Pourquoi les « gaz de schiste » sont une promesse démagogique et une vision politique à court terme

Publié: 9 octobre 2014 dans énergie climat, forage d'hydrocarbures, gaz de schiste
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(!) Info minute – Revue de Presse

chantal jouanno gaz de schisteNous republions, in extenso et avec ses aimables encouragements, le billet de Chantal Jouanno paru sur son blog le 26 septembre 2014. Chantal Jouanno, Haut Fonctionnaire de l’État Français et Sénatrice de Paris depuis 2011 a été Présidente de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Secrétaire d’État à l’Écologie du gouvernement Fillon III, elle a ensuite été Ministre des sports.
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La droite conservatrice relance régulièrement le débat sur le « gaz de schiste » – le terme exact est hydrocarbures non conventionnels. L’Eldorado du « gaz de schiste » serait une solution économique d’avenir bloquée par l’idéologie rétrograde des écologistes. Dans ce débat où deux idéologies conservatrices et démagogiques s’affrontent, un peu d’éclairage s’impose.
J’invite chacun à consulter les perspectives de l’Agence internationale de l’Énergie de Novembre 2013 et les rapports de Bloomberg New Energy Finance, deux organisations qui ne peuvent être suspectées d’idéologie écologique.

La première réalité est que l’exploitation des « gaz de schiste » en France est parfaitement incompatible avec l’objectif de lutte contre les changements climatiques.

Les émissions de gaz à effet de serre du « gaz de schiste » dépassent celle des puits conventionnels puisque chaque puits perd jusqu’à 8 % de méthane, une réalité souvent occultée. De fait, la baisse des émissions de CO2 des États-Unis a été plus que compensée par la hausse des émissions de méthane. En deuxième lieu, le gaz de schiste pourrait avoir un impact favorable pour remplacer le charbon s’il était utilisé dans des centrales performantes pour produire de l’électricité. Or, il est en majorité utilisé pour le chauffage individuel. Enfin, la chute du prix du charbon générée par le fort développement des gaz de schiste a favorisé son développement notamment en Europe mais également aux États-Unis. L’EIA a annoncé en janvier 2014 que les émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie aux États-Unis avaient progressé de 2 %.
Les « gaz de schiste » ont encore moins d’intérêt écologique en France. A quoi peuvent servir les « gaz de schiste » ? A produire de l’électricité ou de la chaleur. Or, notre mix énergétique électrique est fortement décarboné et nous nous orientons vers de la chaleur dite renouvelable. Exploiter les « gaz de schiste » se traduirait par une hausse de nos émissions de gaz à effet de serre. En outre, les « gaz de schiste » entreraient directement en concurrence avec les énergies renouvelables. Pourquoi devrions nous orienter l’argent public vers les « gaz de schiste » plutôt que les énergies renouvelables ?

Il est politiquement possible de considérer que la lutte contre les changements climatiques est une lubie, que les 2500 scientifiques du Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) n’y connaissent rien et qu’un « homme politique providentiel » sait tout. Il est aussi possible de considérer que les changements climatiques ne sont pas un sujet pour la France, que les conséquences toucheront les pays les plus pauvres et que les pays riches s’accommoderont volontiers de ces inégalités.

On peut alors considérer que l’argument économique suffit à légitimer l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Malheureusement, les vertus économiques des « gaz de schiste » semblent bien fragiles.

Aux Etats-Unis, depuis 2013, les compagnies pétrolières ont réduit de moitié leurs investissements dans les pétroles et gaz non conventionnels. 26 des 61 compagnies exploitantes ont mis la clé sous la porte. Ces exploitations sont en effet fortement productives les deux premières années mais s’épuisent en 6 ans en moyenne. Il faut par conséquent régulièrement forer de nouveaux puits, plus couteux.
Plus encore, à production égale, un puits couterait deux à trois fois plus cher en Europe qu’aux Etats Unis. Notre manque d’expertise, notre manque d’infrastructures, et surtout les réalités physiques de la France rendent peu rentables ce type d’exploitation. Les roches susceptibles de contenir des huiles ou des gaz de schiste se situent dans le bassin parisien et dans le sud-est de la France. La première zone se caractérise par sa forte densité de population, peu compatible avec ces exploitations. La deuxième zone se caractérise par son manque d’eau, élément indispensable à la fracturation. Plus encore, nous ne disposons pas des réseaux et des canalisations nécessaires.
L’Eldorado économique est d’autant plus théorique que nous n’avons aucune idée des réserves que contiennent nos sous-sols. Les chiffres merveilleux s’avèrent être des leurres. En Californie, où se situent les deux tiers des réserves, les estimations initiales étaient de 13,7 milliards de barils. Elles sont estimées aujourd’hui à 600 millions de barils….

Mon intégrité politique est de rester fidèle à mes engagements écologiques qui fondent ma présence politique. Les changements climatiques sont le plus grand défi à venir. Notre responsabilité politique est d’engager les investissements publics pour préparer l’avenir, pas pour le détruire. Les choix de court terme, et la tentation de la démagogie, sont une erreur historique. Et si vous doutez encore, vous pouvez aussi lire le dernier ouvrage de Jeremy Rifkin.

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global frackdown 11 octobre 2014 -

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