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(!) Info minute – Revue de Presse

Le gouvernement américain va mettre en place des mesures pour encadrer la fracturation hydraulique. Elles concerneront l’étanchéité des puits, le stockage et le traitement des eaux de fracturation ainsi que la publication de la liste des produits chimiques utilisés. Nous nous interrogeons sur l’impact réel de telles mesures sur les pratiques des sociétés de forage et de fracking américaines.

La fracturation hydraulique, qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans le sous-sol pour y récupérer le pétrole et le gaz difficiles à extraire, suscite de plus en plus d’opposition aux États-Unis.

Dans le cadre de la mise à jour des normes et alors que la réglementation en vigueur date d’il y a 30 ans et qu’«elle n’est plus adaptée à la situation actuelle», le Bureau de gestion des terrains (BLM) du département de l’Intérieur lui-même responsable de l’exploitation des ressources naturelles et de la gestion des terres publiques aux États-Unis a reçu des contributions de plus de 1,5 million de particuliers et d’associations[1]

Quelles sont les mesures annoncées ?
  • Les mesures annoncées[2] vendredi « obligeront les groupes pétroliers et gaziers à renforcer l’étanchéité de leurs puits et des tests seront systématiquement effectués pour vérifier la qualité des parois en ciment censées empêcher la contamination des nappes phréatiques.
  • Les sociétés devront aussi publier dans un délai des 30 jours quels produits chimiques elles injectent dans le sol pour permettre l’extraction[3]».
  • Avant de commencer un forage, les compagnies pétrolières et gazières devront également « fournir davantage d’informations concernant le stockage des fluides toxiques utilisés.
  • Elles devront par ailleurs sécuriser les eaux usées dans des réservoirs couverts, au lieu de les évacuer, comme c’est parfois le cas, dans des fosses creusées à même le sol.
  • Les compagnies devront aussi détailler comment elles comptent éliminer ces produits toxiques. Enfin, elles auront à fournir plus d’informations concernant les réserves d’eau situées à proximité du forage afin que celles-ci soient protégées ».
Les limites de la réglementation fédérale

Ce premier pas vers une réglementation est toutefois limité dans la mesure où elle ne vise que les terrains qui sont la propriété de l’État fracking - -fédéral. Cela ne représente que 11 % du gaz naturel exploité et 5 % des gisements de pétrole. Environ 100 000 puits sont concernés au total. La grande majorité de l’extraction se déroule en effet sur des espaces privés ou appartenant aux États fédérés, qui restent libres d’appliquer leurs propres règles. Dans de tels cas, tant que les États n’auront pas eux-mêmes pris la décision d’une interdiction totale comme c’est par exemple le cas dans l’État de New-York, les populations et leur environnement resteront sans réelle protection et risqueront d’être impactées par un air empoisonné et une eau qui peut être contaminée.

Ensuite, il est intéressant de constater que plutôt de d’édicter des normes, l’administration fédérale requiert des entreprises qu’elles communiquent leurs plans pour le stockage et le traitement des eaux de fracturations hydrauliques. Globalement il s’agit d’appliquer un régime déclaratif[4] lequel finalement repose sur la bonne volonté et l’honnêteté supposée des entreprises. S’agissant de l’application de bonnes pratiques pour le forage et la cimentation permettant d’assurer l’intégrité des puits, les plans devront être approuvés par les ingénieurs du BLM. Toutefois, qu’en sera-t-il du suivi et du contrôle lors de la mise en œuvre des opérations sur le terrain puisque le BLM ne dispose pas du budget pour assurer l’inspection de l’ensemble des opérations de forage?

Par ailleurs, les entreprises américaines qui restent leader dans la recherche et l’exploitation des pétroles et gaz de schiste –activité nécessitant obligatoirement le recours à la fracturation hydraulique- ne se verront certainement pas obligées par la loi fédérale américaine de recourir à des « meilleures pratiques » en dehors du territoire des États-Unis. La réglementation concernant l’exploitation des ressources minières (comme les hydrocarbures liquide ou gazeux) reste généralement du seul ressort des États qui y exercent leur souveraineté. Une partie des règles est édictée dans les codes miniers, le reste des pratiques est géré par les lois sur la protection de l’eau et de l’air. Ceci nécessite des États forts et compétents, dotés de moyens pour assurer un suivi et un contrôle effectifs.

La réaction hostile des compagnies pétrolières

Cette perspective d’une nouvelle réglementation a attiré une vive opposition des groupes de l’industrie pour lesquels les nouvelles exigences réglementaires feront grimper les coûts de production. Elles sont relayées par des éditorialistes[5] qui clament que les États n’ont pas attendu pour mettre en œuvre leur propre réglementation sur la pratique de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures par forage horizontal et fracturation hydraulique et de celles-ci sont bien suffisantes[6]. Sans oublier les déclarations caricaturales au sujet des produits inoffensifs utilisés pour la fracturation hydraulique puisqu’on les trouve dans la fabrication « du dentifrice, des laxatifs (sic !), de détergents, et de crème glacée ».

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[1] Ainsi, récemment, en Caroline du Nord, Halliburton a fait un intense lobbying pour Interior Department Releases Final Rule to Support Safe, Responsible Hydraulic Fracturing Activities on Public and Tribal Lands http://www.doi.gov/news/pressreleases/interior-department-releases-final-rule-to-support-safe-responsible-hydraulic-fracturing-activities-on-public-and-tribal-lands.cfm
[2] Hydraulic Fracturing on Federal and Indian Lands; Oil and Gas – Prépublication avant publication au journal officiel le 26/03/2015 https://s3.amazonaws.com/public-inspection.federalregister.gov/2015-06658.pdf
[3] Ce sujet est une question sensible pour les compagnies pétrolières, qui sont très jalouses de leurs secrets industriels et n’hésitent pas à employer les grands moyens : faire passer une loi, qui condamne toute personne qui divulguerait la liste des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique.
[4] Dans le cadre des réglementations existantes au niveau des États, les déclarations faites à Fracfocus ne sont pas systématiquement revues et exploitées et dans des délais corrects par une entité indépendante ou d’État https://stopgazdeschiste.org/2014/11/25/petrole-et-gaz-de-schiste-ces-puits-geants-ou-la-fracturation-hydraulique-requiert-95-millions-de-litres-deau/
[5] Washington’s Redundant Fracking Regulations http://www.nationalreview.com/article/415738/washingtons-redundant-fracking-regulations-jillian-kay-melchior
[6] La réglementation fédérale stipule que lorsque la réglementation de l’État est aussi (ou plus) stricte c’est cette dernière qui s’appliquera.

(!) Info minute – Revue de Presse

Une étude publiée aux États-Unis lie la contamination d’aquifères à des défauts de cimentation et de mauvais forages de gaz de schiste. En France, le lobby du gaz de schiste va de nouveau clamer que les « quelques fuites » constatées aux États-Unis sont liées aux « mauvaises pratiques ». Que la contamination des aquifères n’est pas liée à la fracturation hydraulique mais à des défauts de cimentation. Et que naturellement en Europe nous avons la capacité de faire faire des puits de meilleure qualité qu’en Amérique du Nord. Mais ça n’est pas aussi simple.

cimentation puitsL’étude publiée hier par l’Académie des Sciences Américaine (voir le document sur le site PNAS[1]) met en évidence les problèmes de contamination de l’eau lors de l’exploitation des puits de gaz de schiste. Dans cette recherche menée sur des puits forés dans les gisements de Barnet (Texas) et de Marcellus (Pennsylvanie) sur les 8 pollutions mesurées, 7 sont liées à l’intégrité des puits (dans 4 cas des problèmes de cimentation à l’intérieur du tube de production, dans trois cas à l’extérieur du tube de production) et la huitième à une faille dans un puits provoquée par une erreur de forage. Les chercheurs indiquent que «l’intégrité des puits est reconnue depuis des décennies comme un facteur important dans la gestion de l’environnement lors de la production de pétrole et de gaz conventionnel. Ils ajoutent que « les recherches futures devraient évaluer si les grandes quantités d’eau et les hautes pressions requises pour les forages horizontaux et la fracturation hydraulique influencent l’intégrité des puits ».

cimentation puitsLes problèmes de cimentation des puits destinés à l’extraction des hydrocarbures sont en effet bien connus. Les solutions sont généralement coûteuses et souvent mises en œuvre pour répondre aux besoins de la période d’exploitation. La durabilité des ouvrages reste un vrai problème et les multiples fuites constatées au Québec sont une illustration des risques à long termes posés par l’exploitation des hydrocarbures gazeux. De plus les sols ne sont pas inertes et leur mécanique peut être affectée par l’exploitation notamment lorsque les liquides de fracturation usagés sont réinjectés et provoque des séismes. Le vieillissement des ciments et des tubes métalliques n’étant pas contrôlé et son éventuelle surveillance encore moins du ressort à long terme des exploitants dont la responsabilité dans le temps est limitée à la période du permis.

Conclusion, les fuites existent bien. Elles peuvent contaminer les sources en eau. Le stockage des liquides stockage liquide reflux frackingde fracturation à ciel ouvert ou dans des cuves a des incidences graves sur la santé des travailleurs ou de la population. L’exploitation du gaz de schiste pose également le problème majeur de la production et des fuites massives du méthane puissant gaz à effet de serre et d’une dépendance prolongée aux sources d’énergies fossiles. Les conséquences sanitaires sur la population vivant à proximité des forages sont telles qu’il serait criminel de l’envisager en Europe où la densité de la population est beaucoup plus élevée qu’aux États-Unis.

 

[1] http://www.pnas.org/content/early/2014/09/12/1322107111.full.pdf+html

Rediffusion de Gasland sur ARTE ce samedi matin 30 Août à 10h30              (!) Info minute – Revue de Presse

D’après la publication de l’Associated Press du jeudi 28 août 2014, 18:45

Six ans après le boom du gaz de schiste, la Pennsylvanie a pour la première fois publié le détail de 243 cas dans lesquels les organismes de réglementation de l’État confirment que les compagnies de prospection de pétrole ou de gaz ont contaminé les puits d’eau potable de particuliers.

Jeudi, le ministère de la protection de l’environnement a fini par rendre accessible publiquement les documents de l’agence sur ce sujet. Ces dernières années, face au refus de l’administration de rendre ces sources accessibles, l’Associated Press et d’autres organes de presse – qui enquêtaient sur les plaintes déposées par les particuliers suite aux contaminations liées aux forages, avaient engagé des poursuites judiciaires à l’encontre de l’administration publique.

Manque de transparence

pollution eau gaz de schiste frackingLe mois dernier, le contrôleur général de l’État de Pennsylvanie avait indiqué dans un rapport que le système du département de la protection de l’environnement (DEP) pour le traitement des plaintes « était terriblement inadéquat » et que les enquêteurs ne pouvaient même pas déterminer si toutes les plaintes avaient effectivement été enregistrées dans le système de cette administration publique.

Le département de la protection de l’environnement n’avait pas réagi immédiatement devant la presse. Mais depuis, il a effectivement mis en ligne l’information le jour ou sept associations environnementales indiquaient avoir envoyé une lettre demandant à l’agence de tenir compte des 29 recommandations du contrôleur général.

Pour Thomas Au du  Pennsylvania Sierra Club, la publication de ces documents sur ces cas de contamination de l’eau potable par les forages hydrocarbures  » est un pas dans la bonne direction« , « Mais c’est quelque chose qui aurait dû être rendu public il y a longtemps.« 

243 cas de pollution de l’eau

Fracking waste water  in Wyoming : toxic wasteParmi ces 243 cas, pour la période 2008 à 2014, certains sont la conséquence d’une seule opération de forage ayant affecté plusieurs sources d’eau potable. Les problèmes énumérés dans les documents comprennent la contamination de l’eau potable par le méthane, le rejet d’eaux usées et autres polluants, l’assèchement de puits, les sources devenues impropres à la consommation. Parfois les problèmes étaient temporaires, mais les noms des personnes victimes de ces problèmes de pollution ayant été supprimé de cette base d’information, il n’est pas possible de savoir si les problèmes ont été résolus à leur satisfaction. En outre, d’autres plaintes sont à l’étude.

Le gisement de Marcellus, riche en gaz de schiste est situé dans les sous-sols de la Pennsylvanie, de la Virginie-Occidentale, de New York et de l’Ohio. L’explosion du nombre de forages à partir de 2008 a fait du gisement de Marcellus, le champ gazier le plus productif du pays et plus de 6.000 puits de gaz de schiste y ont été forés. Cette activité à généré des milliards de dollars de chiffre d’affaires pour les entreprises et les propriétaires fonciers, mais aussi à débouché sur de nombreuse plaintes de propriétaires dont les sources d’eau ont été contaminées ou détruites.

L’extraction du combustible logé dans le schiste nécessite l’injection sous haute pression dans le sous-sol de millions de litres d’eau, avec du sable et des produits chimiques, afin de briser la roche et libérer le gaz. Une partie de cette eau, ainsi que des métaux lourds et des polluants, retourne à la surface.

Les documents publiés jeudi listent des problèmes de pollution de l’eau potable liés à des forages dans 22 cantons (counties) de l’État de Pennsylvanie, la plupart des cas provenant des counties de Susquehanna, Tioga, Lycoming ainsi que celui de Bradford dans le nord-est de l’état.

Les compagnies exploitant le gaz de schiste se défaussent

Certaines compagnies d’énergie se sont empressées de rejeter ou minimiser le problème de la contamination des sources d’eau, suggérant que cela arrive rarement ou même jamais.

fracking_site_usgs marcellus gaz de schisteLa Marcellus Shale Coalition, qui regroupe les principaux groupes exploitant de gaz de schiste, a réagi en indiquant (sans rire) que le problème était lié a l’absence de normes dans la construction des puits d’eau potable ! …et que c’est ceci qui était à blâmer.

Pour Dave Spigelmyer, président de cette coalition « la Pennsylvanie fait face depuis longtemps à des défis pour la gestion de l’eau, ceci étant lié à la géologie unique de notre région – où le méthane est souvent présent dans les aquifères peu profonds » Pour lui beaucoup de problèmes sont liés à des déversements en surface et non pas aux forages.

Rappelons que la Pennsylvanie, État jumelé avec la région Rhône-Alpes, a accordé des conditions fiscales redoutablement favorables à l’industrie de l’exploitation des gaz de schiste, laquelle est un généreux contributeur au financement des campagnes électorales.

 

(!) Info minute – Revue de Presse

Depuis le 21 novembre 2013, nos voisins et amis Suisses du Collectif Val-de-Travers publient dans le Courrier du Val-de-Travers Hebdo, une information sur le projet de forage de Noiraigue. Il nous semble tout à fait opportun de faire la chambre d’écho et d’offrir à nos lecteurs la possibilité de lire cette analyse tant elle est pertinente. Après les six premiers articles publiés ici depuis le 13 janvier 2014, voici le septième épisode.

Val Travers bannière-

7. Le fond du trou dans le Permien… mais où?

La semaine dernière, nous avons passé en revue les grandes lignes de ce qu’impliquerait la réalisation de la section intermédiaire du forage à but d’hydrocarbures de Noiraigue. Notre foreuse virtuelle s’est arrêtée dans les grès du Buntsandstein, à environ 2200 mètres sous la surface. Nous verrons aujourd’hui que les promoteurs, non contents d’avoir atteint cet objectif officiel, ont planifié d’aller encore plus loin, plus en profondeur. Jusqu’où ? Comment et pourquoi ?

Un forage profond est en quelque sorte une antenne télescopique déployée pointe en bas, étape par étape, dans le sous-sol. Chaque section est forée, tubée, et enfin l’espace annulaire entre le tubage et la roche est cimenté. Ainsi, à l’amorce de la section suivante, le diamètre de forage diminue. En effet, l’outil de forage rotatif passe d’abord à l’intérieur du tubage de la section venant d’être dûment équipée, avant de pouvoir grignoter les roches de la nouvelle section. Au niveau des couches qui pourraient hypothétiquement contenir des hydrocarbures, le puits ne sera évidemment pas tubé. Il sera laissé en trou nu.
Aquifères saumâtres
Dans l’article précédent, nous nous sommes quittés alors que le tubage en acier de cette longue section intermédiaire, d’environ 2200 mètres avait été posé et cimenté. Il faut espérer que les roches tant du Lias que du Trias aient été clémentes avec les hypothèses de travail des promoteurs. Dans les faits, la cimentation pourra-t-elle être réalisée comme planifiée sur le papier, c’est-à-dire sur toute la longueur, et sans problème ? Des niveaux aquifères profonds et saumâtres sont reconnus dans ces formations. Seront-ils à l’origine de problèmes de qualité d’adhérence de la cimentation au tubage, mais aussi d’adhérence aux formations rocheuses, et ce, déjà au moment même de la réalisation de la cimentation ? Comme écrit précédemment: une parfaite cimentation serait cruciale dans le contexte hydrogéologique régional, mais est plutôt chimérique dans la pratique !
Transparence, transparence…
Dans leur rapport technique hydrogéologique (RTH), les promoteurs prévoient alors un essai de pression, cette fois dans le Buntsandstein, sans plus de détail. Ce test sera-t-il à nouveau conduit jusqu’à atteindre la pression requise pour fracturer la roche ? Le rapport n’en pipe mot. Quoi qu’il en soit, les contraintes tectoniques probablement importantes à ces profondeurs pourraient se voir être libérées. De la sismicité pourrait alors être induite et ressentie jusqu’en surface (voir à ce sujet notre article N°5 « Arrêt sur image à 600 mètres de profondeur« ). Pour mémoire, suite à l’importante mise en pression appliquée à 600 m. sous la surface, le Toarcien en tremble encore…, et nous n’osons penser aux conséquences graves si le moindre risque de pollution de nos eaux souterraines devenait réalité.
Le fond du tr-où ?
Après avoir réalisé cet essai de pression dans le Buntsandstein et sans plus attendre, les promoteurs remettent la foreuse en route, pour perforer la dernière section du puits. Les boues de forage saturées en sel utilisées jusqu’ici auront préalablement été remplacées et devront être gérées comme des déchets particuliers. Tout un programme, en considérant la manière dont cela s’est déroulé à Noville (VD) en 2010, lors de la réalisation d’un forage exploratoire d’hydrocarbures. Quant au troisième mélange de boues employé, il sera constitué à base d’eau, sans aucune matière solide. Rien n’est par contre mentionné au niveau des additifs chimiques qui seront bien entendu utilisés… Une fois la foreuse en route vers le Permien, le rapport (RTH) devient à notre sens lacunaire et tout à la fois ambigu. Aucune profondeur finale n’est planifiée. Le Permien sera-t-il pénétré sur 50 ou 500 mètres?!
Rebelotte
Dès l’énigmatique profondeur finale atteinte dans le Permien, les promoteurs ont prévu de nettoyer le puits par circulation, avant de retirer le train de tige. Alors, une série de mesures pourront être réalisées dans la section en trou nu. Ensuite, la vérification de l’adhérence de la cimentation au tubage du puits…intermédiaire sera conduite. De nouveau, avec un train de retard (Article 6 « Objectif officiel : grès du Buntsandstein« ), cette fois en regard des roches du Lias, Toarcien compris et du Trias ! Prompts à contenir des hydrocarbures susceptibles de migrer en direction de nos aquifères par l’annulaire entre le tubage de la section intermédiaire et la roche, le Buntsandstein et le Permien auront été forés. Une fois de plus, les promoteurs ne dérogent pas aux pratiques habituelles induites notamment par des impératifs de rentabilité, malgré l’importance capitale pour notre canton des aquifères situés en aval de ce forage.

Cela dit, plusieurs éléments laissent à penser que les promoteurs se cachent derrière l’objectif officiel des grès du Buntsandstein, avant tout pour acquérir des données plus en profondeur, dans le Permien. Quels sont les objectifs réels des promoteurs ? Cette piste sera explorée dans notre prochain article.
Ne nous laissons pas berner ! La réalité d’un forage profond tel celui planifié à Noiraigue en amont de captages d’eau potable cruciaux pour notre canton n’est pas un long fleuve tranquille, où quelques personnes s’imaginent pouvoir garder toute la maîtrise grâce aux meilleures techniques disponibles, aussi sophistiquées soient-elles. Au plaisir de vous retrouver. Belle semaine à vous.
Les dangers du gaz de schiste dans le Jura [ 1][ 2][ 3] [ 4][ 5][ 6][ 7][ 8][ 9] [10]

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Depuis le 21 novembre 2013, nos voisins et amis Suisses du Collectif Val-de-Travers publient dans le Courrier du Val-de-Travers Hebdo, une information sur le projet de forage de Noiraigue. Il nous semble tout à fait opportun de faire la chambre d’écho et d’offrir à nos lecteurs la possibilité de lire cette analyse tant elle est pertinente. Après les cinq premiers articles publiés ici depuis le 13 janvier 2014, voici le sixième épisode.

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6. Objectif officiel: grès du Buntsandstein

Nous avons entamé il y déjà quelques jours une descente virtuelle dans le sous-sol de Noiraigue, sur la base des données publiques des promoteurs du forage. Après avoir mis en évidence plusieurs dangers manifestes pour les eaux potables du canton, nous nous sommes arrêtés dans les schistes du Toarcien, à 600 mètres de profondeur. Remettons la foreuse en route, et voyons ce que la section suivante du forage nous réserverait.

L’objectif affiché des promoteurs est d’atteindre les grès poreux et perméables du Buntsandstein, supposés contenir d’éventuels hydrocarbures. Pour y arriver, la foreuse va devoir perforer 1600 mètres supplémentaires de roches. L’outil de forage, appelé trépan, se trouvera alors à environ 2200 mètres sous la surface. Dans sa descente, il traversera tout le Toarcien et le reste du Lias, puis le Trias (voir fig.7). Ce dernier est un empilement rocheux complexe d’environ 1200 mètres d’épaisseur, n’affleurant pas en surface dans notre région. Il est essentiellement constitué de marnes et de roches évaporitiques (dolomies, gypses/anhydrite et sel). Ayant largement contribué à la formation de la chaîne du Jura, la succession ainsi que l’état de déformation de ses couches sont difficilement prévisibles. Qu’à cela ne tienne! La foreuse est en marche.

Le cauchemar des boues de forage

Les boues de forage ont de nombreuses fonctions. Par leur circulation contrôlée (surface à  fond du trou à  surface), elles ramènent constamment à nos yeux les débris arrachés au massif rocheux par le trépan en profondeur. Les foreurs font évoluer la composition des boues au fur et à mesure des roches traversées. Dans le rapport technique hydrogéologique (RTH) des promoteurs, pour en améliorer la performance au niveau de la section intermédiaire qui nous occupe, les boues se verront complétées, dans un premier temps, par des polymères… Ce sont des additifs chimiques. Il en existe une multitude, dont certains cocktails sont d’ailleurs brevetés et leur composition tenue secrète. Leur innocuité, que ce soit à court ou long terme reste à démontrer en cas de migration –de notre point de vue, absolument inadmissible –dans nos aquifères! Dans un second temps, dès que la tête de forage passera l’épaule dans le Trias, des roches salines seront rencontrées. Les boues utilisées jusqu’à présent devront alors être remplacées par un système saturé en sel, contenant tout autant d’additifs!

Une facture salée?

Petit rappel : le Toarcien n’est toujours pas tubé et il vient de subir un test de fracturation hydraulique. De surcroît, juste au-dessus, la couche inférieure du Dogger (l’Aalénien) est connue comme étant fortement fracturée dans la région de Neuchâtel. Il est plausible qu’elle le soit également à Noiraigue. Autrement dit, Toarcien et Aalénien se comporteront-ils comme des éponges au contact avec les boues?

Vous l’aurez compris : l’infiltration potentielle et insidieuse de boues de forages «polymérisées » et/ou fortement salées dans le Toarcien, se propageant dans l’Aalénien, en direction de l’aquifère du Dogger ne présage rien de bon pour nos eaux souterraines!

Un train de retard…

Admettons qu’aucun accident majeur ne soit survenu jusque-là: ouf! Nous voilà enfin à 2200 mètres sous la surface, dans les grés bigarrés du Buntsandstein! L’ensemble des tiges au bout duquel se trouve le trépan peut être retiré. C’est ce moment-là qu’ont choisi les promoteurs notamment pour contrôler la cimentation du puits… supérieur!

Ce test leur permet de vérifier la qualité effective de l’isolement hydraulique des couches aquifères du Dogger, 1600 mètres plus haut! On croit rêver: il faut attendre que la tête de forage soit arrivée dans le Buntsandstein pour voir se réaliser ce test d’adhérence de la cimentation au tubage au niveau de l’aquifère du Dogger!

Une parfaite cimentation est pourtant indispensable pour éviter, au moins à court terme, une migration ascendante de fluides dans l’espace annulaire entre la roche et le tubage, en direction de nos aquifères. Par fluides, il faut entendre: fluides et boues de forage, hydrocarbures, hydrogène sulfuré, eaux fortement salées d’aquifères plus profonds, etc.

Il eut été nettement plus responsable (mais plus coûteux pour les promoteurs) de prévoir la possibilité de défauts de cimentation au niveau de l’aquifère du Dogger, avec mesures correctives, et ce, avant de poursuivre vers le Buntsandstein! Soit dit en passant, au vu de tous les éléments plaidant en défaveur de ce projet, cela ne le rendrait en rien plus acceptable si les promoteurs revoyaient leur copie…

Revenons à nos moutons

Le temps est venu de placer un tubage en acier sur cette longue section fraîchement forée, en partie dans des roches salifères et sulfatées. Il convient ensuite de cimenter ce tubage sur environ 2200 mètres de longueur, entre le sommet du Buntsandstein et la surface. Cette

opération n’est de loin pas une mince affaire… Bref, si nous mentionnions tous les risques possibles, nous ne nous en sortirions plus! Considérons donc ces opérations comme réalisées sans incident important ou disqualifiant. Sur cette base, nous poursuivrons la prochaine fois pour atteindre, finalement, le fond du trou!

Au plaisir de vous retrouver. Belle semaine à vous.

www.collectifvaldetravers.ch

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(!) Info minute – Revue de Presse

roulette russeDepuis le 21 novembre 2013, nos voisins et amis Suisses du Collectif Val-de-Travers publient dans le Courrier du Val-de-Travers Hebdo, une information sur le projet de forage de Noiraigue. Il nous semble tout à fait opportun de faire la chambre d’écho et d’offrir à nos lecteurs la possibilité de lire cette analyse tant elle est pertinente. Après les trois premiers articles publiés ici le 13 janvier 2014, voici le quatrième épisode.

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4. Forer à Noiraigue, c’est jouer à la roulette russe !

Nous avons posé le cadre ces deux dernières semaines, en présentant la géologie de la région et les écoulements souterrains complexes qui s’y déroulent. Tentons à présent de décrypter certaines étapes techniques particulièrement sensibles de ce forage profond à but d’hydrocarbures, tel qu’il est projeté. Nous nous référons pour ce faire à des éléments à disposition de chacun, à savoir les panneaux de l’exposition publique présentée par les promoteurs en août et le Rapport Technique Hydrogéologique (RTH), disponible sur leur site internet.

Les éléments apportés dans cet article et ceux développés la semaine prochaine visent à démontrer qu’il est absolument inadmissible de procéder à un forage profond, ne serait-ce qu’exploratoire, dans le bassin d’alimentation des captages des Gorges de l’Areuse.

Quid des risques?

Les promoteurs se gardent bien de nier l’existence de risques autour de ce forage. Au niveau de la méthode de forage planifiée, et uniquement de ce point de vue, ils considèrent les risques comme « acceptables ». Au niveau des impacts sur les eaux souterraines, les risques sont qualifiés de « négligeables ».

Ils se basent sur trois études complémentaires qui, malgré l’enjeu considérable de ce projet pour tous les citoyens neuchâtelois, n’ont pas été rendues publiques!

Un chantier plus grand qu’un terrain de football

Les opérations commencent par la préparation d’une surface de 120 x 75 m. La terre végétale est enlevée et le sol drapé d’une membrane textile. Une épaisseur de 30 à 50 cm de calcaire concassé, représentant une masse d’environ 5400 tonnes, y est ajoutée. Cela constitue une surcharge locale conséquente.

En cas d’inondation?

Même dans des conditions favorables, toute opération de forage profond est déjà délicate et sujette à des imprévus, incidents, voire à des accidents. Le projet de forage dénommé « Le Cygne Blanc 1 » (LCB1) est quant à lui planifié à quelques encablures de l’Areuse, sur des sédiments lacustres et alluvionnaires abritant une nappe phréatique. Le sol, étant formé de sédiments non consolidés, a une portance qui laisse parfois à désirer. Les Vallonniers le savent bien: c’est la raison pour laquelle certaines maisons ont tendance à pencher méchamment, notamment à Travers et à Noiraigue.

Mais ce n’est pas tout: à cela s’ajoute la possibilité d’une crue de l’Areuse, entraînant son débordement et bien sûr, une montée des eaux de la nappe. D’ailleurs, au niveau du danger d’inondation, le lieu du forage se trouve en zone de « danger résiduel » sur la carte neuchâteloise des dangers naturels. Une fois la foreuse en action, que se passerait-il en cas de crue extrême de l’Areuse, et donc d’inondation majeure?

La combinaison entre un sol à faible portance d’une part, la proximité de l’Areuse et d’une nappe superficielle à la merci d’une inondation imprévisible, de l’autre… bonjour les dégâts ! Et même si une digue était prévue, encore faudrait-il pouvoir la rendre étanche sur le pourtour du chantier, pour qu’elle soit efficace. Beau défi.

Déroulement du forage

Val Travers Fig7Le premier objectif est d’atteindre le rocher, situé à une centaine de mètres de profondeur. Vu la présence des sédiments non consolidés, un tube conducteur en acier d’un diamètre d’environ 50 cm doit d’abord être enfoncé.

Arrivé au rocher, une puissante foreuse entre alors en action. A l’aide de « boues de forage » constituées d’eau, d’argiles et d’additifs chimiques, une première section est forée jusqu’à environ 600 m de profondeur, pour atteindre le Toarcien (voir Fig.7 plus haut).

D’après le rapport de synthèse (RTH), les couches karstiques du Malm sont supposées absentes à l’endroit précis du forage. Ceci explique pourquoi les premiers rochers calcaires rencontrés par l’outil de forage seraient ceux du Dogger, abritant également un aquifère sensible. Durant le forage de cette zone, si des cavités karstiques sont rencontrées conduits, grottes, gouffres, etc.), des pertes importantes de « boues » se produiraient, par écoulement dans ces espaces, à l’image d’une hémorragie interne. Il s’agit là d’un risque majeur et malheureusement non prévisible.

La cimentation, une épée de Damoclès

Une fois le Toarcien atteint, les foreurs ressortent les tiges portant l’outil « grignotant » la roche et mettent en place un tube en acier dans le trou. Ils procèdent ensuite à une cimentation destinée à assurer l’étanchéité du puits le long de l’aquifère du Dogger. Un ciment relativement liquide est injecté au fond du forage, de sorte qu’il remonte dans un espace de quelques centimètres, entre le rocher et la paroi extérieure du tube en acier. Au même titre

que durant le forage avec des pertes de boues potentielles dans le karst, du ciment peut également s’échapper durant la remontée. Si c’était le cas, la cimentation serait alors incomplète et une parfaite étanchéité ne serait pas garantie. De tels défauts de cimentation n’étant pas rares, il s’agit d’une phase cruciale et critique de ce forage exploratoire.

Un test ambigu

Si tant est que ces délicates opérations réussissent, les promoteurs envisagent alors de réaliser un essai de pression censé confirmer la bonne qualité de la cimentation. Par ailleurs, ce test mesurerait la pression requise pour fracturer la roche, en faisant recours à un procédé de fracturation hydraulique. Alors même que le ciment se sera à peine consolidé, cette pratique serait à nos yeux pour le moins osée dans le contexte donné !

Au plaisir de vous retrouver dans deux jours pour la suite de ce périlleux voyage dans le sous-sol de notre belle région !

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