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(!) Info minute – Revue de Presse
Une traduction libre par nos soins de l’article de Chris Mooney paru ven. 15 août 2014 sur Mother Jones . com

fracking_site_usgs marcellus gaz de schisteA la droite de l’échiquier politique américain, il est assez populaire ces jours-ci de prétendre que la gauche exagère les inquiétudes (scientifiques) au sujet de la fracturation hydraulique également appelée «fracking». Par exemple, dans un récent article du National Review , un chercheur de Hoover Institution se plaint que 53% des démocrates en Californie se prononcent pour l’interdiction de la fracturation hydraulique «malgré l’existence de peu ou pas de preuves scientifiques crédibles sur les préjudices causés par la fracturation et les preuves scientifiques irréfutables sur ses avantages environnementaux, y compris la réduction substantielle de la pollution aussi bien au niveau local que mondial».

Il y a encore trois ou quatre ans, un tel positionnement pouvait encore sembler défendable. La préoccupation environnementale majeure concernant la fracturation hydraulique à l’époque était le risque de contamination de l’eau potable lors du processus de « fracking » – un processus consistant à injecter sous terre à des pressions extrêmes de vastes quantités d’eau, du sable et des produits chimiques pour forcer les couches de schiste à s’ouvrir dans les profondeurs de la terre afin d’en libérer le gaz naturel. Mais le discours scientifique était encore assez ambiguë. En fait, la question tournait essentiellement autour de la définition même de la fracturation hydraulique. S’agissant de l’ensemble du méga-processus des forages de gaz «non conventionnels», on sait qu’il a clairement causé la contamination des eaux souterraines, en raison de déversements et de fuites de puits mal cimentés. Mais techniquement, le «fracking» se réfère uniquement à l’ «explosion » provoquée par l’eau et les produits chimiques et non au forage, à l’élimination des déchets, ni aux énormes opérations industrielles qui accompagnent tout cela.

Comment les choses ont-elles évolué. De nos jours, explique Anthony Ingraffea, professeur de génie à l’Université de Cornell, l’argumentation scientifique contre la fracturation hydraulique et les forages de gaz non conventionnel est plus vaste[1]. Il ne s’agit pas uniquement de la contamination des eaux souterraines, mais également au minimum de deux autres problèmes majeurs : les tremblements de terre induits (par ce processus industriel) ainsi que les émissions non contrôlées de méthanes, un puissant gaz à effet de serre.

Dr Ingraffea_ stop gaz de schisteIngraffea appuie ses déclarations sur la base de données scientifiques – qu’il est difficile de ne pas prendre en considération. Prenez les tremblements de terre, par exemple. De l’avis d’Ingraffea, « il existe à présent un consensus scientifique que la sismicité induite par l’homme se produit » à la suite d’un aspect particulier du forage de gaz non conventionnel (à savoir, l’élimination de « l’eau de reflux » chimiquement chargé dans les réservoirs souterrains d’eaux usées, les « puits d’injection »[2]).

Pourtant, Ingraffea n’est pas a priori « l’ennemi scientifique » le plus probable de la fracturation hydraulique. Ses recherches ont été financées par les entreprises et les intérêts de l’industrie, y compris Schlumberger, le Gas Research Institute, General Dynamics, et Northrop Grumman[3]. Sa thèse de doctorat, dans les années 1970, a impliqué l’étude de la «mécanique de fracturation des roches», en d’autres termes, comment les fissures se propagent dans les roches, un domaine de connaissances crucial pour les industries extractives comme celles du pétrole et du gaz. « J’ai passé 20, que dis-je 25 ans à travailler avec l’industrie du pétrole et du gaz … à les aider à trouver la meilleure façon d’obtenir du pétrole et du gaz de la roche», explique Ingraffea.

Mais depuis, il est devenu un critique virulent[4] de l’exploitation du gaz non conventionnel. Il est récemment apparu dans le film Gasland II, et a été reconnu en 2011 par le Time[5] (aux côtés de l’acteur Mark Ruffalo et son collègue Robert Howarth Cornell) pour son travail soulignant les risques environnementaux de l’exploitation du gaz de schiste.

Que s’est-il donc passé? En un mot: la science. Ingraffea se réfère simplement à la science en développement sur les tremblements de terre et les émissions de méthane liée à l’exploitation du gaz non conventionnel. Même si vous n’êtes pas entièrement d’accord avec tout ce qu’il dit, vous trouverez probablement tout cela troublant et agaçant. Prenons ces sujets un par un:

La fracturation hydraulique et les tremblements de terre.

Assez curieusement, la question des tremblements de terre est en fait le sujet scientifique le moins controversée dans le débat sur la fracturation hydraulique. En effet, il semble maintenant clair que l’injection des eaux usées[6] -le stockage souterrain de l’eau et autres produits de la fracturation hydraulique qui remonte ​​des puits après la fracturation, peut contribuer à l’activité sismique. En fait, dans une étude publiée le mois dernier dans Science[7], les chercheurs suggèrent qu’une augmentation spectaculaire de l’activité sismique récente dans l’Oklahoma[8] -petits tremblements de terre de magnitude 5,7 en 2011, est en partie liée à la prolifération des puits d’injection des eaux usées.

Certes, il peut sembler difficile de comprendre (du moins si vous n’êtes pas géologue) comment des puits d’évacuation souterrain peuvent provoquer un tremblement de terre. Ingraffea l’explique de cette manière: «Nous avons agi sur des défauts de stabilité préexistants», dit-il. Les fluides de fracturation « lubrifient ces « défauts » et modifient la pression exercée ». Voici une illustration :

Et pour ce qui concerne le processus de fracturation lui-même? Lui aussi peut causer des tremblements de terre, indique Ingraffea, bien que les tremblements de terre liés à la fracturation hydraulique (par opposition aux puits d’injection) soient plus faibles (« jusqu’à présent« , comme le dit Ingraffea). Quand vous pensez à ce que nous faisons à la Terre, peut-être n’est-ce pas si surprenant. Après tout, l’eau de la fracturation hydraulique est injectée à des «pressions approchant ce que vous obtiendriez si vous empiliez par exemple 10 véhicules sur le bout de votre doigt», ajoute-t-il.

Le Fracking et les émissions fugitives de méthane.

« Peut-être pouvons-nous gérer le problème des tremblements de terre. Évidemment, il serait utile d’arrêter l’injection d’eaux usées près des points de rupture géologique» « Ça pourrait devenir un objectif dans la conception des process d’exploitation» déclare impassible Ingraffea. Cette situation est avant tout liée à un manque de réglementation de la part du département de protection de l’environnement.

Mais il existe un problème potentiel beaucoup plus grave qui est celui des émissions fugitives de méthane lors de l’exploitation du gaz de schiste. C’est d’ailleurs le sujet sur lequel Ingraffea s’est fait un nom dans le débat sur la fracturation hydraulique, et c’est probablement le plus important de tous.

En 2011, Ingraffea et deux autres chercheurs de Cornell University ont publié une étude scientifique[9] très discutée dans la revue Climatic Change, celle-ci faisant valoir que, entre 3,6 et 7,9% du méthane provenant des activités de forage de schiste s’échappent effectivement dans l’atmosphère, où il contribue au réchauffement climatique. Si ceci est vrai, compte tenu de la puissance atmosphérique unique du méthane, le méthane est environ 80 à 90 fois … plus puissant comme un gaz à effet de serre que le dioxyde de carbone» sur une période de deux à trois décennies, dit Ingraffea- alors les conséquences pourraient être dramatiques. Le gaz naturel pourrait basculer de l’avantage net climatique (car sa combustion est plus propre que le pétrole ou le charbon) au préjudice climatique, à cause de tout le méthane qui s’échappe.

Fayeteville_Shale 15673532.smaller_0Certes, tout ceci dépend du taux de fuite de l’exploitation du gaz naturel, à travers les multiples étapes de son processus, de l’extraction initiale du gaz de la Terre, et tout au long de son transport. Et c’est là que se situe le débat. « Chacune des mesures effectuées a conclu que le pourcentage de méthane s’échappant dans l’atmosphère provenant de l’exploitation du pétrole et du gaz est bien supérieure à 2,5% » déclare Ingraffea. « Je pense que la meilleure estimation actuellement se situe autour de 5% » ajoute-t-il, et c’est largement suffisant pour condamner l’idée selon laquelle le gaz naturel est un «carburant de transition » vers un avenir d’énergie propre ».

Ingraffea n’est pas le seul chercheur à suggérer que les fuites de méthane atteignent des niveaux si élevés. Dans une étude[10] publiée en 2013 dans les Actes de l’Académie nationale (américaine) des Sciences, une équipe de chercheurs de deux universités américaines et les laboratoires nationaux ont constaté que le département fédéral de l’environnement (EPA) était en train de sous-estimer les émissions de méthane provenant de l’industrie de l’énergie (que ça soit pour les forages conventionnels ou de gaz de schiste). Dans un autre article publié dans Science[11] plus tôt cette année, les chercheurs ont de nouveau blâmé les mesures de méthane de l’EPA, mais ont néanmoins conclu que le gaz naturel peut encore contribuer à un avenir plus propre si les émissions de méthane font l’objet d’une règlementation et d’une gestion adéquates. (Le groupe d’experts intergouvernemental de l’ONU sur les changements climatiques en arrive au même type de conclusion[12].)

Quel est le vrai problème dans tout ça?

Il est évident que tout le monde ne partage pas l’avis d’Ingraffea. Par exemple, à la fois publiquement[13] et par écrit[14], Ingraffea a régulièrement débattu avec Terry Engelder[15] , professeur de géosciences à l’Université d’Etat de Pennsylvanie, ce dernier faisant valoir que les avantages de l’exploitation du gaz de schiste l’emportent encore sur les risques.

Engelder ne nie pas le problème des émissions fugitives de méthane. Au contraire, son opinion[16] est que «par la maîtrise des fuites et les «green completions[17]» (se réfère à une nouvelle règle de l’EPA qui exigent des exploitants de gaz naturel de capturer les composés organiques volatils sur place plutôt que de les laisser s’échapper dans l’atmosphère, un processus qui selon l’EPA, consisterait à « réduire de manière significative» les émissions de méthane) on pourrait venir à bout de la fuite de méthane dans l’atmosphère. »

Mais à cela Ingraffea rétorque que ce n’est pas assez. Le nouveau règlement, dit-il, ne couvre qu’ »une partie de l’ensemble de la chaine de l’approvisionnement pour le gaz naturel, et elle ne s’applique qu’aux nouveaux puits de gaz, et non pas aux anciens. » De plus, il s’applique uniquement aux puits de gaz, pas aux puits de pétrole qui libèrent également du méthane.

Fort de l’accumulation des preuves scientifiques, Ingraffea insiste aujourd’hui sur le fait que le gaz naturel est le « loup déguisé en agneau». La question du méthane ne peut pas être réglée entièrement, elle reste grave et c’est une question qui ne peut être occultée.

Pour ceux qui affirment qu’il existe une manière de régler cela sur le mode « donnez-nous du temps et nous allons corriger le problème », je suis désolé, nous avons eu 100 ans d’exploitation commerciale de pétrole et de gaz, en très grandes quantités et dans le monde entier. Ce temps est terminé. Nous avons déjà trop endommagé l’atmosphère, et il serait trop long, il faudrait des décennies et des milliards de dollars, pour commencer à régler les problèmes dont on sait qu’ils existent depuis des décennies. Et d’ici là, il sera trop tard.

[1] Ecouter ici l’intervention en anglais https://soundcloud.com/inquiringminds/47-anthony-ingraffea-the-science-of-fracking
[2] En anglais « Injection wells » . Voir aussi la définition par département de l’environnement américain http://water.epa.gov/type/groundwater/uic/basicinformation.cfm
[3] Voir le CV du Dr Ingraffea ici à http://psehealthyenergy.org/users/view/14193
[4] « Ne m’appelez pas un activiste » http://www.politico.com/story/2013/07/anthony-ingraffea-dont-label-me-an-activist-93839.html
[5] http://content.time.com/time/specials/packages/article/0,28804,2101745_2102309_2102323,00.html
[6] Voir aussi cet article sur Mother Jone ainsi que ce qu’en dit le département de l’environnement américain
[7] http://www.sciencemag.org/content/345/6195/448.full
[8] http://www.theatlantic.com/technology/archive/2014/08/man-made-earthquakes-are-altering-the-geologic-landscape/372243/
[9] http://www.eeb.cornell.edu/howarth/Howarth%20et%20al%20%202011.pdf
[10] http://calgem.lbl.gov/Miller-2013-PNAS-US-CH4-Emissions-9J5D3GH72.pdf
[11] http://www.sciencemag.org/content/343/6172/733
[12] http://report.mitigation2014.org/spm/ipcc_wg3_ar5_summary-for-policymakers_approved.pdf
[13] https://www.youtube.com/watch?v=TvlUteW8FJ4
[14] http://cce.cornell.edu/EnergyClimateChange/NaturalGasDev/Documents/PDFs/Howarth%20Nature.pdf
[15] http://www3.geosc.psu.edu/~jte2/
[16] https://www.youtube.com/watch?v=BBSVLGf7zPI
[17] http://www.epa.gov/airquality/oilandgas/pdfs/20120417summarywellsites.pdf

ngds74-Communiqué de l’association
Non au gaz de schiste pays de Savoie et de l’Ain

 

Conférence de Terry Engelder à l’Université de Genève : FACT VERSUS PROPAGANDA

Que l’Université de Genève cherche à nous informer sur une question aussi grave que les gaz de schiste, nous ne pouvons que l’en féliciter. Mais sur un sujet aussi controversé, avec des aspects techniques, environnementaux, économiques, sociaux, l’information se doit d’être pluraliste !

Le Professeur Terry Engelder n’est pas un scientifique indépendant pouvant donner une vision équilibrée du problème. C’est l’un des promoteurs de l’exploitation du Marcellus Shale et un propagandiste avéré de la fracturation hydraulique. Il ne va pas jusqu’à nier ses impacts, il les minimise en considérant qu’ils vont aller en décroissant avec le « progrès technique ».

L’Université se serait honorée de présenter un débat du Professeur Engelder avec le Professeur Anthony Ingraffea, spécialiste de la propagation des fractures dans les roches, qui après des années de recherche sur le sujet a conclu qu’il fallait renoncer à ce processus « démoniaque et meurtrier ». Ou avec le Professeur Robert W. Howarth qui a établi que l’impact de l’exploitation des gaz de schiste sur l’effet de serre était supérieur à celui du charbon.

Finalement l’argument « décisif » du Professeur Engelder est  que cette technique « rapporte trop » pour qu’on l’abandonne : rapporter sans doute, mais à qui et pour combien de temps ? A l’heure où de plus en plus de voix autorisées s’élèvent pour dénoncer la « grande escroquerie du Gaz de schiste », est-il judicieux de risquer notre santé, la contamination de notre eau et de notre air, la destruction de notre cadre de vie, pour une « bulle spéculative » en voie d’explosion.

Pour examiner cet aspect des choses, notre association vous invite en association avec Les Verts Genevois, à une conférence de Thomas Porcher, docteur en économie,  professeur à l’Université Paris-Descartes, auteur du livre « Le mirage du gaz de schiste », ce vendredi 18 octobre 2013, de 18h à 20h au cinéma Cinélux, 8 Bd Saint Georges à Genève.

Adaptation française par stopgazdeschiste.org  d’un article d’Ellen Cantarow publié en anglais sur EcoWatch.org

Pourquoi, au juste, la fracturation hydraulique est-elle une industrie dévastatrice? La meilleure façon de décrire sa singularité, son immensité, sa différence par rapport à d’autres industries et la menace pour la planète?

Suite de la première partie

Quand j’ai interviewé le Dr Anthony Ingraffea Professeur de génie, chargé de l’enseignement à l’Université Cornell et président de la société « Médecins, scientifiques et ingénieurs pour une énergie saine», j’ai réalisé que ses explications étaient peut-être les plus claires et les plus instructives de tout ce que j’avais déjà entendu sur le fracking. J’ai donc élargi l’entrevue initiale pour inclure les réflexions d’Ingraffea sur son cheminement ayant mené un initié de l’industrie à un farouche adversaire du fracking, avec ses descriptions d’une nature fascinante avec ses formations schisteuses vieilles de 400 millions d’années ainsi que, précisément, ce que font les industriels lorsqu’ils perturbent ces créations de la nature.

Q. Que pensez-vous qui soit le plus dangereux dans la fracturation hydraulique?
A. Le problème n’est pas le « fracking » en tant que tel. L’industrie pétrolière et gazière a fait du foin autour du mot « fracking » (fracturation hydraulique) pour tenter de noyer le problème. Ils disent: «nous avons fait cela pendant 60 ans et il n’y a jamais eu de cas [problème] documenté … »

Le [« Fracking« ] correspond à une période de temps relativement brève dans le cycle de vie de cette gigantesque industrieforage gaz de schiste lorsque l’eau mélangée à des produits chimiques et du sable est injectée dans les puits de forage et le schiste est à nouveau fracturé. C’est finalement quelque chose de très, très éloigné des gens qui se passe. Il faut des mois, voire des années pour complètement développer et exploiter un « pad » de gaz de schiste moderne. Cela pourrait prendre des mois pour traiter et transporter le méthane sur le marché. Le processus de fracturation lui ne prend que quelques heures par puits.

Les gens qui sont contre la fracturation hydraulique ne pensent pas à tout ce qui se passe avant et après. C’est pourtant beaucoup plus risqué pour la santé humaine et l’environnement. Le plus grand risque pour l’eau, c’est quand les produits chimiques de fracturation sont stockés à la surface puis injectés par pompage vers le bas pour la fracturation, puis lorsque ceux-ci ainsi que les substances nocives qui avaient été séquestrés dans la roche retournent à la surface après la fracturation dans ce qui est appelé effluent de forage.

L’opération de « fracking » en tant que tel présente des risques limités pour la qualité de l’air, mais les polluants issus des gaz d’échappement des moteurs diesel et les émissions de méthane associées aux processus d’excavation, de forage, la déshumidification, la compression, le traitement et le transport du gaz par pipeline présentent de graves problèmes pour la qualité de l’air et le réchauffement climatique. L’élément le plus important de l’exploitation des gaz de schiste qui semble tout simplement ne pas être compris par beaucoup est son intensité spatiale. Il s’agit d’une forme extrême de l’exploitation des combustibles fossiles en raison du nombre très élevé de puits très profonds, de la longueur totale verticale et latérale des forages et du volume du fluide de fracturation requis pour parvenir à une exploitation significative de ces formation schisteuses !

DÉVASTATION DES PAYSAGES, AIR EMPOISONNÉ

fracking_google_earth_largeAlors qu’est selon moi la plus grande menace pour les humains liée à l’exploitation des gisements non conventionnels de gaz naturel à partir des formations schisteuses à travers le monde? Et si je voulais être plus précis en tant qu’ingénieur, à proprement parler, quelle est la plus grande menace que constituent ces champs d’exploitation percés par une multitude de forages, à l’aide de gros volumes de fracturations hydrauliques et de longs forages latéraux? Finalement c’est ça le problème. C’est parce que cette activité hautement industrielle occupe beaucoup d’espace, une activité qui implique bien plus que forer-le-puits-fracturer-le-puits-connecter-le-pipeline-et-on-s-en-va, une activité qui nécessite bien plus de terrains à défricher, beaucoup de forêts et de champs à dévaster. Il y a la nécessité de construire des milliers de kilomètres de pipelines qui engendre à nouveau la destruction de forêts et de champs. Il y a également la nécessité de construire de nombreuses stations de compression, ces installations industrielles qui compriment le gaz pour leur transport par gazoducs et qui brûlent d’énormes quantités de diesel. Elles sont très bruyantes et émettent du CO2 dans l’atmosphère. Puis, il y a la construction de fosses à déchets et bassins d’eau douce qui là encore nécessitent de gros travaux de génie impactant, du matériel de construction lourd, engendre des émanations gazeuses produites par les déchets dans les bassins de rétention ainsi  qu’énormément de circulation de poids lourds, ce qui entraîne à nouveau la combustion de grandes quantités de diesel, l’augmentation des dégâts sur les routes et les ponts ainsi qu’un risque accru pour la circulation au milieu de ce trafic de poids lourds.

UNE INDUSTRIE SANS FRONTIÈRES

Pour à peu près toutes les autres industries qu’on puisse imaginer, comme de fabriquer de la peinture, des grille-pains ou des automobiles, ces formes traditionnelles de l’industrie sont implantées dans des zones industrielles, à l’intérieur defracking1 bâtiment, séparés des maisons d’habitation, des fermes et des écoles. Nous avons été suffisamment sages grâce à notre manière de nous civiliser pour nous rendre compte que l’industrie lourde doit être confinée dans des espaces clos. Et voilà qu’à l’inverse le secteur pétrolier et gazier nous informe que nos maisons, nos écoles, nos hôpitaux, même s’ils sont implantés dans des zones résidentielles, doivent devenir partie intégrante de leur industrie ! Dans la plupart des états, les lois sur le pétrole et le gaz supplantent les règlements d’urbanisme. Elles permettent aux industries du pétrole et du gaz d’établir leur prochaine industrie à l’endroit où nous vivons. Nous sommes invités à vivre à l’intérieur de leurs espaces. Ils nous imposent l’obligation d’implanter nos foyers, hôpitaux et les écoles à l’intérieur de leur espace industriel.

Q. Quand et comment avez-vous commencé à informer les gens à propos de la menace de cette industrie?

A. Deux choses se sont produites. Il y a quatre ans, lorsque le business du gaz de schiste à touché New York, j’ai pris conscience des publicités à la radio, à la télévision, dans les journaux, des articles écrits dans les journaux, les éditoriaux, qu’il s’agisse de grands journaux comme le New York Times ou des journaux locaux. Et ce que j’y lisais était étonnamment imprécis. Quand ce n’était inexact, hors sujet ou incomplet. Ma première réaction d’ingénieur a donc été, ils ne disent pas toute la vérité, les points essentiels ne sont pas abordés.

J’ai été invité par certains de mes copains de pêche – au passage les pêcheurs ont un intérêt direct pour l’eau non polluée- ils m’ont demandé de donner une conférence à la section locale de la société de pèche[1]. C’est comme ça que j’ai commencé mes conférences publiques. Et c’est ce qui m’a fait me plonger plus profondément dans la littérature de l’époque, la littérature technique sur le pétrole et l’ingénierie, et c’est ainsi que j’ai commencé à comprendre ce qu’est l’exploitation du gaz de schiste.

Q. Alors, pourriez-vous nous parler des principaux domaines où vous pensez que se trouve le danger?

fracking public landsA. Les puits (d’eau) ont été contaminés à un rythme significatif. L’industrie disait: «Quand on fore des puits certains puits fuient, mais cela arrive rarement.» J’oppose à cela: « ça se passait rarement, maintenant ça arrive plus fréquemment ».
Il y a la menace mondiale du réchauffement climatique, il y a la menace locale de la contamination des ressources en eau, et il y a la menace régionale de la contamination de l’air ainsi que des eaux de surface et souterraines, tout ceci étant exacerbé par l’intensité de l’occupation spatiale de cette industrie extractive. Parce que vous avez une multiplication des zones de forage, l’exploitation industrielle ayant recours à des moteurs diesel fonctionnant pendant de longues périodes dans de vastes régions engendre le brouillard et la création d’ozone au niveau régional. Il y a des problèmes de qualité d’air en raison de la nature même de l’exploitation des gaz de schiste. On rencontre également des problèmes de qualité de l’eau au niveau régional en raison d’accidents ou de rejets intentionnels de déchets dans les eaux de surface.

Les gens ont besoin de respirer de l’air. Les gens ont besoin de boire de l’eau. Les gens ont besoin de vivre dans un climat acceptable, lequel devrait être stable. Ceci nécessite deux choses. Voir la communauté où vous vouliez vivre et où vous avez vécu toute votre vie prendre votre relève, et l’environnement, l’eau, l’air, le climat, la flore la faune, tout ça est menacé. Ces deux menaces se trouvent sur le spectre de santé par rapport à la richesse. C’est la santé du plus grand nombre face à la richesse de quelques-uns.

Q. Alors, êtes-vous pour l’interdiction de cette industrie?

A. Ma position est la suivante. Lorsque l’exploitation du gaz de schiste n’a pas encore eu lieu, il faut l’interdire. C’est tout. Là où elle a déjà démarré, adopter de stricts règlements, examiner la conformité avec ténacité, appliquer des règles intransigeantes et lorsqu’elles ne sont pas appliquées infliger des amendes qui signifient vraiment quelque chose. Les Dix Commandements sont «règlements», mais les mots seuls ne nous mènent pas très loin.

LA TRANSITION VERS L’ÉNERGIE DURABLE

Enfin, là où tout autre combustible fossile est en cours d’exploitation, ralentir sa production et son utilisation aussi rapidement que possible, en tenant compte de toutes les facettes de ce problème fort complexe. Vous ne pouvez pas interrompre l’utilisation de combustibles fossiles aujourd’hui et vous tourner vers les énergies renouvelables demain. Mais nous devons commencer à réduire l’utilisation de combustibles fossiles des aujourd’hui et accélérer l’utilisation de carburants renouvelables. Et c’est là que les complications arrivent, celles de la politique, de l’économie et de la sociologie.

Q. L’exploitation du gaz de schiste n’a pas encore commencé dans votre propre État celui de New York. Le mouvement dans l’État de New York a réussi à éviter ça pour une longue période. Quelle est la prochaine étape?

A. Un commentaire sur les règlements de l’administration environnementale [État de New York]. L’administrationdemocracy environnementale aurait du passer les trois dernières années de moratoire sur les gaz de schiste à faire les bonnes choses: pas de politique adoptée tant que de rigoureuses études scientifiques sur l’environnement, la santé humaine et les impacts économiques n’auront été effectuées et validées. À mon avis, l’administration environnementale n’a pas effectué d’études scientifiques rigoureuses sur l’environnement, la santé humaine et les impacts économiques. Elle aurait du passer les deux dernières années à faire l’évaluation des impacts là où l’exploitation de ces gaz de schiste a déjà lieu, formant ainsi une base d’information pour la validation. Ils ne l’ont pas fait. Au lieu de cela, ils ont déjà proposé des règlements, ce qui aurait dû être la dernière chose à faire si et seulement si les études avaient été effectuées et validées. Je comprends que la démocratie est compliquée, mais la partie désordonnée ne devrait concerner que la politique, pas la partie scientifique.

 

Vous pouvez visiter la page FRACKING d’EcoWatch en anglais  pour plus d’information sur ce sujet.


[1] Trout Unlimited : http://www.tu.org/