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(!) Info minute – Revue de Presse

Le cours du pétrole est à son plus bas niveau depuis plus de six ans. Selon l’économiste Thomas Porcher, une baisse prolongée du prix du baril de pétrole pourrait compromettre les financements de recherche de pétrole de schiste aux États-Unis dès 2016.
Interview par le magazine en ligne Marianne.net

Propos recueillis par Alexandre Coste

Marianne: Pourquoi le prix du pétrole chute-t-il depuis plusieurs mois ?
Thomas Porcher: La chute que l’on constate depuis maintenant un an est due à trois éléments. Le premier, et le plus important, est la montée en puissance de la production pétrolière américaine, notamment avec les pétroles de schiste. Nous avons une production qui a atteint, en terme de liquide, les 11 millions de barils par jour. C’est une production énorme. En quatre ans, les américains ont ajouté quatre millions de barils par jour sur le marché. La deuxième raison, qui a accompagné cette baisse, c’est la baisse de la croissance économique mondiale. Nous avons eu d’un côté une hausse de la production de pétrole et de l’autre, une baisse de la croissance économique mondiale : quand il n’y a pas de croissance, il n’y a pas de demande de pétrole. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’un pour cent de croissance économique, c’est un pour cent de demande de pétrole en plus. Et le dernier élément qu’il convient d’ajouter, c’est le renchérissement du dollar qu’il y a eu au deuxième semestre de 2014. Cela a rendu le pétrole plus cher lorsqu’on le libelle dans une autre monnaie, ce qui a accompagné cette compression de la demande.  A cela, nous pouvons aussi ajouter -même si là nous débordons du cadre du sujet- le fait que la plupart des pays émergents s’endettent en dollar : donc lorsque le dollar augmente, la valeur de leur dette libellée dans leur monnaie augmente également, ce qui a pour effet direct de compresser l’activité et donc pèse sur leur croissance économique. Pour résumer, une hausse de la production de pétrole accompagnée d’une baisse de la demande : vous avez les prix qui ont été divisés par deux en un semestre.

Aujourd’hui, le prix du pétrole est tombé à son plus pas niveau depuis 2009…
Au premier semestre 2015, nous avons vu le prix du baril de pétrole osciller entre 50 et presque 70 dollars. Actuellement, il est redescendu à 50 dollars, et ce pour plusieurs raisons. La première raison, c’est qu’il y a toujours une suroffre. Nous avons un gap entre l’offre et la demande qui se situe entre 1,5 et 2 millions de barils. Le coup de grâce a été l’économie chinoise, qui ne se porte pas très bien. Le yuan chinois a été dévalué il y a quelques jours et cela a été perçu comme un phénomène révélateur de la mauvaise santé de l’économie chinoise. Il faut savoir que ce pays est le deuxième consommateur de pétrole au monde. Il y a donc encore des doutes sur la demande de pétrole, avec en parallèle une production excédentaire. Aujourd’hui, il y a toutefois un élément qui pourrait changer la donne : l’Agence Internationale de l’Energie a annoncé que la demande de pétrole pourrait repartir au deuxième semestre 2015 et en 2016.

Peut-on imaginer que la reprise des échanges commerciaux avec l’Iran contribue à la production excédentaire de pétrole ?
Oui. Effectivement, il y avait un embargo sur l’Iran. Là, le pays voudrait que les compagnies étrangères reviennent sur le marché pour augmenter sa production, jusqu’à un million de barils par jour. Ce qui pourrait s’ajouter à la suroffre que l’on a aujourd’hui et qui pourraient maintenir les prix plutôt autour de 50 dollars le baril. Toutefois, la production de pétrole en Iran ne va pas repartir du jour au lendemain. Et puis aujourd’hui, le prix du pétrole étant plus faible qu’avant, il faut voir si les projets sont toujours aussi intéressants pour les compagnies. Parce que la plupart des grosses compagnies sont actuellement en train de couper dans les investissements et sont en train de se restructurer, donc c’est une période très difficile pour les majors.
La plupart des majors (Rexxon, Total…) ont fait des bénéfices énormes entre 2004 et 2014, parce que le prix du baril était très élevé. Ces bénéfices étaient majoritairement dus à la hausse du prix du pétrole parce que leur production, elle, diminuait. Aujourd’hui, le prix a chuté de moitié, donc les bénéfices sont moindres. Or c’est avec ces bénéfices que les compagnies investissaient dans les recherches futures, dans l’exploration dans des zones très profondes. Mais aujourd’hui, ça devient de moins en moins rentable d’investir dans certaines zones. Par exemple aller forer en Guyane, comme c’était le cas il y a deux ans, ce ne serait plus possible maintenant, avec le prix actuel du pétrole. Les compagnies vivent en ce moment ce que l’on appelle un « stress-test » : leurs bénéfices diminuent et elles sont obligées de se restructurer. Alors elles licencient et elles investissent moins.
es investissent moins.

Si il y a moins de bénéfices, et donc moins d’investissements, peut-on imaginer une baisse de l’offre ?
Oui, absolument. Le pétrole, ce sont des temps longs. Ce que l’on investit aujourd’hui, par exemple en exploration, on en verra les bénéfices dans 5, 6 voire 7 ans. Aujourd’hui, nous avons encore des gisements, où l’on était en phase de pré-production (donc où l’exploration était  faite) au moment de la baisse du prix du pétrole, qui vont arriver sur le marché. Il y a également des pays qui gagnent moins d’argent et qui sont tentés d’augmenter leur production au maximum. C’est-à-dire qu’il veulent compenser l’effet très négatif du à la baisse des prix par un effet de volume. C’est le cas de l’OPEP (organisation des pays exportateurs de pétrole) qui produit aujourd’hui 32 millions de barils, contre 30 millions il y a de ça seulement un an. Il y a également une certaine résistance des pétroles de schiste américains qui ne voient pas leur production diminuer. Mais quand on regarde l’expérience de 2008, lorsque les prix ont chuté très fortement, on se rend compte qu’il a fallu entre un an et demi à deux ans pour que la production américaine s’affaisse, parce qu’il y avait une production qui était déjà en route. Donc compte tenu des cycles de production des pétroles de schiste, on connaîtra vraiment la capacité de résistance de la production américaine à la fin du premier semestre 2016. En fait, plus le prix du pétrole est bas, plus ça fait mal à leurs investissements. Si on a un prix à 50 dollars, il y a toute une partie des pétroles de schiste qui n’est plus rentable. Donc les compagnies vont se concentrer sur des zones d’exploitation encore rentables qui sont plutôt faibles. Et là, à terme, il y aura moins d’investissement et donc moins de production dans les pétroles de schiste.

(!) Info minute – Revue de Presse

Une équipe de chercheurs vient de publier une nouvelle étude dans la revue scientifique Nature Communications dans laquelle ils présentent leur analyse des facteurs qui ont contribué à la baisse de 11% des émissions de CO2 aux États-Unis entre 2007 et 2013.
De nombreux médias et experts ont attribué initialement le changement à la montée de la fracturation hydraulique et au remplacement du charbon «sale» par le gaz naturel à « combustion propre ». Qu’en est-il ?

Impact de la récession de 2007 sur la consommation

Cette nouvelle étude a analysé les modèles qui déterminent réellement la consommation nationalerecession usa 2007 aux États-Unis et il apparaît clairement que le gaz naturel a joué un rôle mineur dans l’histoire du charbon ces quelques dernières années. Et particulièrement lorsqu’on examine la Grande Récession en 2007: à la mi-2007 , la bulle immobilière américaine a éclaté, provoquant une grave récession. Le chômage a plus que doublé au cours des 2 années suivantes. Les revenus ont chuté, et le taux de pauvreté a augmenté. Et entre 2007 et 2009, les émissions de carbone ont diminué de 9,9%.

Le boom du gaz de schiste n’a pas commencé avant 2009

L’étude montre que plus de la moitié du déclin du charbon fut due à une baisse drastique du volume des biens consommés par la population américaine. Près d’un tiers de la baisse pourrait êtrebaisse CO2 USA baisse charbon et consommation pas augmentation gaz de schiste attribuée à des changements dans la structure de production, comprenant également la délocalisation des industries américaines vers la Chine et d’autres pays. Seulement 17% pourraient être attribuées à des changements du mix énergétique pour produire de l’énergie, et pourtant ceci n’est pas lié à la hausse de la production des hydrocarbures non conventionnels. En effet, le boom du gaz de schiste n’a pas commencé avant 2009. Et avant cela, le charbon était déjà sur le déclin.

Depuis la reprise une baisse de CO2 de 0,2% par an seulement

Après 2009, alors que l’économie commençait à se redresser et que les Américains ont recommencébaisse CO2 USA - à consommer des biens en quantités plus importantes, les émissions de carbone ont diminué de 0,2% seulement par an, en moyenne. À ce moment, le boom du gaz de schiste a commencé à avoir un effet sur les émissions de carbone. Et malgré cela, il n’a pas constitué le facteur le plus important dans le déclin des émissions de CO2. Des changements dans la production et la consommation ont dominé de 2009 à 2011, puis un hiver doux en 2012 et des prix élevés de l’essence de 2011 à 2013 laissent à penser que les Américains ont utilisé moins d’énergie globalement, émettant moins de CO2.

Ce ne sont pas les quelques autres augmentations de consommation de l’utilisation du gaz naturel essentiellement produit par la fracturation hydraulique aux États-Unis qui peuvent avoir eu un grand effet global sur les émissions de gaz à effet de serre ni sur le réchauffement. Le boom du gaz naturel pourrait même aggraver la situation. À court terme, le gaz sera en concurrence avec les énergies renouvelables, comme le vent et l’énergie solaire.

Sources: http://www.nature.com/ncomms/2015/150721/ncomms8714/pdf/ncomms8714.pdf
http://www.sciencedaily.com/releases/2015/07/150721124716.htm
http://www.smithsonianmag.com/science-nature/recession-not-fracking-drove-drop-us-carbon-emissions-180955972/?no-ist

(!) Info minute – Revue de Presse

Les personnes vivant à proximité des sites de fracturation pourraient être affectées par des problèmes de santé ainsi que des difficultés financières tandis que –sans véritable surprise- le gaz de schiste ne peut contribuer à limiter le changement climatique. C’est ce qu’indique un rapport finalement révélé par le gouvernement britannique. Un rapport que les autorités avaient tenté de dissimuler. Ou plus précisément un rapport qui avait été publié partiellement, puisque les parties les plus sensibles en avaient été expurgées.

Un rapport caché

Le rapport – qui avait été initialement fortement expurgé mais qui a maintenant été entièrement publié après que la commissaire à l’information ait ordonné au gouvernement de le faire – comprend des passages marquants -lesquels avaient été précédemment dissimulés- sur les risques de vivre près de sites où son exploité les hydrocarbures par fracturation hydraulique:

« Les propriétés situées dans un rayon de 8 km (5 miles) du site de forage peuvent également faire l’objet d’un surcoût d’assurance afin de couvrir les pertes en cas d’explosion sur le site. »

« Une telle situation auraient sans aucun doute des impacts sociaux » peut-on noter dans le rapport. D’autres impacts sanitaires et financiers affectant les communautés rurales locales sont détaillés dans le rapport – et sont finalement rendus publics. Depuis l’été dernier, l’association Greenpeace UK demandait au département en charge de l’environnement, de la nourriture et des affaires rurales (DEFRA -Department for Environment, Food & Rural Affairs au department) de lui communiquer les informations manquantes. Ses requêtes étant restées sans réponse, l’ONG a finalement obtenu gain de cause à travers le Commissariat à l’information (l’équivalent de la Commission d’accès aux documents administratifs CADA en France) lequel a enjoint le gouvernement britannique de rendre publique la totalité du rapport. En voici les points saillants :

Santé : l’eau, le bruit, la lumière et la pollution de l’air

Les populations pourraient subir les conséquences de la contamination des eaux de surface par les opérations de fracturation hydraulique – le rapport ne relève pas la contamination directe de l’eau potable, mais cette contamination « peut affecter la santé humaine forage gaz de schisteindirectement par la consommation de la faune contaminée, du bétail, ou des produits agricoles ». Le rapport reconnaît également que les pollutions sonores et lumineuses à partir des plates-formes peuvent également induire des problèmes tels « certains résidents peuvent être éprouvés par les bruits assourdissants et la pollution lumineuse qui peut perturber les habitudes de sommeil ». Le rapport ajoute qu’ « au-delà des odeurs nocives qui peuvent être ressenties, le processus de ventilation des gaz peut également avoir un impact sur la qualité de l’air pour les résidents locaux ».

La circulation des camions à destination et au départ des sites – qui peut correspondre à une moyenne de 14 à 51 voyages par jour sur une période de plusieurs semaines – peut également avoir un impact par la pollution de l’air et la pollution sonore que génèrent ses mouvements.

Les divers troubles pouvant affecter la santé des populations peuvent également générer un engorgement des services de santé qui devraient par ailleurs faire face à une demande supplémentaire venant des ouvriers impliqués dans les travaux de forage, de fracturation et de mise en service des sites de production d’hydrocarbure.

Le rapport indique qu’il est difficile de savoir si le financement supplémentaire versé aux communautés locales permettra de couvrir à terme les coûts supplémentaires liés au fonctionnement des nouvelles écoles et nouveaux centre de soins nécessaires lesquels devront continuer à être utilisés et pris en charge par les communautés rurales existantes.

Impacts financiers sur le logement et l’emploi

Vous vivez à proximité d’un puits d’où l’on va exploiter le gaz ou le pétrole de schiste ? La valeur de votre maison pourrait baisser de 7% si vous habitez dans un rayon de 2 kilomètres (alors que d’autres estimations, parlent d’une baisse de 10% jusqu’à 70% des valeurs immobilières) et vous pourriez voir le montant de votre police d’assurance habitation augmenter pour couvrir les risques en cas d’explosion sur le site.

Vous êtes locataires, les loyers risquent d’augmenter lors de l’afflux des foreurs dans la région.

Pour l’économie locale, l’exploitation des pétroles et gaz de schiste, c’est la pochette surprise : des avantages à court terme masquent les coûts (pertes) réels dans d’autres secteurs, y compris « l’agriculture, le tourisme, l’agriculture biologique, la chasse, la pêche et les loisirs de plein air » précise le rapport qui questionne le devenir des économies locales après le départ des foreurs. Concernant les populations locales qui pensaient trouver du travail dans l’industrie de la fracturation hydraulique, il existe aussi une sérieuse incertitude d’une part sur « la durabilité des investissements dans le gaz de schiste » et d’autre part sur « les compétences nécessaires requises dans les métiers de l’exploitation des hydrocarbures limitant de ce fait l’offre d’emplois locaux ».

Incertitude réglementaire … et défausse du gouvernement

Alors que le budget du ministère britannique en charge de l’énergie et du climat est en très nette diminution, il est intéressant de voir que le rapport recommande « une augmentation de la capacité des agences sanitaires et de protection de l’environnement en charge du contrôle de l’application de la réglementation » !

Tentant d’éteindre l’incendie crée par la publication du rapport, le département en charge de l’environnement, de la nourriture et des affaires rurales a déclaré que « ce document a été établi comme un projet de discussion interne – son niveau d’analyse n’est pas suffisamment robuste, il n’a pas fait l’objet d’une revue par des pairs et reste incomplet. Il ne contient pas de nouvelles données ou de preuves documentée, et la plupart des conclusions équivalent à des conjectures sans fondement, qui ne représentent pas les vues des fonctionnaires ou des ministres ».

Ça ne vous rappelle rien ? On dirait, peut-être en pire, la dissimulation par le gouvernement en France du rapport de l’ADEME « Vers une France 100% renouvelable en 2050 ».

Lire le rapport non expurgé dans son intégralité ici

Source EnergyDesk Greenpeace UK

(!) Info minute – Revue de Presse

D’après un billet extrait sans fracturation hydraulique ni boîte noire du site du collectif07.

En 2013, l’OFCE réalisait le volet économique du rapport Montebourg et envisageait 300 milliards de dollars de rente sur 30 ans. En 2015, l’Office a refait ses calculs et la rente est divisée par 20, s’effondrant à 19,6 milliards sur 45 ans.

Un rapport mis en ligne le 7 avril par Le Figaro évalue « les gains que la France debunking rapport montebourg gaz de schistepourrait attendre de l’exploitation du gaz de schiste » : d’après ce document ce serait une chance pour l’économie et une opportunité de réduire la facture énergétique. Les impacts macroéconomiques estimés seraient très importants : dans le scénario « probable », plus de 200 000 emplois seraient ainsi créés, pour 1,7 point de PIB additionnel en moyenne sur une période de 30 ans. La rente y était estimée à 10 milliards par an.

De nouveaux calculs effectués par la même équipe d’économistes à partir des chiffres réels de la production américaine donnent un résultat très différent : 0,42 milliard par an au lieu des 10 milliards prévus. Soit moins de 1% du PIB !!
Ceci en considérant que la géologie des dépôts de schiste français est favorable à l’exploitation commerciale, ce qui n’est nullement prouvé. Rappelons de l’Eldorado annoncé en Pologne qui a fait pschitt.
Ces calculs ne tiennent bien évidemment pas compte des coûts sanitaires, environnementaux, climatiques, économiques locaux …

Les limites d’un modèle américain inapplicable en Europe

Depuis le début de l’exploitation des gaz de schiste au début des années 2000, plus de 60 gisements ont été explorés aux États-Unis. Mais seuls 30 ont pu être mis enle mythe de la croissance par le gaz de schiste production commercialement, et six d’entre eux représentent plus de 90% de la production américaine totale de gaz de schiste. Si l’on considère des hypothèses géologiques correspondant à la médiane de ces six meilleurs gisements, la VAN de la ressource gazière française ressort alors à 15 milliards d’euros – soit 15 fois inférieure aux 224 milliards d’euros estimés dans le rapport sus-cité (lire aussi à ce sujet ici et ). Pire, les spécificités européennes, et en particulier la grande profondeur des gisements et des règles environnementales plus strictes, devraient accroître de l’ordre de 40% le coût d’extraction et « réduire davantage une rentabilité déjà faible« .

Un tel surcoût par rapport aux concurrents américains « rendrait l’exploitation des gaz de schiste non rentable« .

Telle est la principale conclusion d’une étude publiée début avril 2015 par l’Office français des conjonctures économiques (OFCE) relative au potentiel des gaz de schiste européens. Cette étude contredit totalement les résultats du fameux « rapport Montebourg » publié par le Figaro. Il envoie aux oubliettes les déclarations loufoques  de la rameuse Maud Fontenoy.

Pas d’alternative à la fracturation hydraulique

Quand à l’alternative à la fracturation hydraulique qu’est la technique au fluoropropane, cette technique encore expérimentale à base d' »heptafluoropropane » (ou NFP pour « non flammable propane« ) n’a jamais été testée sur le terrain et sa production est extrêmement onéreuse ce qui le rend non-rentable. Les experts français du secteur en conviennent, cette technique à l’échelle commerciale, ce n’est ni pour aujourd’hui ni pour demain. Par ailleurs son pouvoir de réchauffement climatique est selon les experts de l’ONU près de 3.000 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone.

Au final, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels reste une aberration économique sanitaire et environnementale.

No gazaran, ni ici, ni ailleurs, ni maintenant, ni jamais!

Sources

The Indépendent : Oklahoma ? The link between fracking and earthquakes is causing alarm in an oil-rich town
le blog de l’OFCE : Gaz de schiste : redressement d’un mirage
Actu-Environnement : Gaz de schiste : le rapport Montebourg remis en cause par ses auteurs
Libération : Gaz de schiste : le mythe d’une exploitation « propre »

(!) Info minute – Revue de Presse

D’après l’article* de Daniel Dicker | publié le 17.03.15 (Dan Dicker, ancien trader au New York Mercantile Exchange, a plus de 25 années d’expérience en courtage pétrolier. Il est actuellement président de MercBloc LLC, une firme de gestion de patrimoine, et est l’auteur de « Oil’s Endless Bid », publié en Mars 2011).
(*) extrait de son prochain livre « Shale Oil Boom, Bust Shale Oil [Du boom du pétrole de schiste à l’éclatement de la bulle du pétrole de schiste]- Le mythe de l’Amérique Saoudite » sortie prévue en mai 2015.

NEW YORK – L’huile de schiste est une chaîne de Ponzi (voir définition ici). Je n’affirme pas qu’il y a une vaste conspiration dans le monde de l’énergie visant à créer la confusion chez les investisseurs quant à son potentiel. Ce que je veux dire, c’est que l’activité de forage pour l’extraction de pétrole de schiste crée un appétit circulaire sans fin pour plus de forages avec des retours sur investissement en constante diminution.

Charles Ponzi

Charles Ponzi

Pensez à un plan d’investissement de Ponzi classique – la disponibilité de capitaux frais est nécessaire de manière permanente afin de générer de faux gains pour payer les premiers investisseurs. C’est ce qu’il se passe dans la production d’hydrocarbures de schiste avec le besoin de forer en permanence et de plus en plus afin de maintenir une production et continuer à générer des rendements équivalents, même si leur rentabilité diminue. Dans une pyramide de Ponzi classique, lorsque l’apport argent frais cesse, inévitablement la pyramide s’effondre rapidement. Dans les hydrocarbures de schiste, ce moment où la pyramide devient intenable à maintenir est loin d’être atteint, mais l’inéluctabilité de son effondrement est également claire. Et je crois que le point de basculement est beaucoup plus proche que la plupart des autres analystes, et particulièrement l’Agence américaine de l’énergie (EIA), ne le pensent.

La raison principale pour laquelle je définis la production de pétrole de schiste comme une pyramide de Ponzi est la décroissance rapide de la production des puits de pétrole de schiste par rapport à presque tous les autres types de production de pétrole. Une figure suffit à illustrer la progression et les problèmes de la production de l’huile de schiste:
le déclin de la production de pétrole de schiste eagle ford FRCes courbes compilées par l’Agence américaine de l’énergie reflètent la production moyenne par puits pour le gisement d’Eagle Ford. Et ceci correspond bien au modèle de l’huile de schiste en général. Deux points très intéressants apparaissent très clairement:
1. La vitesse à laquelle le pétrole sort des puits nouvellement forés s’est nettement améliorée au cours des cinq dernières années, depuis 2009.
2. Plus de 50% de tout le pétrole de schiste produit par un puits est récupéré au cours des deux premières années de production et la plus grande partie le sera dans les six premiers mois de l’exploitation.

Le premier point – sur les récents progrès technologiques dans la fracturation permettant l’augmentation des rendements – nous éloigne un peu de la thèse selon laquelle l’exploitation du pétrole de schiste constitue une pyramide de Ponzi. Mais cette « distraction » n’est que temporaire. Dans les projections faites par l’Agence américaine de l’énergie (EIA), la progression des progrès de la technologie a été considérée comme étant pratiquement illimitée. Encore plus étonnant, l’EIA estime que les réserves potentielles de pétrole de schiste non encore explorées sont presque aussi illimitées.

Mais la vérité est qu’il existe probablement seulement huit à dix principaux gisements de schiste exploitables aux États-Unis, et qu’ils sont tous en cours d’exploitation intensive en ce moment. Mark Papa, l’ancien PDG de EOG Resources, l’un des producteurs d’hydrocarbures de schiste de premier plan, faisait remarquer au moment de son départ que la totalité des gisements de schiste les plus rentables aux États-Unis étaient déjà en cours d’exploitation.

Ce que nous voyons de la production américaine d’aujourd’hui est le résultat de la meilleure technologie mise en œuvre avec les meilleurs investissements opérés dans les meilleurs gisements que le pays puisse offrir. Et l’efficacité et les progrès technologiques dans les forages de pétrole de schiste ne pourront dépasser cette limite physique.

En fin de compte, et beaucoup plus tôt que la plupart des analystes ne le croient, la production américaine de schiste sera composée de puits toujours moins productifs, de plus en plus chers à exploiter, avec un retour sur investissement plus tardif et une production de pétrole en diminution. L’EIA estime que rien de tel ne se produira pendant au moins les 25 prochaines années. Je pense que le pic de schiste potentiel sera atteint dans les 10 prochaines années, s’il ne l’a pas déjà été – et c’est alors que la pyramide commencera à s’effondrer.

Aller plus loin en (re)lisant :

et nos pages « économie »

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chantal jouanno gaz de schisteNous republions, in extenso et avec ses aimables encouragements, le billet de Chantal Jouanno paru sur son blog le 26 septembre 2014. Chantal Jouanno, Haut Fonctionnaire de l’État Français et Sénatrice de Paris depuis 2011 a été Présidente de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Secrétaire d’État à l’Écologie du gouvernement Fillon III, elle a ensuite été Ministre des sports.
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La droite conservatrice relance régulièrement le débat sur le « gaz de schiste » – le terme exact est hydrocarbures non conventionnels. L’Eldorado du « gaz de schiste » serait une solution économique d’avenir bloquée par l’idéologie rétrograde des écologistes. Dans ce débat où deux idéologies conservatrices et démagogiques s’affrontent, un peu d’éclairage s’impose.
J’invite chacun à consulter les perspectives de l’Agence internationale de l’Énergie de Novembre 2013 et les rapports de Bloomberg New Energy Finance, deux organisations qui ne peuvent être suspectées d’idéologie écologique.

La première réalité est que l’exploitation des « gaz de schiste » en France est parfaitement incompatible avec l’objectif de lutte contre les changements climatiques.

Les émissions de gaz à effet de serre du « gaz de schiste » dépassent celle des puits conventionnels puisque chaque puits perd jusqu’à 8 % de méthane, une réalité souvent occultée. De fait, la baisse des émissions de CO2 des États-Unis a été plus que compensée par la hausse des émissions de méthane. En deuxième lieu, le gaz de schiste pourrait avoir un impact favorable pour remplacer le charbon s’il était utilisé dans des centrales performantes pour produire de l’électricité. Or, il est en majorité utilisé pour le chauffage individuel. Enfin, la chute du prix du charbon générée par le fort développement des gaz de schiste a favorisé son développement notamment en Europe mais également aux États-Unis. L’EIA a annoncé en janvier 2014 que les émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie aux États-Unis avaient progressé de 2 %.
Les « gaz de schiste » ont encore moins d’intérêt écologique en France. A quoi peuvent servir les « gaz de schiste » ? A produire de l’électricité ou de la chaleur. Or, notre mix énergétique électrique est fortement décarboné et nous nous orientons vers de la chaleur dite renouvelable. Exploiter les « gaz de schiste » se traduirait par une hausse de nos émissions de gaz à effet de serre. En outre, les « gaz de schiste » entreraient directement en concurrence avec les énergies renouvelables. Pourquoi devrions nous orienter l’argent public vers les « gaz de schiste » plutôt que les énergies renouvelables ?

Il est politiquement possible de considérer que la lutte contre les changements climatiques est une lubie, que les 2500 scientifiques du Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) n’y connaissent rien et qu’un « homme politique providentiel » sait tout. Il est aussi possible de considérer que les changements climatiques ne sont pas un sujet pour la France, que les conséquences toucheront les pays les plus pauvres et que les pays riches s’accommoderont volontiers de ces inégalités.

On peut alors considérer que l’argument économique suffit à légitimer l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Malheureusement, les vertus économiques des « gaz de schiste » semblent bien fragiles.

Aux Etats-Unis, depuis 2013, les compagnies pétrolières ont réduit de moitié leurs investissements dans les pétroles et gaz non conventionnels. 26 des 61 compagnies exploitantes ont mis la clé sous la porte. Ces exploitations sont en effet fortement productives les deux premières années mais s’épuisent en 6 ans en moyenne. Il faut par conséquent régulièrement forer de nouveaux puits, plus couteux.
Plus encore, à production égale, un puits couterait deux à trois fois plus cher en Europe qu’aux Etats Unis. Notre manque d’expertise, notre manque d’infrastructures, et surtout les réalités physiques de la France rendent peu rentables ce type d’exploitation. Les roches susceptibles de contenir des huiles ou des gaz de schiste se situent dans le bassin parisien et dans le sud-est de la France. La première zone se caractérise par sa forte densité de population, peu compatible avec ces exploitations. La deuxième zone se caractérise par son manque d’eau, élément indispensable à la fracturation. Plus encore, nous ne disposons pas des réseaux et des canalisations nécessaires.
L’Eldorado économique est d’autant plus théorique que nous n’avons aucune idée des réserves que contiennent nos sous-sols. Les chiffres merveilleux s’avèrent être des leurres. En Californie, où se situent les deux tiers des réserves, les estimations initiales étaient de 13,7 milliards de barils. Elles sont estimées aujourd’hui à 600 millions de barils….

Mon intégrité politique est de rester fidèle à mes engagements écologiques qui fondent ma présence politique. Les changements climatiques sont le plus grand défi à venir. Notre responsabilité politique est d’engager les investissements publics pour préparer l’avenir, pas pour le détruire. Les choix de court terme, et la tentation de la démagogie, sont une erreur historique. Et si vous doutez encore, vous pouvez aussi lire le dernier ouvrage de Jeremy Rifkin.

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global frackdown 11 octobre 2014 -

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(!) Info minute – Revue de Presse

Article de Myret Zaki rédactrice en chef adjointe de Bilan, paru le 3 septembre 2014 dans Bilan . ch et republié ici avec son aimable autorisation.

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Myret Zaki – Bilan.ch

Depuis cet été, des experts mettent sérieusement en doute le bien-fondé économique de la fracturation hydraulique. «La production des puits décline si rapidement aux États-Unis qu’ils ne seront jamais rentables», dit l’expert Tim Morgan dans un article intitulé «Gaz de schiste, la bulle internet de notre temps», paru le 4 août dans le Telegraph. Responsable global de la recherche chez le courtier en énergie Tullett Prebon jusqu’en 2013, il estime que la fracturation, ou fracking, est une absurdité économique.

«Quand les investisseurs le réaliseront, conclut-il, cette industrie s’effondrera.» Malgré la frénésie spéculative qui l’entoure, ce secteur n’a jamais été rentable en sept ans d’activité. Comme la bulle «dotcom», la «story» du gaz de schiste américaine a été montée en épingle par les banques, sous de beaux slogans comme «Saudi America», qui font rêver moins d’investisseurs.

Banques et opérateurs se paient en amont sur une story surfaite

Comme lors de la bulle internet ou subprime, on investit dans un feu de paille: les producteurs de gaz de schiste touchent une commission initiale très élevée, lèvent d’importants capitaux pour construire les puits, grâce à Wall Street qui vend avec fracas et promesses chiffrées les titres cotés de ces entreprises, telles Devon, Exxon, Chevron, Linn, EOG, ou Boardwalk Pipeline Partners (qui au passage ont toutes très nettement sous-performé l’indice S&P 500 sur deux ans comme sur cinq ans).

ponziPendant ce temps, les puits sont exploités à perte, d’autres, tout aussi éphémères, sont construits. De nombreux sites sont abandonnés, sans même avoir été nettoyés, les opérateurs gardant leurs profits et externalisant ces coûts au contribuable. Entre-temps, les banquiers ont touché leurs bonus sur les ventes des titres.

La faiblesse du modèle vient de ce que ces puits coûtent le double des puits Marcellus déclin de productionclassiques, tandis que leur production décline six fois plus vite: elle peut chuter de 60% ou plus après douze mois, comparé à 7-10% pour un puits classique. De sorte que la production américaine n’est pas compétitive face à celle du Golfe, de la Norvège ou de la Russie. Trop coûteuse, elle peine à être rentable à 100 dollars le baril, un prix pourtant très élevé, et n’a vraiment d’intérêt qu’à partir de 120 dollars.

Ne parlons pas d’un baril à 90 dollars – chose qui peut arriver au moindre ralentissement chinois – et qui mettrait la plupart des producteurs américains en péril, estime Jonathan Stern, de l’Oxford Institute of Energy Studies, qui note que «déjà à 100 dollars certains sont en difficultés financières». Les investisseurs commencent à réaliser que le cash-flow net du fracking américain a été négatif année après année, que nombre d’acteurs sont surendettés, non viables, et que de grands noms ont déjà quitté le secteur.

Tim Morgan prévoit que le shale américain va culminer en 2017-2018, puis s’effondrer. L’IEA, plus optimiste, situe le pic en 2019, et voit les États-Unis rester numéro un mondial du secteur jusqu’à 2030.

Arthur Berman, géologue texan et consultant en énergie, et David Hughes, géologue canadien, ne croient pas aux estimations de l’IEA, et qualifient eux aussi cette révolution de bulle, au moment où une bonne partie de la «story» s’est déjà dégonflée: les estimations de 2011 des réserves économiquement récupérables du gaz de Monterey en Californie ont été récemment révisées à la baisse de 96% (!!) par le Département américain de l’énergie; en Pologne, le forage de 30 à 40 puits n’a débouché sur aucune production significative; et contrairement à ce qu’annonçait en grande pompe David Cameron à Davos en janvier 2014, le British Geological Survey révèle qu’il n’y a pas de réserves significatives de gaz au sud de l’Angleterre, mais des réserves limitées d’huile de schiste, difficiles à exploiter.

Alors que la «story» enflera peut-être encore 18 à 24  mois, des investisseurs crédules vont encore y placer leur argent. Or c’est à présent qu’il faut sortir, et non quand le «boom» sera 100% requalifié de «bulle».

Lien original de l’article paru dans Bilan . ch

(!) Info minute – Revue de Presse

par Thomas Porcher et Jacques Thibiéroz (1)

L’Académie des sciences vient de publier un avis sur le gaz de schiste. Qui prend pour argent comptant les promesses américaines et ignore la réalité économique.

academie des sciences gaz de schisteDans un avis publié le 15 novembre, l’Académie des sciences préconise un « effort de recherche national » sur le gaz de schiste et assure que « les conséquences positives pour l’économie qui pourraient résulter, pour la France, d’un développement des gaz et huiles de roche-mère sont trop importantes dans la situation de crise actuelle pour qu’on puisse rejeter a priori, sans examen attentif, cette ressource potentielle ».

Le document aborde la plupart des points les plus inquiétants : la pollution des nappes phréatiques, le manque d’étanchéité des forages, la consommation d’eau, la dispersion dans l’eau et dans l’air du fluide de fracturation à l’aller comme au retour, les nuisances accompagnant les chantiers, la sismicité induite… Pour chaque sujet, des solutions sont avancées qui pourraient répondre à certaines craintes. Toutefois, plusieurs arguments montrent les limites de l’exercice, notamment un certain nombre d’affirmations cristallisant tous les biais cognitifs propres aux pro-gaz de schiste.

Dès l’introduction, les auteurs rappellent que la question du gaz de schiste mérite d’être examinée pour « réduire la facture énergétique » et « stimuler la compétitivité de l’économie ». L’analyse est remplacée par une application trop rapide de l’expérience américaine. Alors qu’ils reconnaissent plus loin dans le texte ne pas bien connaître la « ressource » et par conséquent le coût d’extraction, les auteurs partent du principe que l’exploitation du gaz de schiste ferait baisser les prix du gaz.

Or, il est possible que le coût d’extraction soit en France supérieur au prix du marché, comme semblent l’indiquer les estimations du BNEF (Bloomberg new energy finance) dans le cas du Royaume-Uni (coût d’extraction compris entre 7 et 12 $ par million de BTU avec un prix du marché à 10 $). Dans ce cas, il n’y a pas d’avantage économique à extraire ce gaz.

Il faut également prendre en compte les spécificités du marché du gaz européen. C’est un marché plus rigide qu’aux États-Unis notamment à cause des contrats de long terme (de dix à trente ans) avec les pays fournisseurs. Ces contrats indexent le prix du gaz sur le prix du pétrole. Certes, ils intègrent aujourd’hui une plus grande part du marché spot, de l’ordre de 46%, mais quel serait l’impact sur le prix du gaz si d’un côté le prix du marché spot baisse et de l’autre, le prix du pétrole augmente – comme c’est le cas depuis 2004 ? Personne dans la littérature scientifique n’a encore répondu à cette question.

D’ailleurs, dans les conditions de fonctionnement du marché du gaz européen, un « surcroit d’indépendance sans indépendance totale » n’aurait pas d’impact sur les prix en France, puisque même en supposant que le gaz de schiste soit moins cher que le gaz importé, dans un contexte de demande captive, le prix final du gaz sur le marché s’aligne toujours sur le prix le plus élevé.

Par conséquent, si le prix du gaz ne baisse pas – à cause du coût d’extraction ou des rigidités du marché – il n’y pas d’emplois induits, ni de compétitivité améliorée ou de renaissance de la chimie, et le gaz de schiste perd tout son sens d’un point de vue économique. Or, les auteurs prennent comme postulat les effets bénéfiques du gaz de schiste sur l’économie pour ensuite construire leur argumentation sur la nécessité de développer la recherche.

La principale erreur de l’analyse est d’ailleurs de ne pas considérer l’articulation entre exploitation propre, coût d’extraction et prix. Or, dans des conditions géologiques similaires, plus l’exploitation est faite dans des conditions respectant l’environnement, plus le coût d’extraction augmente et moins le prix du gaz a de chance de baisser.

Autre certitude avancée par l’avis de l’Académie : l’hypothèse de ressources considérables en France en reprenant le chiffre de 5 100 milliards de m3 de gaz – plus de cent années de consommation – annoncé par l’Agence d’Information sur l’Énergie américaine (EIA). Il est étonnant qu’une assemblée qui se veut scientifique se borne à répercuter une valeur aussi approximative, et va même jusqu’à parler de « réserves ». Si les mots ont un sens, ce terme s’applique aux quantités accessibles (volumes, teneurs, taux de récupération) mises en évidence par des travaux miniers.

Mais en France, faute d’exploration, les réserves sont, à ce jour, nulles ; avancer ce chiffre laisse supposer d’entrée de jeu qu’elles sont considérables. De plus, l’appel aux géologues « pour travailler à une évaluation des réserves » est illusoire, car dans les faits, seuls les opérateurs pétroliers ont la capacité financière et technique de déterminer de telles réserves.

Enfin, l’Académie évoque l’intérêt du gaz naturel pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, en le substituant au charbon dans les centrales électriques thermiques. Intérêt tout relatif concernant le gaz de schiste qui, lorsque l’on cumule l’énergie dépensée à le produire et les fuites de méthane, atteint l’impact du charbon (Howarth et al., 2011).

D’ailleurs, l’importance du méthane vient d’être réévaluée par le 5ème rapport du GIEC : la part du méthane dans le forçage radiatif de la terre a doublé depuis 2007 et représente le tiers du total de l’action des gaz émis par l’homme. Et cela risque de s’aggraver avec l’essor mondial du gaz de schiste.

Certains diront que nous ne pourrons vérifier ces « certitudes » qu’en effectuant de la recherche et de l’exploration comme le préconise l’Académie des sciences avec la mise en place d’un vaste programme de recherche, indépendant et pluridisciplinaire, sur le gaz de schiste. Se pose alors la question du coût de ces recherches et de leur financeur. Dans le cadre légal actuel, un financement par une compagnie privée parait difficilement envisageable. Sauf si l’exploration a un autre but : influencer l’opinion publique et accélérer les processus de décisions politiques au moyen d’estimations « énormes » de réserves. Reste un financement public.

Mais dans un contexte où l’État annonce un objectif d’économie de 14 milliards d’euros, une question reste en suspens : n’existe-t-il pas en France d’autres secteurs, plus porteurs économiquement que le gaz de schiste ou plus utiles socialement, ayant plus de légitimité à obtenir ces financements ?

Publié le 5/12/2013 par Reporterre (repris ici avec l’accord de Th.Porcher)

Thomas Porcher est professeur à l’ESG-MS et l’auteur du Mirage du gaz de schiste (éd. Max Milo).

Jacques Thibiéroz est géologue et maître de conférences (e.r.) à l’UMR Sisyphe, Université Pierre et Marie Curie.