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(!) Info minute – Revue de Presse

Malgré l’opposition massive des citoyens européens au gaz de schiste, la Commission Européenne persiste dans la direction opposée. Après avoir exempté ces activités d’études d’impact environnemental spécifiques, elle met en place aujourd’hui un « réseau » d’experts largement dominé par les industriels et les gouvernements favorables au gaz de schiste.

Selon les Amis de la terre Europe et le Corporate Europe Observatory, qui publient aujourd’hui une étude à ce sujet, sur 60 membres confirmés de ce réseau [1], 40% travaillent pour des entreprises comme Total, GDF Suez ou Shell, directement impliquées dans le gaz de schiste, ou pour des lobbies du secteur pétrolier et gazier [2]. Ceux qui représentent la société civile, en revanche, se comptent sur les doigts d’une main. Le reste est constitué soit de scientifiques dont la majorité est liée financièrement à l’industrie, soit de représentants de bureaux publics de recherche géologique, dont les intérêts sont souvent étroitement alignés sur ceux des promoteurs du gaz de schiste.

Le « réseau européen scientifique et technologique européen sur l’extraction des hydrocarbures non conventionnels » [3] a pour mission officielle de collecter desconsultation gaz de schiste informations sur les développements du gaz de schiste en Europe et d’évaluer les technologies utilisées pour extraire les ressources non conventionnelles, autrement dit la fracturation hydraulique et ses alternatives potentielles (pour l’instant totalement chimériques). Le tout, selon la Commission, dans le cadre d’un « échange d’idées équitable et équilibré ». L’une des cinq personnes désignées par la Commission pour présider les groupes de travail du « réseau », le Polonais Grzegorz Pieńkowski, se montre plus franc dans un entretien avec un magazine professionnel : « La mise en place [de ce réseau] est un pas en vue de renverser l’attitude défavorable ou soupçonneuse envers le gaz de schiste qui prévaut en Europe en une attitude plus pragmatique et, en dernière instance, favorable. »

Dans le cadre de la consultation publique organisée par la Commission européenne en 2013, 64% des participants estimaient que le gaz de schiste ne devait absolument pas être développé en Europe

La cause pouvait pourtant sembler entendue. Les sondages réalisés au niveau européen démontrent que l’immense majorité des personnes interrogées sont opposées au développement du gaz de schiste sur le continent [4]. Les quelques pays dont les gouvernements sont ouvertement favorables à cette industrie – la Pologne et le Royaume-Uni notamment – ont été abandonnés des multinationales pétrolières et gazières, ou sont sur le point de l’être, en raison des résistances locales et de campagnes d’exploration décevantes (voir cet article).

Passage en force

La Commission européenne s’est déjà trouvée à nombreuses reprises sous le feu des critiques pour avoir mis en place des groupes d’« experts » dominés par les intérêts Grand-Marche-Transatlantique_Illustration TAFT TTIPindustriels, que ce soit dans le domaine des OGM, des perturbateurs endocriniens, de la régulation de la finance, ou de la pollution de l’air. Ce qui ne l’empêche pas de récidiver aujourd’hui avec le gaz de schiste. Elle a directement sélectionné les cinq présidents des groupes de travail : on y retrouve deux représentants d’entreprises pétrolières et gazières (ConocoPhillips et Cuadrilla), deux représentants de gouvernements pro-gaz de schiste (Royaume-Uni et Pologne) et le Français François Kalaydjian, employé d’une organisation de recherche française liée à l’industrie et connue pour ses prises de positions favorables aux énergies fossiles, l’Institut français du pétrole [5].

Au final, une large majorité des membres du réseau, soit en personne soit à travers les entreprises, gouvernements et organisations qu’ils représentent, se sont déjà fait remarquer par leurs prises de position favorables au gaz de schiste ou par leurstop tafta opposition à des régulations trop strictes de ces activités. Interpellé par les associations, le Joint Research Center (JRC), dont la mission est de coordonner les groupes d’experts de la Commission européenne, se content de jouer avec les mots : comme il ne s’agit pas d’un groupe officiellement chargé de « conseiller » la Commission, mais seulement de rassembler des informations, il ne serait pas sujet aux normes d’équilibre et d’indépendance requises pour les autres groupes d’experts. De sorte que le JRC ne voit « aucune raison de modifier les règles ou la structure des groupes de travail ou leurs présidents ».

« Sous couvert de mettre en place un ‘réseau scientifique et technologique’, la Commission utilise des fonds publics pour créer un lobby favorable à l’industrie pétrolière et gazière, dénoncent les Amis de la terre Europe et le Corporate Europe Observatory. Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que malgré l’opposition massive du public, la Commission cherche une nouvelle fois à faire entrer discrètement le gaz de schiste par la porte de derrière, en essayant de faire en sorte que la question ne soit pas ‘si’ l’Europe veut la fracturation hydraulique, mais ‘comment’. »

Retrouver l’article source sur le site de l’observatoire des multinationales

[1] Le réseau compte 74 membres officiels, mais 14 sont des employés de la Commission européenne.
[2] L’Union française des industries pétrolières (UFIP) a deux représentants, dont Jean-Louis Schilansky, par ailleurs président du « Centre de documentation sur les hydrocarbures non conventionnels », le lobby récemment créé par les entreprises françaises intéressées au développement du gaz de schiste.
[3] European Science and Technology Network on Unconventional Hydrocarbon Extraction. Voir ici.
[4] Un baromètre européen de janvier 2013 montrait par exemple que seuls 9% des personnes interrogées estimaient que la production d’hydrocarbures non conventionnels devaient être priorisée. Dans le cadre de la consultation publique organisée par la Commission européenne elle-même en 2013, 64% des participants estimaient que le gaz de schiste ne devait absolument pas être développé en Europe, et 20% supplémentaires qu’il ne devait être développé qu’à conditions que des garanties sanitaires et environnementales suffisantes soient en place.
[5] Rebaptisé Institut français du pétrole – énergies nouvelles (IFP-EN) pour faire bonne mesure, mais selon François Kalaydjian, les « énergies nouvelles » semblent surtout se référer aux divers moyens de prolonger la vie des énergies fossiles, voir ici.

Révision du code minier : Pétition                                                        (!) Info minute – Revue de Presse

26 mai 2014 Observatoire des multinationales par Olivier Petitjean

Si les problèmes environnementaux associés à la fracturation hydraulique ne suffisaient pas déjà, ce sont désormais aussi les bienfaits économiques allégués du gaz de schiste qui apparaissent comme un mirage. Ce qui n’empêche pas les multinationales pétrolières et gazières d’en faire la promotion aux quatre coins du monde. Malgré le caractère quasi spéculatif de ces projets, ils bénéficient des financements et du soutien de nombreuses institutions financières – parmi lesquelles les grandes banques françaises. Interpellées par les Amis de la terre, les banques concernées se cachent derrière leur petit doigt. Une attitude qui contraste avec les initiatives prises dans d’autres pays, comme les Pays-Bas.

gaz de schiste les banquesMême si la France a fermé la porte au gaz de schiste sur son territoire, ses entreprises ne se privent pas d’en faire la promotion en Europe et ailleurs, et d’y investir des ressources parfois considérables. C’est le cas, bien sûr, pour les grands opérateurs gaziers, Total et GDF Suez, et pour les fournisseurs traditionnels du secteur des hydrocarbures. Mais c’est aussi le cas des banques. Selon une étude réalisée pour le compte des Amis de la terre Europe, dont nous avons pu prendre connaissance en exclusivité, les banques françaises figurent en bonne place parmi les institutions financières les plus actives dans le financement du gaz de schiste dans le monde.

Au vu du caractère extrêmement controversé de l’industrie des gaz et pétrole de schiste, on aurait pu s’attendre à un peu plus de prudence. La seule technique d’extraction viable à ce jour est la fracturation hydraulique, facteur de pollution des nappes phréatiques et d’aggravation des risques sismiques. Outre ces impacts locaux, l’attention se porte de plus en plus désormais sur les conséquences de l’extraction des hydrocarbures de schiste pour la pollution de l’air et pour le climat. Plusieurs études récentes ont montré que la fracturation hydraulique occasionne d’importantes émissions de méthane, un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le CO2. Et le gaz ou le pétrole extraits restent, en eux-mêmes, des sources d’énergie fossile, émettrices de carbone.

Le rapport commissionné par les Amis de la terre Europe identifie les banques et autres institutions financières qui soutiennent 17 entreprises actives dans la prospection et l’exploitation de gaz de schiste au niveau mondial, parmi lesquelles les majors Total, Shell et Chevron, les firmes pétrolières nord-américaines Cuadrilla, Marathon Oil et Talisman Energy, ou encore l’argentine YPF et la polonaise PGNiG. L’étude prend en compte différentes formes d’implication financière des banques dans les entreprises concernées (prêts, souscriptions d’actions ou d’obligations, garantie d’émission d’actions ou d’obligations) et évalue cette implication selon une échelle graduée : faible, moyenne ou haute.

Les grandes institutions financières françaises – BNP Paribas, Société générale, Amundi, Axa et Crédit agricole – non seulement financent toutes sans exception des entreprises actives dans le gaz de schiste, mais elles figurent aussi souvent parmi les plus impliquées dans le secteur, aux côtés de banques telles que Citi ou UBS. Les firmes polonaises, PGNiG et PKN Orlen, sont les premières bénéficiaires des largesses financières françaises : l’implication de BNP Paribas et de la Société générale dans ces deux entreprises est qualifiée de « haute » [1]. Mais c’est aussi le cas de firmes nord-américaines, très actives dans la promotion du gaz de schiste dans plusieurs pays, comme Marathon Oil [2] et Talisman Energy [3]. Les institutions financières françaises soutiennent également le développement du gaz de schiste en Argentine et en Afrique du Sud via leur implication dans, respectivement, les firmes Repsol et Sasol. Enfin, elles sont évidemment très présentes aussi aux côtés de Total, pour des sommes encore plus considérables [4].

Les critères sociaux et environnementaux mis en place par les banques sont-ils crédibles ?

Les Amis de la terre Europe ont écrit aux banques et compagnies d’assurances concernées pour les interpeller sur les risques du gaz de schiste et leur demander de se désengager du secteur. Seule la Société générale n’a pas daigné leur répondre. La réponse d’Amundi résume l’attitude générale : « Amundi (…) est particulièrement sensible aux questions environnementales et plus largement à l’ensemble des critères ESG (Environnemental, Sociétal, Gouvernance). Elle en tient compte dans ses processus d’analyse et de choix d’investissement (…) [Or] la notation résultant de nos critères d’analyse n’exclut pas à ce jour PGNiG de notre univers d’investissement. » Bref : ne vous inquiétez pas, nous avons déjà mis en place tous les critères de « responsabilité » et de « durabilité » nécessaires, vous n’avez qu’à nous faire confiance même si nous ne vous en dirons pas plus.

De la même manière, BNP Paribas affirme être « parfaitement conscient des risques et opportunités relatif [sic] à cette activité », ayant participé aux côtés d’autres institutions financières à l’élaboration d’un « guide pour les financiers », intitulé « Shale gas exploration and production : lire la suite ici

Cette semaine en Rhône-Alpes: Agenda ici                                                                            (!) Info minute
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Tribune de Jean-François Julliard, Directeur général de Greenpeace France, publiée ici avec son accord . Publié dans Libération le 28/11/2012

Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls ont au moins raison sur un point : nous n’avons pas la même vision du monde. Mettre au point une nouvelle technique pour exploiter les hydrocarbures de schistes, fermer une centrale nucléaire pour en ouvrir une autre ou augmenter la consommation d’énergie ne correspond pas à notre définition de la transition énergétique. Non. Pour Greenpeace, cette transition est l’occasion de redéfinir en profondeur notre manière d’utiliser et de produire l’énergie dont nous avons besoin. Et cela passe avant tout par la maîtrise de la consommation et un système de production nouveau, décentralisé et adapté aux sources d’énergie de demain, les renouvelables. Le gouvernement doit saisir l’opportunité de se doter au plus vite d’un outil énergétique moderne, propre et efficace. Cette transition est plus que jamais une nécessité. Tous les signaux sont au rouge : fonte record de la banquise en Arctique, prévisions climatiques  catastrophiques avec un réchauffement prévisible de 4° voire 6°. Même la Banque mondiale – institution peu réputée pour sa sensibilité écolo – s’en inquiète et tire la sonnette d’alarme.

Mais en France, l’environnement est vécu comme un boulet aux pieds du  redressement productif. La crise est là et il faut d’abord s’occuper d’elle, réduire le déficit. Les enjeux écologiques sont relégués au rang de sujets mineurs, dont on s’occupera plus tard… un jour peut-être.

Chez nous, on s’occupe du dérèglement climatique en s’acharnant – à coups de grenades lacrymogènes – à construire un aéroport. Notre-Dame-des-Landes est une aberration climatique et économique. L’aboutissement de ce projet ne réglera rien à la crise que traverse le pays mais en revanche il éteindra les dernières étincelles écologiques de ce gouvernement.

En clôture de la conférence environnementale, en septembre dernier, Jean-Marc Ayrault lançait pourtant que l’environnement devait cesser d’être considéré comme « une contrainte » pour aider à la relance économique. Depuis, les mots sont restés des mots. Aucun acte n’a été posé. Au contraire, chaque fois que le gouvernement parle d’environnement c’est pour réduire encore son ambition écologique. Le nucléaire ? Une filière d’avenir. Les gaz de schiste ? Laissons les industriels mettre au

point une technique d’extraction propre. Le transport, premier domaine d’émission de gaz à effets de serre ? Non le sujet ne figure pas à l’ordre du jour du débat sur la transition énergétique. Il sera traité à part, par Frédéric Cuvillier, seul ministre à refuser de rencontrer les organisations non gouvernementales. Et passons sur l’éolien et le photovoltaïque mis en avant dans tous les discours mais dont les filières industrielles sont volontairement laissées à l’abandon pour ne pas porter ombrage à l’atome tout puissant.

Le débat sur la transition énergétique démarre aujourd’hui. Nous avons annoncé que nous n’y participerons pas. Le ministère nous a proposé d’intégrer le « parlement » de ce débat, organe mêlant syndicats, employeurs, associations et élus pour échanger sur l’avenir de l’énergie en France.

Nous avons travaillé avec les équipes de Delphine Batho pendant des mois. Nous avons formulé des propositions, nous avons posé des questions et… nous n’avons jamais obtenu de réponses satisfaisantes. Pourra-t-on, au cours de ce débat, évoquer la fermeture d’autres centrales que Fessenheim ? Quel rôle joueront les experts associés à ce débat ? Qui opère la synthèse des travaux afin de transformer le débat en une loi qui s’impose à tous ? Autant de questions restées lettre morte. Le coup de grâce a été la nomination, sans aucune concertation, d’un comité de pilotage dont les deux seuls membres représentant le monde économique sont de fervents défenseurs du nucléaire. L’un d’eux a jeté l’éponge depuis mais l’intention du gouvernement reste.

Nous sommes convaincus que ce débat n’aura d’autre utilité que de maintenir le système existant. Le gouvernement va jouer avec le mix énergétique : un peu plus de renouvelables par ci, un peu moins de nucléaire par là, une bonne dose d’hydrocarbures de schistes par-dessus tout ça et le tour est joué. Dans la charte du débat rédigée par le gouvernement, la maîtrise de la consommation et l’efficacité énergétique ne sont même pas évoquées. Dans ces conditions ce sera sans nous. Nous ne voulons pas servir de caution verte à un gouvernement dont nous pensons qu’il a abandonné toute volonté de défendre l’environnement. Quand nos dirigeants seront prêts à amorcer une véritable transition écologique et à faire de l’environnement une formidable opportunité pour notre pays, nous pourrons nous rasseoir à la table des discussions. En attendant, rendez-vous est pris sur le terrain.