(!) Info minute – Revue de Presse
Un accord commercial majeur, en cours de négociation, entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis (US) menace les pouvoirs dont disposent les gouvernements pour protéger les populations et l’environnement des nouvelles technologies à risque telles que la fracturation hydraulique (fracking en anglais). A la veille des rassemblements qui se tiendront le 11 octobre 2014, et suite aux parties 1, 2 et 3, nous publions le quatrième épisode qui porte la pression exercée par les pollueurs pour obtenir des droits spéciaux.
Les pollueurs font pression pour obtenir des droits spéciaux
Il ne faut pas s’étonner que des géants de l’énergie comme l’entreprise américaine Chevron fasse pression pour « un chapitre sur l’investissement d’envergure internationale » dans le PTCI. L’entreprise, qui conseille officiellement le représentant au Commerce des États-Unis, a consacré l’intégralité de sa réponse(18) à la consultation organisée par le gouvernement américain à la protection des investissements. « L’un de nos problèmes les plus importants à l’échelle mondiale » a-t-elle indiqué. Chevron est actuellement engagé dans une bataille sur un arbitrage controversé contre l’Équateur, cherchant à éviter de payer 9,5 milliards de dollars pour nettoyer les pollutions liées à des forages pétroliers dans la forêt amazonienne,comme l’avait ordonné la justice équatorienne(19). L’affaire a été fustigée comme « un détournement flagrant »(20) du chapitre sur la protection des investissements pour échapper à la justice. Selon l’entreprise, le chapitre sur la protection des investissements du PTCI devrait obliger les gouvernements à « s’abstenir de porter atteinte aux attentes légitimes de retour sur investissement ».
Chevron aux négociateurs américains.
Si Chevron obtient ce qu’elle veut, les entreprises qui exploitent les énergies fossiles non conventionnelles verraient leurs risques d’investissement quasiment réduits à zéro. Si les populations concernées se prononcent contre la fracturation, ou si le gouvernement annule des permis, au final, c’est le contribuable qui pourrait payer la note. Les faits montrent que la simple menace d’un conflit Investisseur-État peut avoir un effet paralysant sur la volonté des gouvernements de réglementer. Les entreprises utilisent la menace de poursuites judiciaires pour tuer dans l’œuf toute législation. Les pays qui ont des projets d’extraction d’énergies fossiles non conventionnelles, ou qui manquent d’un cadre juridique de protection solide, sont particulièrement en danger. Les populations, qui subissent les effets négatifs de l’extraction d’énergies sales sur leur santé et l’environnement, n’auront aucun droit pour se défendre.
Une déclaration transatlantique des droits des multinationales
Le gouvernement américain et la Commission européenne semblent déterminés à introduire un mécanisme investisseur-État dans le PTCI. Le représentant américain au commerce a fait des « procédures de règlement des différends entre les investisseurs des États-Unis, l’UE et ses États membres » l’un de ses principaux objectifs, lorsqu’il a informé le Congrès américain(29). Le mandat de négociation de l’UE, qui a fuité, fait référence à un « mécanisme de règlement des différends investisseur-État ultramoderne » et à des droits des investisseurs d’une grande portée (voir tableau 1)(30).
Des dispositions similaires sont également incluses dans l’accord commercial AECG entre le Canada et l’UE, considéré comme un modèle à suivre pour le PTCI. Malgré les démentis officiels(31), les droits des investisseurs conférés par cet accord mettront les politiques en danger et sont susceptibles de créer un effet dissuasif sur de nouvelles règles visant à protéger l’environnement et les populations (voir tableau 1). S’il est ratifié, cet accord sera le premier accord à l’échelle européenne donnant aux investisseurs étrangers des droits d’une si grande portée. Même en cas d’annulation par l’une des parties, ceux-ci resteront en vigueur pendant 20 ans. Pas étonnant que des spécialistes miniers célèbrent l’AECG comme un accord « qui fera date » et qui pourrait avoir « des implications majeures pour le secteur minier »(32).
⇒ à suivre dans le prochain et dernier épisode ce que les entreprises tentent d’obtenir par la ruse dans le cadre de négociations tenues secrètes.
(18) http://www.regulations.gov/#!documentDetail;D=USTR-2013-0019-0054
(19) http://www.chevron.com/ecuador/
(20) Voir le site http://chevrontoxico.com/. Pour la version de Chevron sur cette histoire, voir http://www.theamazonpost.com/
(21) http://www.mineweb.com/mineweb/content/en/mineweb-political-economy?oid=209783&sn=Detail
(22) http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/webdiaepcb2013d3_en.pdf
(23) http://www.state.gov/s/l/c3741.htm http://www.theglobeandmail.com/globe-investor/quebecs-st-lawrence-fracking-
ban-challenged-under-nafta/article5577331/
(24) http://www.ips-dc.org/files/6061/Mining%20for%20Profits%202013%20-%20ENGLISH.pdf, p1
(25) https://www.fas.org/sgp/crs/misc/RS21118.pdf
(26) Bulgaria, Croatia, Czech Republic, Estonia, Latvia, Lithuania, Poland, Romania and Slovakia.
(27) https://www.citizen.org/TAFTA-investment-map
(28) http://www.oecd.org/daf/inv/investment-policy/ISDSconsultationcomments_web.pdf, p19
(29) http://www.ustr.gov/sites/default/files/03202013%20TTIP%20Notification%20Letter.PDF
(30) http://www.s2bnetwork.org/fileadmin/dateien/downloads/EU-TTIP-Mandate-from-bfmtv-June17-2013.pdf
(31) Réponse du réseau Seattle to Brussels aux prétentions de la DG Commerce sur les mécanismes d’arbitrage investisseur-État http://www.tni.org/article/s2b-refutes-european-commissions-defense-controversial-investor-state-dispute-settlement?context=70931
(32) http://www.mineweb.com/mineweb/content/en/mineweb-political-economy?oid=209783&sn=Detail