(!) Info minute – Revue de Presse
Depuis le 21 novembre 2013, nos voisins et amis Suisses du Collectif Val-de-Travers publient dans le Courrier du Val-de-Travers Hebdo, une information sur le projet de forage de Noiraigue. Il nous semble tout à fait opportun de faire la chambre d’écho et d’offrir à nos lecteurs la possibilité de lire cette analyse tant elle est pertinente. Après les huit premiers articles publiés ici depuis le 13 janvier 2014, voici le neuvième épisode.
9.Un forage en travers des Gorges: non merci!
L’eau potable bue par deux personnes sur trois dans notre canton provient des captages dans les Gorges de l’Areuse . Les éléments développés aujourd’hui ont pour objectif, une fois de plus, de démontrer que la réalisation d’un forage profond en amont de captages si précieux est totalement inacceptable. Le Collectif Val-de-Travers défend un bien commun de très grande valeur, à l’échelle cantonale.
Imaginez-vous dès maintenant bien au chaud, à environ 2200 mètres sous la surface. Vous êtes dans le Buntsandstein, susceptible de contenir des hydrocarbures, hypothétiquement en gisement conventionnel. Ces couches sont le point de mire déclaré des promoteurs du forage.
La température intérieure est d’environ 76°C, en raison de son augmentation naturelle avec la profondeur. Passons en revue quelques hypothèses de travail et voyons ensemble que l’ambiance est, en définitive, assez lourde…
Première hypothèse
Si des hydrocarbures étaient présents dans le Buntsandstein sous Noiraigue, que se passerait-il s’ils étaient emprisonnés serrés, dans un réservoir compact, dit « tight »? Dans ce cas de figure, l’industrie pétro-gazière utiliserait sans ménagement des additifs chimiques, associés à de la fracturation hydraulique, pour mieux extirper les hydrocarbures de ce type de gisement non-conventionnel. Remarquons au passage que dans sa communication « grand-public », cette industrie évite généralement toute référence aux additifs utilisés. Or, comme les promoteurs clament haut et fort ne pas vouloir utiliser ce procédé à Noiraigue, ils marqueraient dommage sur leur investissement. Mais pas complètement, en tenant compte du contexte énergétique mondial dans ce domaine! Par ce forage, ils acquerraient également, en quelque sorte au dépens de notre collectivité, des données d’une grande valeur en regard de leurs objectifs et velléités sur d’autres sites dans l’arc jurassien. Côté rentrées financières pour le Canton et la Commune de Val-de-Travers: zéro. Par contre, ce qui serait nettement plus préoccupant serait d’avoir ce forage profond sur les bras. Pire encore? La frustration au ventre de savoir que des hydrocarbures non-conventionnels sont présents, tout en n’osant y toucher, la tentation serait grande pour qu’ils reviennent à la charge. Dans dix ans? Dans cinquante ans? Quel que soit le laps de temps, notre sous-sol sera toujours autant fracturé, hétérogène, karstifié, etc. Et nous aurons toujours autant besoin de notre ressource en eau potable de qualité. Par conséquent, en particulier pour ce forage, c’est un leurre de compter sur des avancées technologiques ou scientifiques!
Deuxième hypothèse
Que se passerait-il si des hydrocarbures étaient présents dans un Buntsandstein tout à la fois « très conventionnel », mais « trop pauvre » pour laisser entrevoir son exploitation? Mêmes conclusions que ci-dessus: les promoteurs lèveraient l’ancre, pas si bredouilles ni désintéressés que cela, Canton et Commune de Val-de-Travers ne verraient pas leurs caisses se renflouer « comme par enchantement » et le puits resterait à jamais en travers de la… gorge des générations futures.
Il nous semble important de relever que la présence même d’un puits profond à cet endroit pose des questions quant aux conséquences de sa dégradation due aux effets du temps. Des communications verticales entre les différents aquifères pourraient à terme insidieusement impacter la qualité des ressources en eau souterraine.
Troisième hypothèse
Et si le gisement dans le Buntsandstein était du genre « bonne pâte et bon producteur »? hypothèse que les promoteurs évaluent eux -mêmes, comme très peu probable! De la bouche de ces mêmes promoteurs, qui reconnaissent n’avoir encore exécuté, ni coordonné aucun forage, dans tous les cas en Europe, l’exploitation de ce gisement impliquerait la réalisation de six à dix autres forages dans la région! Or, l’emplacement de ce forage exploratoire a justement été choisi pour éviter qu’il ne traverse l’aquifère très sensible du Malm. Qu’en serait-il pour les six à dix autres? Nous sommes très perplexes! D’autant plus que, tenez-vous bien, dans le rapport de synthèse relatif à ce projet de premier forage, il n’est pas totalement exclu que le Malm puisse tout de même être présent! Une fois de plus, on croit rêver, mais non!
Plan B?
Par revirement de situation, les promoteurs pourraient avoir comme « plan B » d’exploiter le gisement uniquement à partir du forage exploratoire, en le développant largement. En effet, les techniques actuelles en matière de forage profond pourraient leur permettre de forer plusieurs branches radiales, pour puiser dans le gisement, tout autour et à partir du forage principal. Ce mode de faire peut être comparé un peu aux baleines d’un parapluie tout retourné, malmené qu’il est par une bourrasque de vent. Le plan « parapluie » ne rendrait en rien ce projet plus acceptable, et ce, pour les nombreuses raisons déjà évoquées dans ces colonnes au fil des semaines, en tête desquelles un milieu souterrain naturel, faut-il le rappeler, fracturé, hétérogène, karstifié, etc., donc difficilement modélisable.
Plan C?
Une autre pirouette des promoteurs, pour tenter de tout de même administrer la pilule au patient récalcitrant qui ne veut pas la prendre par voie orale, pourrait consister à proposer la réalisation d’un forage dévié, pour « taper à distance » dans le Buntsandstein. Ainsi, en forant à partir d’un autre endroit que depuis Noiraigue, ils pourraient avoir l’outrecuidance de prétendre amoindrir les risques… Or, cette façon de faire serait largement réfutable, compte tenu de tous les éléments apportés ici et au fil des semaines précédentes. Une des filiales des promoteurs prévoit d’ailleurs ce genre de forages, dans deux projets actuels de forages d’hydrocarbures dans l’Ain (Jura français). Aux dernières nouvelles, les forages déviés ne permettent pas de s’affranchir de la présence de conduits karstiques ou de la fracturation pré-existante! Il y a une vingtaine d’années, des forages exploratoires à but d’hydrocarbures avaient défrayé la chronique, exactement dans cette région. Des pertes de boues de forage massives étaient survenues, autant dans les couches du Malm que du Dogger!
Cela avait engendré de la pollution, des pertes de débit et des tarissements de sources. L’approvisionnement en eau potable de plusieurs villages avait été lourdement touché. Des adductions alternatives avaient dues être mises en place dans l’urgence et des sources ont dû être irrémédiablement et définitivement abandonnées.
Dans cette affaire et à notre sens, l’intérêt prépondérant est de protéger durablement le bien commun que sont, à un niveau cantonal, les ressources souterraines en eau potable des Gorges de l’Areuse.
Au plaisir de vous retrouver. Belle semaine à vous.