(!) Info minute – Revue de Presse
Le gouvernement américain va mettre en place des mesures pour encadrer la fracturation hydraulique. Elles concerneront l’étanchéité des puits, le stockage et le traitement des eaux de fracturation ainsi que la publication de la liste des produits chimiques utilisés. Nous nous interrogeons sur l’impact réel de telles mesures sur les pratiques des sociétés de forage et de fracking américaines.
La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis.
Dans le cadre de la mise à jour des normes et alors que la réglementation en vigueur date d’il y a 30 ans et qu’«elle n’est plus adaptée à la situation actuelle», le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur lui-même responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations[1].
Quelles sont les mesures annoncées ?
- Les mesures annoncées[2] vendredi « obligeront les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques.
- Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction[3]».
- Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également « fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés.
- Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.
- Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées ».
Les limites de la réglementation fédérale
Ce premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’État fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles. Dans de tels cas, tant que les États n’auront pas eux-mêmes pris la décision d’une interdiction totale comme c’est par exemple le cas dans l’État de New-York, les populations et leur environnement resteront sans réelle protection et risqueront d’être impactées par un air empoisonné et une eau qui peut être contaminée.
Ensuite, il est intéressant de constater que plutôt de d’édicter des normes, l’administration fédérale requiert des entreprises qu’elles communiquent leurs plans pour le stockage et le traitement des eaux de fracturations hydrauliques. Globalement il s’agit d’appliquer un régime déclaratif[4] lequel finalement repose sur la bonne volonté et l’honnêteté supposée des entreprises. S’agissant de l’application de bonnes pratiques pour le forage et la cimentation permettant d’assurer l’intégrité des puits, les plans devront être approuvés par les ingénieurs du BLM. Toutefois, qu’en sera-t-il du suivi et du contrôle lors de la mise en œuvre des opérations sur le terrain puisque le BLM ne dispose pas du budget pour assurer l’inspection de l’ensemble des opérations de forage?
Par ailleurs, les entreprises américaines qui restent leader dans la recherche et l’exploitation des pétroles et gaz de schiste –activité nécessitant obligatoirement le recours à la fracturation hydraulique- ne se verront certainement pas obligées par la loi fédérale américaine de recourir à des « meilleures pratiques » en dehors du territoire des États-Unis. La réglementation concernant l’exploitation des ressources minières (comme les hydrocarbures liquide ou gazeux) reste généralement du seul ressort des États qui y exercent leur souveraineté. Une partie des règles est édictée dans les codes miniers, le reste des pratiques est géré par les lois sur la protection de l’eau et de l’air. Ceci nécessite des États forts et compétents, dotés de moyens pour assurer un suivi et un contrôle effectifs.
La réaction hostile des compagnies pétrolières
Cette perspective d’une nouvelle réglementation a attiré une vive opposition des groupes de l’industrie pour lesquels les nouvelles exigences réglementaires feront grimper les coûts de production. Elles sont relayées par des éditorialistes[5] qui clament que les États n’ont pas attendu pour mettre en œuvre leur propre réglementation sur la pratique de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures par forage horizontal et fracturation hydraulique et de celles-ci sont bien suffisantes[6]. Sans oublier les déclarations caricaturales au sujet des produits inoffensifs utilisés pour la fracturation hydraulique puisqu’on les trouve dans la fabrication « du dentifrice, des laxatifs (sic !), de détergents, et de crème glacée ».
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[1] Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour Interior Department Releases Final Rule to Support Safe, Responsible Hydraulic Fracturing Activities on Public and Tribal Lands http://www.doi.gov/news/pressreleases/interior-department-releases-final-rule-to-support-safe-responsible-hydraulic-fracturing-activities-on-public-and-tribal-lands.cfm
[2] Hydraulic Fracturing on Federal and Indian Lands; Oil and Gas – Prépublication avant publication au journal officiel le 26/03/2015 https://s3.amazonaws.com/public-inspection.federalregister.gov/2015-06658.pdf
[3] Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels et n’hésitent pas à employer les grands moyens : faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.
[4] Dans le cadre des réglementations existantes au niveau des États, les déclarations faites à Fracfocus ne sont pas systématiquement revues et exploitées et dans des délais corrects par une entité indépendante ou d’État https://stopgazdeschiste.org/2014/11/25/petrole-et-gaz-de-schiste-ces-puits-geants-ou-la-fracturation-hydraulique-requiert-95-millions-de-litres-deau/
[5] Washington’s Redundant Fracking Regulations http://www.nationalreview.com/article/415738/washingtons-redundant-fracking-regulations-jillian-kay-melchior
[6] La réglementation fédérale stipule que lorsque la réglementation de l’État est aussi (ou plus) stricte c’est cette dernière qui s’appliquera.