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(!) Info minute – Revue de Presse

Le gouvernement fédéral a adopté cette semaine un projet de loi qui doit être soumis au parlement le 8 mai 2015. Il s’agit de maintenir la possibilité pour l’industrie des hydrocarbures de forer à petite échelle et le moment venu de développer un projet industriel … pourtant non rentable s’il n’est pas largement subventionné.

Le cheval de Troie de l’industrie du gaz de schiste

Des chercheurs allemands ont beau expliquer dans une récente étude[1] que l’exploitation des hydrocarbures par fracturation hydraulique en Europe n’est pas rentable, le gouvernement dirigé par la chancelière Merkel cède malgré tout au lobby des gaz de schiste.

Le porte parole Steffen Seibert rendant compte du conseil des ministres déclarait finement que le projet de loi « n’autorise pas ce qui était jusqu’à présent interdit, mais au contraire interdit beaucoup de ce qui était pour l’heure possible, comble des failles juridiques et établit des règles strictes là où il n’y avait pas de règles claires ». On pourrait se réjouir de ces dispositions restrictives si elles n’étaient l’illustration du cheval de Troie que l’industrie pétrolière maintient avec un certain succès dans plusieurs pays européens après avoir rudement bataillé en 2013 et 2014 contre l’instauration d’une directive européenne[2].

Les ministères de l’Énergie et de l’Environnement précisent que le projet de loi allemande « prévoit des interdictions dans certaines régions précises pour des questions de protection de l’eau potable, de la santé et de la nature, ainsi que des restrictions générales pour l’utilisation de la fracturation hydraulique dans les schistes, la glaise, les marnes ou les couches de charbon ». De plus il interdit l’exploitation commerciale de la fracturation hydraulique visant l’extraction des hydrocarbures dits « non conventionnels » dans des roches dures comme les schistes à des profondeurs inférieures à 3000 mètres.

L’industrie va faire mine de gémir sachant pertinemment que ce moratoire pourra être levé lorsque le contexte économique et politique s’y prêtera. En France, la prolongation de concessions et la délivrance de nouveaux permis de recherche ou leur prolongation[3] permet à leurs titulaires de maintenir une présence et de forer à tour de bras dans le bassin parisien. La zone de Champotran[4] en Seine et Marne est un exemple de l’activité en cours où les forages en grande profondeur sont effectués[11]. S’il s’agissait d’attendre un assouplissement des règles ou la délivrance d’autorisations de recherche pour stimuler la roche comme pourrait le permettre la loi de Juillet 2011, on ne s’y prendrait pas autrement.

L’Europe subventionne déjà l’industrie du gaz de schiste

Alors que l’Europe -comme le reste du monde- est face à un défi majeur concernant ses émissions de gaz à effet de serre et tandis que Paris doit accueillir la vingt et unièmeCheval_de_Troie_stop_gaz_de_schiste conférence internationale sur le Climat (COP 21) au mois de décembre 2015, l’industrie des hydrocarbures continue à bénéficier de nouvelles subventions. Dans le cadre du « programme Horizon 2020 » un fonds de recherche européen[5] propose en effet une aide de 113 millions d’euros aux entreprises qui exploitent le gaz de schiste. Autre exemple, en 2014 la société Baltic Ceramics a reçu un financement de 11 millions de dollars de l’Union européenne , et un autre de 4 millions de dollars de fonds publics de la Pologne « pour stimuler l’innovation » dans le cadre du développement d’une usine de production de billes. Cette société prévoit en effet de produire des agents de soutènement en céramique, des billes sphériques minuscules et presque indestructibles qui sont injectées sous terre lors des opérations de fracturation hydraulique mises en œuvre pour libérer les hydrocarbures (pétroles ou gaz de schiste) piégés dans la roche mère[6].

Rappelons qu’aux États-Unis où a eu lieu le « boom du gaz de schiste », la production massive d’hydrocarbures non conventionnels a été possible d’une part parce que la géologie y était très favorable dans un pays gigantesque avec une faible pression démographique mais aussi parce que les pouvoirs public étaient peu regardants sur les pratiques de l’industrie dans une situation très peu règlementée (avec les conséquences sanitaires et environnementales que l’on connaît). Par ailleurs les cadeaux fiscaux faits par les États aux opérateurs du secteur de la production pétrolière et gazière sont autant de subventions qui ont donné l’illusion d’une production économiquement rentable[7].

2017, attention à la reprise !

Malgré les récentes déconvenues des majors en Pologne, en Roumanie, en Ukraine (où les recherches s’avèrent très peu fructueuses et ne confirment pas les espérances d’un « eldorado européen des gaz de schiste », lesquels sont emprisonnés dans des systèmes géologiques capricieux et résistants), l’industrie n’a pas dit son dernier mot. Bien déterminées à essorer tout ce que notre planète contient d’hydrocarbures, et face à la baisse actuelle des cours du pétrole, les grosses compagnies réduisent les opérations à risque (dont la recherche) et débauchent à tour de bras pour continuer de gâter leurs actionnaires. Mais ceci est temporaire et même avec le retour de l’Iran, il est difficile d’imaginer que le pétrole pas cher sera durable.

Si la situation s’avère très tendue voire désastreuse pour certains opérateurs aux États-Unis et alors que la production de pétrole ainsi que le nombre de nouveaux forages commencent à baisser[8], la santé financière des majors reste outrageusement bénéficiaire. Et le secteur est prêt à augmenter la production et relancer les forages dès que l’Arabie Saoudite aura cessé sa pression.

On peut donc imaginer qu’après les élections américaines (dont les candidats sont massivement financés par l’industrie fossile), et quelques soit les engagements des États-Unis en matière d’émissions de carbone et de gaz à effet de serre, que le ou la présidente aura une dette vis-à-vis de ses « mécènes ». Il sera alors de bon ton de répéter des deux côtés de l’Atlantique que « le gaz de schiste est une énergie de transition ».

On peut également penser, et sans faire preuve d’une très grande imagination, que la même chose se prépare pour 2017 en France. En 2011, il a été demandé à l’industrie pétrolière d’être patiente. Une loi d’interdiction de la fracturation hydraulique a étémanifestation-contre-l-exploitation-du-gaz-de-schiste-a-donzere-le-16-avril-2011 votée pour éteindre la contestation. Le lobby du pétrole et du gaz de schiste un peu déçu pensait que « la blague » serait de courte durée mais François Hollande a (jusqu’à présent) maintenu son engagement de ne pas autoriser l’exploitation du gaz de schiste. Il ne serait donc pas surprenant, et quelle que soit l’équipe qui occupera l’Élysée et Matignon, qu’à partir de 2017 l’offensive des pétroliers soit massive. Entre temps, le lobby de l’énergie fossile au premier rang duquel figurent les industriels, travaille déjà à l’acceptation sociale avec la publication de nombreux articles dans les journaux, la mise en fonction de son « centre d’information sur les hydrocarbures non conventionnels » et le « recrutement » de « modèles sociaux » tels que la navigatrice Maud Fontenoy[9]. D’ores et déjà, le marketing social du gaz de schiste est engagé.

Non, les hydrocarbures non conventionnels ne sont pas une énergie de transition[10] !

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[1]  Allemagne, Europe, l’exploitation des hydrocarbures par fracturation hydraulique n’est pas rentable https://stopgazdeschiste.org/2015/03/21/allemagne-europe-lexploitation-des-hydrocarbures-par-fracturation-hydraulique-nest-pas-rentable-etude/
[2] La commission européenne baisse les bras sur les gaz de schiste http://www.euractiv.fr/sections/energie/la-commission-baisse-les-bras-sur-le-gaz-de-schiste-269574/
[3] http://www.romandie.com/news/Petrole-prolongation-dune-concession-du-canadien-Vermilion-en-Gironde/581058.rom/
[4] Voir les pages 13 et 14 du bulletin mensuel de février 2015 du bureau exploration-production des hydrocarbures (BEPH), DGEC du Ministère en charge de l’Énergie et de l’Écologie http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Bull-beph_02_2015.pdf/
[5] L’UE a commencé à subventionner le gaz de schiste http://www.euractiv.fr/sections/energie/lue-commence-subventionner-le-gaz-de-schiste-302801/
[6] Pologne: Une usine de fabrication de billes de céramique pour le fracking en Europe financée par l’Union Européenne https://stopgazdeschiste.org/2014/05/27/pologne-une-usine-de-fabrication-de-billes-de-ceramique-pour-le-fracking-en-europe-financee-par-lunion-europeenne/
[7] Ce qu’on ne dit pas sur le miracle gazier américain http://m.lesechos.fr/redirect_article.php?id=0202464816336/
[8] Chute de la production américaine de pétrole http://petrole.blog.lemonde.fr/2015/04/02/chute-de-la-production-americaine-de-petrole/
[9] Énergie : Jean Jouzel et Corinne Lepage ne partagent pas l’analyse de Maud Fontenoy http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/technologies-de-l-energie-thematique_89428/energie-jean-jouzel-et-corinne-lepage-ne-partagent-pas-l-analyse-de-maud-fontenoy-article_293465/
[10] Pourquoi le gaz de schiste n’est pas une énergie de transition https://stopgazdeschiste.org/pourquoi-le-gaz-de-schiste-nest-pas-une-energie-de-transition/
[11] http://colfertois.canalblog.com/archives/2015/04/04/31833721.html

(!) Info minute – Revue de Presse

Article de Nordine Grim publié le 15.12.2014 sur le site du quotidien El Watan. Nous le reprenons avec l’aimable autorisation de la rédaction.

Depuis que le Conseil des ministres a donné son feu vert à l’exploitation du gaz de schiste dans le Sahara algérien, Sonatrach a entrepris avec une célérité déconcertante les premiers essais de compression à In Salah, où se trouve l’un des plus prometteurs gisements de gaz non conventionnel.

Si le test s’avère concluant, notamment au plan de l’importance des réserves, l’exploitation commerciale de ce puits pilote ne devraitLE PÉTROLE DE SCHISTE AMÉRICAIN RÉDUIT LA MARGE DE L'OPEP pas tarder à être engagée en même temps que l’exploration des gisements potentiels de Hassi Berkine, Gadamès, Timimoun, Reggane et Tindouf, desquels on prétend déjà tirer pas moins de 19 000 milliards de m3 de gaz. Cette précipitation est pour le moins troublante, et l’on se pose la question de savoir pourquoi dans ce contexte de chute vertigineuse des prix d’hydrocarbures l’Algérie s’entête à aller au pas de charge dans cette voie semée d’embûches, plutôt que vers celle, beaucoup plus aisée et gratifiante, des énergies renouvelables (énergie solaire, éolienne) dont le pays regorge.

Il n’échappe aujourd’hui à personne que c’est surtout la France, où l’exploitation du gaz de schiste est interdite, qui pousse l’Algérie à aller dans cette voie, gaz-de-schiste-algerienotamment depuis que la Russie avait menacé à la faveur de la crise ukrainienne de ne plus approvisionner l’Europe en gaz naturel. On se souvient que la première réaction de certains pays d’Europe, parmi lesquels la France, fut de relancer le projet de gazoduc sous-marin Galsi, en veillant à lui assurer les réserves dont l’Algérie risquait de manquer à terme en raison du déclin de sa production et de la consommation intérieure en constante augmentation. Le gaz de schiste avait vocation à pallier ce probable manque de réserves susceptible de nuire aux livraisons de gaz naturel au moyen du Galsi.

La France semble donc avoir eu gain de cause. Les autorités politiques, tout comme les dirigeants de Sonatrach, ont, depuis quelques mois, concentré toute leur énergie dans l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste avec pour objectif de passer, dans les délais les plus courts possibles, à leur commercialisation. Les capitaux qui y seront engagés seront colossaux, à en croire le président de Sonatrach qui promet d’intensifier les investissements dans la filière, l’objectif étant d’atteindre au minimum 30 milliards de m3 à l’horizon 2025.

Mais, à l’excès d’optimisme des officiels algériens, on ne peut qu’opposer un sérieux doute quant à la mise en œuvre d’un projet aussi ambitieux dont l’Algérie, ni du reste la France qui l’a inspiré, n’ont pas du tout l’expérience, aujourd’hui détenue uniquement par les USA et le Canada. Au risque de très graves dangers pour les populations limitrophes et l’environnement, l’exploitation de gaz non conventionnel requiert une technologie et des moyens matériels que les Algériens n’ont pas et que les pays expérimentés ne seront disposés à leur fournir qu’au prix fort. Ce que l’Algérie n’oserait logiquement pas faire dans le contexte de forte baisse des prix des hydrocarbures qu’elle est en train de subir et subira sans doute durablement. A 60 dollars le baril de pétrole, est-il vraiment rentable de se lancer dans la production d’hydrocarbures non conventionnels dont le coût d’extraction dépasserait allègrement le prix commercial actuel.

Quid des énergies renouvelables ?

On s’interroge également sur le fait qu’une question aussi importante que l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels n’ait pas été examsolaireinée par le Conseil national de l’Énergie, ni même donné lieu à un débat parlementaire. Les experts concernés par la question n’ont, par ailleurs, jamais été consultés à en croire le témoignage de l’un d’entre eux. La décision a, de toute évidence, été prise en vase clos par le président de la République et quelques très proches conseillers, avec pour consigne de s’y atteler au plus tôt. Les moyens à déployer dans le cadre de ce périlleux projet et les conséquences négatives qui pourraient résulter de l’exploitation des puits de gaz non conventionnels sont renvoyées aux opérateurs chargés, chacun en ce qui le concerne, de mettre en œuvre cette directive.

Les moyens à mettre en œuvre seront, à l’évidence, très coûteux et à bien des égards peu efficaces compte tenu de notre manque d’expérience, les incidences sur l’environnement très fragile du sud algérien seront, à n’en pas douter, catastrophiques. Nonobstant les énormes quantités d’eau qui en seront pompées pour être injectées dans les roches qui renferment les hydrocarbures à extraire, la nappe phréatique, non renouvelable, pourrait subir d’irrémédiables contaminations occasionnées par divers produits toxiques. Les dégâts environnementaux occasionnés par l’exploitation du gaz de schiste n’est plus à démontrer, il suffit de visionner les nombreux reportages tournés à proximité des puits américains, canadiens et polonais pour s’en convaincre.

Au vu de tous ces risques majeurs que comporte l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, on se pose évidemment la question de savoir pourquoi le gouvernement algérien n’a pas opté pour ce qui paraît être un pari gagné d’avance et à moindre frais, celui des énergies renouvelables.  Le pays dispose pourtant d’atouts indéniables pour construire une industrie prospère de l’énergie renouvelable : un très vaste territoire ensoleillé plus de 15  heures par jour et de nombreuses régions traversées par des vents permanents (Djelfa, M’sila, Naâma, etc.).

De très vastes surfaces de panneaux solaires pourraient y être installées, de même que des milliers d’éoliennes. Contrairement à l’exploitation du gaz de schiste dont les Algériens n’ont aucune expérience, on peut se targuer d’en avoir au moins le minimum dans le domaine des énergies renouvelables et, notamment, l’énergie solaire. De grandes installations existent déjà dans le Sud algérien et de nombreux projets attendent d’être mis en chantier. On ne comprend cependant pas pourquoi le gouvernement algérien manifeste peu d’empressement à aller dans cette voie. Le rejet du projet Desertec et de nombreux autres programmes initiés par des opérateurs publics et privés algériens constitue un bon exemple de la frilosité des autorités algériennes à l’égard des énergies autres que fossiles. 

Nordine Grim