorisation des ressources connues ou estimées pour servir l’intérêt économique des territoires et de la nation.»(1). De fait, le renouveau minier est clairement affirmé dans le code s’inscrivant comme un des axes de la politique industrielle souhaitée par le gouvernement.

Aucune restriction à l’exploration et à l’exploitation minière ?

Toutefois, un pas supplémentaire est franchi, en ce sens, qu’un article stipule que « Les décisions administratives prises en application du présent code ne peuvent être refusées au motif […] qu’elles ne s’inscrivent pas dans les orientations de cette politique.»[article L.116.5] (1)

Le nouveau code minier prévoit d’emblée que l’État ne pourrait donc pas refuser un permis à un industriel au motif que ce permis ne s’inscrit pas dans la politique pourtant définie préalablement. Les orientations de cette politique ne pourraient pas être opposables aux autorisations prévues par le code minier. Cette disposition rend inutile le recours aux tribunaux arbitraux proposés par TAFTA!

Cela traduirait-il une volonté d’empêcher toute restriction à l’exploration et à l’exploitation minière laissant penser que les considérations relatives au dérèglement climatique et à l’aménagement du territoire ne peuvent, à priori, limiter l’exploration ou l’exploitation minière ?

Une participation du public ne se résume pas à son information

Cette proposition de loi aurait pu être une occasion de répondre à la demande des citoyens de prendre part aux décisions les concernant notamment sur l’opportunité des projets miniers et ses objectifs. Elle n’en fait pas mention.

Permettre aux populations de se saisir de l’intérêt général des projets miniers en amont et de faire porter le débat sur l’expertise du besoin censé les justifier au regard, des considérations environnementales et sanitaires, de leur impact sur l’économie locale et sur l’aménagement du territoire, aurait pu être la question centrale de cette réforme car la participation du public ne se résume pas à son information.

Par ailleurs, la participation du public est toujours limitée à la notion de « populations locales ». Comment seront définies ces « populations locales »? Les limites administratives des communes inscrites dans le périmètre d’un permis d’explorer ou d’exploiter n’ont pas grand chose à voir avec le territoire réellement impacté par une exploration et/ou une exploitation. Quid des bassins versants, des vents dominants, etc ? Les nappes phréatiques ne respectent pas vraiment le pointillé du découpage des communes. On sait que les risques en matière d’environnement ne se limitent pas aux pointillés des zones administratives concernées. Le nuage de Tchernobyl arrêté à la frontière a fait son temps!

L’acceptabilité sociale comme enjeu

Conscient de l’enjeu de l’acceptabilité sociale, la proposition de loi se propose d’encadrer les activités minières en prenant un peu mieux en compte les impacts environnementaux ou la réparation des dommages, avec la création d’ «une mission d’indemnisation de l’après-mine ». Mais comment peut-on réparer une nappe phréatique polluée aux produis chimiques et quel coût donner à une telle pollution?

Même le responsable du bureau de la gestion et de la législation des ressources minérales non énergétiques, Rémi Gallin, déclarait « la mine propre n’existe pas… une mine a toujours un impact sur les populations, l’environnement, elle transforme toujours un territoire. A notre charge de rendre cet impact positif ».(3)

Le choc de simplification

Enfin, le nouveau code minier n’échappera pas à la vague de simplification initiée par Emmanuel Macron, reprise par Jean Vincent Placé. Désormais, le silence gardé par l’administration vaudra accord tacite dans le cas d’une demande de prolongation ou de mutation d’un permis d’explorer. Il suffira à l’administration de laisser dormir un dossier pendant six/douze mois et le permis sera automatiquement prolongé/muté. Comment les populations seront-elles informées des demandes de prolongation et de mutation? Quel sera le point de départ des recours éventuels ? Les dossiers d’instruction de mise en place d’une nouvelle voie ferrée, d’un pont, d’une branche d’autoroute sont-ils aussi soumis à la nouvelle règle « silence gardé vaut acceptation ».

Bien plus qu’un simple instrument juridique !

On l’aura compris, le code minier n’est pas qu’un simple instrument juridique. De même que CETA ou TAFTA ne sont pas que de simples réglementations permettant les échanges commerciaux, le code minier n’est pas un simple catalogue des bonnes pratiques juridiques établies entre les industriels et l’État. Il s’agit d’un nouvel emballage pour conserver de très vieilles pratiques d’exploitation des ressources du sous-sol tout en favorisant un peu plus la financiarisation et le libéralisme.

On aurait pu espérer que le code minier du XXIe siècle se situe dans une perspective différente. Un texte prenant en compte les engagements signés lors de la COP21, la nécessité de laisser 80% des réserves prouvées d’hydrocarbures dans le sous-sol, de valoriser une économie circulaire… On aurait pu !

Cet article a été co-écrit par Claude Taton membre du collectif gardois Bastagaz et Isabelle Lévy, membre du collectif du Pays Fertois, Non au pétrole de schiste, ni ici, ni ailleurs!

(1) http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/propositions/pion4043.pdf

(2) Depuis 2013, de nombreux permis exclusifs de recherches de substances minérales (PERM) ont été délivrés en Bretagne, en Creuse, en Guyane et en Ariège, dans la Sarthe ainsi qu’en Mayenne etc…. http://alternatives-projetsminiers.org/

(3) http://www.usinenouvelle.com/article/metaux-critiques-ne-pas-passer-du-peak-oil-au-peak-all.N335446