(!) Info minute – Revue de Presse
David Cameron a toujours été fasciné par l’essor de l’industrie des hydrocarbures de schiste en Amérique du Nord. L’année dernière, le premier ministre britannique avait affirmé que son gouvernement mettrait tous les moyens pour exploiter le schiste en Grande-Bretagne. Et pourtant, malgré ces déclarations et la levée d’un moratoire sur la fracturation hydraulique en 2012, le pays n’a pas encore commencé de nouveau forage. C’est pourquoi, la décision du Conseil du Comté de Lancashire du 15 Juin 2015 d’autoriser qu’un site test soit foré dans le comté en réjouit certains. Pour les partisans de l’exploitation des hydrocarbures de schiste, cette décision constitue la première « étape majeure vers la révolution énergétique en Grande-Bretagne ». Pourtant, ceux qui espèrent une révolution du schiste à l’américaine feraient mieux de revoir leurs ambitions et faire preuve de réalisme.
Le Royaume-Uni n’est pas l’Amérique, la terre y est peuplée … ou protégée
Une des raisons pour lesquelles la fracturation hydraulique n’a pas été mise en œuvre et a peu de chance d’être développée à grande échelle est liée à la localisation des gisements d’hydrocarbures. Michael Stephenson du l’Institut géologique britannique (British Geological Survey) affirme que bien que les chiffres exacts ne soient pas connus, on estime à environ 36 milliards de mètre cubes de gaz dans le nord de l’Angleterre, enfouis dans le sous-sol d’une zone située entre Lancaster, Wrexham, Scarborough et Nottingham. En 2011 Cuadrilla, une société d’énergie, après avoir foré dans le Lancashire a spéculé sur le fait que les réserves de gaz de la Grande-Bretagne dépasseraient largement les estimations antérieures. Toutefois, elle a été empêchée d’explorer davantage après que le forage ait causé des microséismes dans la région. C’est ce qui avait conduit au moratoire. Comme l’affirme le journal britannique The Economist, le problème est que la plupart des gisements de gaz se trouvent sous des zones densément peuplées. Dans le nord, le schiste se trouve soit sous les grandes villes soit sous de riches terres agricoles ou alors dans des parcs nationaux particulièrement bien protégés. Et contrairement à ce qu’il se passe aux États-Unis, en Grande-Bretagne les droits pour l’exploitation du pétrole et du gaz appartiennent à la Couronne et non pas à des particuliers qui pourraient être plus faciles à convaincre … à coup de livres sterling.
Forte mobilisation populaire contre l’exploitation des hydrocarbures par le fracking
En Grande Bretagne, il existe une forte mobilisation populaire contre la fracturation hydraulique et des grandes associations comme les Amis de la Terre et Greenpeace, ont été particulièrement virulentes contre la fracturation et les petits groupes citoyens locaux se sont multipliés. En 2013 les manifestants ont contribué à l’arrêt du forage exploratoire de Cuadrilla à Balcombe dans le Sussex, au sud-est de l’Angleterre. Dans le Lancashire un groupe d’opposition au gaz de schiste appelé le «Lancashire Nanas» comprend aussi des grands-mères locales particulièrement actives sur le terrain. Et puis peut-être que la principale raison pour laquelle la fracturation hydraulique n’a pas encore connu l’essor annoncé par certains est liée au fait que le gouvernement a été lent à démarrer en dépit de la rhétorique de M. Cameron. En 2014, la Chambre des Lords a publié un rapport mettant en évidence les processus réglementaires complexes qu’impliquerait la mise en œuvre de la fracturation, des processus qui seraient alors supervisés par divers organismes publics. On se souviendra également que de l’aveu même du conseiller scientifique en chef du gouvernement en décembre 2014, les conséquences de la fracturation hydraulique seraient « dramatiques« . Et puis, en Janvier 2015, sous la pression des travaillistes, le gouvernement a finalement interdit la fracturation hydraulique dans les parcs nationaux et zones naturelles équivalentes.
Malgré les annonces du gouvernement conservateur, le gaz de schiste ne passera pas
Cameron et M. Amber Rudd, le nouveau secrétaire à l’énergie, voudraient à présent avancer et permettre la levée des restrictions. Mais Quentin Fisher de l’Université de Leeds affirme que même avec une nouvelle législation, les progrès seront lents. La plus grande partie des hydrocarbures de schiste dans des régions telles que le Lancashire restera forcément enfouie dans le sous-sol : Pour M. Stephenson, seulement 1% à 2% sont techniquement en mesure d’être fracturées. Aux États-Unis, d’immenses zones sont remplies de milliers de puits; Les plans actuels de Cuadrilla consistent en quatre puits, mais la société espère avoir jusqu’à 100 sites dans le comté au cours des prochaines décennies. Cette même société qui selon Charles Hendry, alors ministre de l’énergie, avait déclaré en 2014 dans une lettre à la compagnie que l’«échec» avait mis en lumière les « faiblesses dans la performance de Cuadrilla en tant que titulaire [du permis]. Le puits en question souffrait en effet de sérieuses « défaillances de structure ».
Pendant ce temps là, les manifestants sont en train de s’échauffer pour une autre série d’«actions directes». La « révolution du schiste en Grande-Bretagne » risque de prendre encore beaucoup de temps, si toutefois elle devait arriver un jour.
Source : The Economist