Articles Tagués ‘Hydrogéologie’

(!) Info minute – Revue de Presse

Depuis le 21 novembre 2013, nos voisins et amis Suisses du Collectif Val-de-Travers publient dans le Courrier du Val-de-Travers Hebdo, une information sur le projet de forage de Noiraigue. Il nous semble tout à fait opportun de faire la chambre d’écho et d’offrir à nos lecteurs la possibilité de lire cette analyse tant elle est pertinente. Après les six premiers articles publiés ici depuis le 13 janvier 2014, voici le septième épisode.

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7. Le fond du trou dans le Permien… mais où?

La semaine dernière, nous avons passé en revue les grandes lignes de ce qu’impliquerait la réalisation de la section intermédiaire du forage à but d’hydrocarbures de Noiraigue. Notre foreuse virtuelle s’est arrêtée dans les grès du Buntsandstein, à environ 2200 mètres sous la surface. Nous verrons aujourd’hui que les promoteurs, non contents d’avoir atteint cet objectif officiel, ont planifié d’aller encore plus loin, plus en profondeur. Jusqu’où ? Comment et pourquoi ?

Un forage profond est en quelque sorte une antenne télescopique déployée pointe en bas, étape par étape, dans le sous-sol. Chaque section est forée, tubée, et enfin l’espace annulaire entre le tubage et la roche est cimenté. Ainsi, à l’amorce de la section suivante, le diamètre de forage diminue. En effet, l’outil de forage rotatif passe d’abord à l’intérieur du tubage de la section venant d’être dûment équipée, avant de pouvoir grignoter les roches de la nouvelle section. Au niveau des couches qui pourraient hypothétiquement contenir des hydrocarbures, le puits ne sera évidemment pas tubé. Il sera laissé en trou nu.
Aquifères saumâtres
Dans l’article précédent, nous nous sommes quittés alors que le tubage en acier de cette longue section intermédiaire, d’environ 2200 mètres avait été posé et cimenté. Il faut espérer que les roches tant du Lias que du Trias aient été clémentes avec les hypothèses de travail des promoteurs. Dans les faits, la cimentation pourra-t-elle être réalisée comme planifiée sur le papier, c’est-à-dire sur toute la longueur, et sans problème ? Des niveaux aquifères profonds et saumâtres sont reconnus dans ces formations. Seront-ils à l’origine de problèmes de qualité d’adhérence de la cimentation au tubage, mais aussi d’adhérence aux formations rocheuses, et ce, déjà au moment même de la réalisation de la cimentation ? Comme écrit précédemment: une parfaite cimentation serait cruciale dans le contexte hydrogéologique régional, mais est plutôt chimérique dans la pratique !
Transparence, transparence…
Dans leur rapport technique hydrogéologique (RTH), les promoteurs prévoient alors un essai de pression, cette fois dans le Buntsandstein, sans plus de détail. Ce test sera-t-il à nouveau conduit jusqu’à atteindre la pression requise pour fracturer la roche ? Le rapport n’en pipe mot. Quoi qu’il en soit, les contraintes tectoniques probablement importantes à ces profondeurs pourraient se voir être libérées. De la sismicité pourrait alors être induite et ressentie jusqu’en surface (voir à ce sujet notre article N°5 « Arrêt sur image à 600 mètres de profondeur« ). Pour mémoire, suite à l’importante mise en pression appliquée à 600 m. sous la surface, le Toarcien en tremble encore…, et nous n’osons penser aux conséquences graves si le moindre risque de pollution de nos eaux souterraines devenait réalité.
Le fond du tr-où ?
Après avoir réalisé cet essai de pression dans le Buntsandstein et sans plus attendre, les promoteurs remettent la foreuse en route, pour perforer la dernière section du puits. Les boues de forage saturées en sel utilisées jusqu’ici auront préalablement été remplacées et devront être gérées comme des déchets particuliers. Tout un programme, en considérant la manière dont cela s’est déroulé à Noville (VD) en 2010, lors de la réalisation d’un forage exploratoire d’hydrocarbures. Quant au troisième mélange de boues employé, il sera constitué à base d’eau, sans aucune matière solide. Rien n’est par contre mentionné au niveau des additifs chimiques qui seront bien entendu utilisés… Une fois la foreuse en route vers le Permien, le rapport (RTH) devient à notre sens lacunaire et tout à la fois ambigu. Aucune profondeur finale n’est planifiée. Le Permien sera-t-il pénétré sur 50 ou 500 mètres?!
Rebelotte
Dès l’énigmatique profondeur finale atteinte dans le Permien, les promoteurs ont prévu de nettoyer le puits par circulation, avant de retirer le train de tige. Alors, une série de mesures pourront être réalisées dans la section en trou nu. Ensuite, la vérification de l’adhérence de la cimentation au tubage du puits…intermédiaire sera conduite. De nouveau, avec un train de retard (Article 6 « Objectif officiel : grès du Buntsandstein« ), cette fois en regard des roches du Lias, Toarcien compris et du Trias ! Prompts à contenir des hydrocarbures susceptibles de migrer en direction de nos aquifères par l’annulaire entre le tubage de la section intermédiaire et la roche, le Buntsandstein et le Permien auront été forés. Une fois de plus, les promoteurs ne dérogent pas aux pratiques habituelles induites notamment par des impératifs de rentabilité, malgré l’importance capitale pour notre canton des aquifères situés en aval de ce forage.

Cela dit, plusieurs éléments laissent à penser que les promoteurs se cachent derrière l’objectif officiel des grès du Buntsandstein, avant tout pour acquérir des données plus en profondeur, dans le Permien. Quels sont les objectifs réels des promoteurs ? Cette piste sera explorée dans notre prochain article.
Ne nous laissons pas berner ! La réalité d’un forage profond tel celui planifié à Noiraigue en amont de captages d’eau potable cruciaux pour notre canton n’est pas un long fleuve tranquille, où quelques personnes s’imaginent pouvoir garder toute la maîtrise grâce aux meilleures techniques disponibles, aussi sophistiquées soient-elles. Au plaisir de vous retrouver. Belle semaine à vous.
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(!) Info minute – Revue de Presse

Depuis le 21 novembre 2013, nos voisins et amis Suisses du Collectif Val-de-Travers publient dans le Courrier du Val-de-Travers Hebdo, une information sur le projet de forage de Noiraigue. Il nous semble tout à fait opportun de faire la chambre d’écho et d’offrir à nos lecteurs la possibilité de lire cette analyse tant elle est pertinente. Après les deux premiers articles publiés ici le 13 janvier 2014, voici le troisième épisode.

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3. Éléments d’hydrogéologie de la région de Noiraigue-Gorges de l’Areuse

Après avoir décrit la complexité géologique et structurale de la région de Noiraigue, nous voyons aujourd’hui comment les eaux cheminent dans l’édifice rocheux, afin de mieux appréhender les risques d’un forage exploratoire d’hydrocarbures sur les eaux potables captées.

Porosité et perméabilité sont deux notions importantes en hydrogéologie.

La porosité se définit par la proportion des vides de petite taille occupés par de l’eau au sein du milieu rocheux, par rapport au volume total. La perméabilité est le reflet de l’interconnexion de ces vides ; c’est l’aptitude du milieu à se laisser traverser par de l’eau. Une couche du sous-sol est dite aquitard lorsqu’elle est relativement imperméable.

De telles couches sont présentes au pied des falaises du Creux du Van : il s’agit des marnes argoviennes de la base du Malm. Après infiltration dans les calcaires massifs, fracturés et karstifiés du Malm, l’eau de pluie atteint, puis ruisselle sur cette couche marneuse et permet aux promeneurs de se désaltérer d’un breuvage local, à la Fontaine Froide.

A contrario, une couche est dite aquifère si l’eau qu’elle contient peut cheminer, circuler en son sein. Plus grande est la perméabilité de cette roche, plus facilement l’eau peut s’y écouler.

Quels sont les aquifères reconnus dans la région ?

Tout d’abord, une nappe phréatique superficielle s’écoule dans les sédiments lacustres «récents » tapissant le fond du Vallon. En interaction directe avec l’Areuse, le niveau de cette nappe fluctue au fil du temps. A certains moments, la nappe se déverse dans l’Areuse pour l’alimenter, à d’autres, l’Areuse recharge la nappe.

Quand le niveau de la nappe monte au-dessus de la surface du sol, de l’eau apparaît dans les champs, et les inonde. Vu son cheminement, l’Areuse, accompagnée plus ou moins fidèlement de la demoiselle la nappe, sont par endroits en contact potentiel avec les autres aquifères importants de la région, reconnus dans les roches calcaires du Malmet du Dogger (voir fig.2 article précédent).

Les roches calcaires sont par ailleurs rongées, dissoutes par les eaux de pluie. Ce phénomène s’appelle l’érosion karstique (fig.5). Ce processus d’érosion provoque également l’élargissement des fractures du massif. Ainsi, des chemins d’écoulements préférentiels et rapides se développent, comme des conduits karstiques.

  Val Travers Fig5

Un aquifère est peu vulnérable lorsqu’il se développe entre deux aquitards dans des couches peu déformées et non fracturées. Par contre, lorsque la pile de roches est plissée, déformée et faillée, comme dans la région de Noiraigue, et qu’elle renferme plusieurs aquifères, de surcroît karstifiés, cela se corse, et ce, d’autant plus s’ils peuvent en partie communiquer entre eux. Compte tenu de circulations lentes et profondes se mélangeant aux eaux d’infiltration, la grande valeur des eaux captées dans les Gorges réside dans le fait qu’elles séjournent pour certaines plus de 10 ans dans le sous-sol, avant d’être captées. Elles s’épurent en quelque sorte naturellement, contrairement aux eaux d’aquifères purement karstiques.

Dès 1886, de l’eau potable de qualité provenant de ces aquifères est exploitée par des sources et des captages, pour certains fort ingénieux (fig.6). Ces aquifères sont à la base de l’alimentation en eau potable des Villes de La Chaux-de-Fonds, de Neuchâtel et de nombreuses communes du canton.

Val Travers Fig6Le prochain article abordera la question des risques liés à la réalisation d’un forage profond à but d’hydrocarbures.

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