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D’après un article paru le dans le New-York Times, le 16 décembre 2019

Le premier satellite conçu pour surveiller en permanence la planète à la recherche de fuites de méthane a fait une découverte surprenante l’année dernière : un accident de puits de gaz peu connu sur un site de fracturation hydraulique de l’Ohio a en fait constitué l’une des plus grandes fuites de méthane jamais enregistrées aux États-Unis.

 

Les résultats d’une équipe scientifique américano-néerlandaise, publiés dans les Actes de l’Académie Nationale des Sciences (National Academy of Sciences), constituent un pas en avant dans l’utilisation de la technologie spatiale pour détecter les fuites de méthane des sites d’exploitation de gaz et de pétrole dans le monde. Le méthane qui rappelons-le est un puissant gaz à effet de serre qui contribue au réchauffement climatique.

Les scientifiques ont déclaré que les nouvelles découvertes renforçaient l’opinion selon laquelle des rejets de méthane comme ceux-ci, qui sont difficiles à prévoir, pourraient être beaucoup plus répandus qu’on ne le pensait auparavant.

« Nous entrons dans une nouvelle ère. Avec une seule observation, un seul viaduc, nous pouvons voir des panaches de méthane provenant de grandes sources d’émission », a déclaré Ilse Aben, spécialiste de la télédétection par satellite et l’un des auteurs de la nouvelle recherche. « C’est quelque chose de totalement nouveau que nous ne pouvions pas faire auparavant depuis l’espace. »

L’explosion de février 2018 dans un puits de gaz naturel géré par une filiale d’Exxon Mobil dans le comté de Belmont, dans l’Ohio, a libéré plus de méthane que l’ensemble des industries pétrolières et gazières de nombreux pays en un an, a révélé l’équipe de recherche. L’épisode de l’Ohio avait déclenché l’évacuation d’une centaine de résidents dans un rayon de deux kilomètres tandis que les ouvriers se précipitaient pour boucher le puits.

À l’époque, la filiale d’Exxon, XTO Energy, avait déclaré qu’elle ne pouvait pas déterminer immédiatement la quantité de gaz qui avait fui. Mais l’Agence spatiale européenne vient de lancer un satellite avec un nouvel instrument de surveillance appelé Tropomi, conçu pour collecter des mesures plus précises du méthane.

La production de gaz naturel est de plus en plus surveillée en raison de la prévalence des fuites de méthane – le principal composant incolore et inodore du gaz naturel – provenant de la chaîne d’approvisionnement du carburant.

Lorsqu’il est brûlé pour l’électricité, le gaz naturel est plus propre que le charbon, produisant environ la moitié du dioxyde de carbone produit par le charbon. Mais si le méthane s’échappe dans l’atmosphère avant d’être brûlé, il peut réchauffer la planète plus de 80 fois plus que la même quantité de dioxyde de carbone sur une période de 20 ans.

Les mesures du satellite ont montré qu’en Ohio, dans les 20 jours qu’il aura fallu à Exxon pour boucher le puits, les rejets de méthane ont été d’environ 120 tonnes par heure. Cela représente deux fois le taux de la plus grande fuite de méthane connue aux États-Unis, provenant d’une installation de stockage de pétrole et de gaz à Aliso Canyon, en Californie, en 2015, bien que cet événement ait duré plus longtemps et ait eu des émissions globales plus élevées.

Les chercheurs estiment que la fuite de l’Ohio a libéré plus de méthane que les émissions des industries pétrolières et gazières de pays comme la Norvège et la France. Les scientifiques ont déclaré que les mesures du site de l’Ohio pourraient signifier que d’autres fuites importantes ne sont pas détectées.

« Lorsque j’ai commencé à travailler sur le méthane, il y a maintenant une dizaine d’années, la ligne standard était :« Tout est sous contrôle. Nous gérons », a déclaré le Dr Hamburg. « Mais en fait, ils n’avaient pas les données. Ils ne le contrôlaient pas, car ils ne comprenaient pas ce qui se passait réellement. Et vous ne pouvez pas gérer ce que vous ne mesurez pas. »

Un porte-parole d’Exxon, Casey Norton, indique que les propres scientifiques de l’entreprise avaient examiné des images et pris des mesures de pression du puits pour arriver à une estimation moindre des émissions consécutives à l’explosion. Exxon est en contact avec les chercheurs ayant fait les observations par satellite, a déclaré M. Norton, et « a accepté de s’asseoir et de discuter plus avant pour comprendre l’écart et voir s’il y a quelque chose que nous pouvons apprendre ». Avant d’ajouter « c’était une anomalie, ce n’est pas quelque chose qui se produit régulièrement. Et nous faisons de notre mieux pour éviter que cela ne se produise ».

Une enquête interne a révélé que la pression élevée avait provoqué la défaillance du tubage ou du revêtement interne du puits, a déclaré M. Norton. Après avoir travaillé avec les régulateurs de l’Ohio sur les améliorations de la sécurité, le puits est maintenant en service.

Miranda Leppla, responsable de la politique énergétique au Conseil Environnemental de l’Ohio (Ohio Environmental Council), indique que des plaintes concernant des problèmes de santé tels qu’irritation de la gorge, vertiges, problèmes respiratoires – avaient été enregistrées parmi les résidents les plus proches du puits. « Les émissions de méthane, malheureusement, ne sont pas rares, mais elles constituent une menace constante qui aggrave le changement climatique et peut nuire à la santé des Ohioiens », a-t-elle déclaré.

Les scientifiques précisent qu’une tâche critique consiste désormais à pouvoir parcourir plus rapidement les dizaines de millions de points de données que le satellite recueille chaque jour pour identifier les « points chauds » d’émission de méthane. Des études sur les gisements de pétrole en exploitation aux États-Unis ont montré qu’un petit nombre de sites à fortes émissions sont responsables de l’essentiel des rejets de méthane.

Jusqu’à présent, la détection et la mesure des fuites de méthane ont nécessité des études de terrain coûteuses à l’aide d’avions et de caméras infrarouges qui permettent de détecter ce gaz invisible.

Dans un article séparé publié en octobre, les chercheurs ont détaillé l’utilisation de deux satellites pour détecter et mesurer une fuite de méthane à plus long terme d’une station de compression de gaz naturel au Turkménistan, en Asie centrale. Les chercheurs ont estimé que les émissions du site étaient à peu près comparables au rejet global de l’événement d’Aliso Canyon. A présent, selon les observations effectuées par satellites, la fuite a maintenant cessé, et ceci après que les chercheurs aient sonné l’alarme par la voie diplomatique.

« C’est l’avantage des satellites. Nous pouvons regarder presque partout dans le monde », a déclaré le Dr Aben, chercheur principal à l’Institut spatial néerlandais d’Utrecht et auteur des deux articles. Il existe toutefois des limites à la chasse aux fuites de méthane avec la technologie satellite. Les satellites ne peuvent pas voir sous les nuages. Les scientifiques doivent également effectuer des calculs complexes pour tenir compte du méthane de fond qui existe déjà dans l’atmosphère terrestre.

Pourtant, les satellites seront de plus en plus capables à la fois de détecter rapidement de gros rejets et de faire la lumière sur l’augmentation des niveaux de méthane dans l’atmosphère, qui est particulièrement prononcée depuis 2007 pour des raisons qui ne sont pas encore entièrement comprises. La production de gaz naturel par fracturation hydraulique qui s’est accélérée au moment où les niveaux atmosphériques de méthane ont augmenté, a été étudiée comme une cause possible.

« Pour le moment, vous avez des rapports ponctuels, mais nous n’avons aucune estimation globale de la fréquence de ces événements » précise le Dr Hamburg du Fonds de défense environnemental (Environmental Defence Fund). « A-t-on affaire à des événements annuels ? Hebdomadaires, quotidiens ? Savoir cela fera une grande différence en essayant de bien comprendre quelles sont les émissions globales liées à l’exploitation du pétrole et du gaz. »

(!) Info minute – Revue de Presse
Une traduction libre par nos soins de l’article de Chris Mooney paru ven. 15 août 2014 sur Mother Jones . com

fracking_site_usgs marcellus gaz de schisteA la droite de l’échiquier politique américain, il est assez populaire ces jours-ci de prétendre que la gauche exagère les inquiétudes (scientifiques) au sujet de la fracturation hydraulique également appelée «fracking». Par exemple, dans un récent article du National Review , un chercheur de Hoover Institution se plaint que 53% des démocrates en Californie se prononcent pour l’interdiction de la fracturation hydraulique «malgré l’existence de peu ou pas de preuves scientifiques crédibles sur les préjudices causés par la fracturation et les preuves scientifiques irréfutables sur ses avantages environnementaux, y compris la réduction substantielle de la pollution aussi bien au niveau local que mondial».

Il y a encore trois ou quatre ans, un tel positionnement pouvait encore sembler défendable. La préoccupation environnementale majeure concernant la fracturation hydraulique à l’époque était le risque de contamination de l’eau potable lors du processus de « fracking » – un processus consistant à injecter sous terre à des pressions extrêmes de vastes quantités d’eau, du sable et des produits chimiques pour forcer les couches de schiste à s’ouvrir dans les profondeurs de la terre afin d’en libérer le gaz naturel. Mais le discours scientifique était encore assez ambiguë. En fait, la question tournait essentiellement autour de la définition même de la fracturation hydraulique. S’agissant de l’ensemble du méga-processus des forages de gaz «non conventionnels», on sait qu’il a clairement causé la contamination des eaux souterraines, en raison de déversements et de fuites de puits mal cimentés. Mais techniquement, le «fracking» se réfère uniquement à l’ «explosion » provoquée par l’eau et les produits chimiques et non au forage, à l’élimination des déchets, ni aux énormes opérations industrielles qui accompagnent tout cela.

Comment les choses ont-elles évolué. De nos jours, explique Anthony Ingraffea, professeur de génie à l’Université de Cornell, l’argumentation scientifique contre la fracturation hydraulique et les forages de gaz non conventionnel est plus vaste[1]. Il ne s’agit pas uniquement de la contamination des eaux souterraines, mais également au minimum de deux autres problèmes majeurs : les tremblements de terre induits (par ce processus industriel) ainsi que les émissions non contrôlées de méthanes, un puissant gaz à effet de serre.

Dr Ingraffea_ stop gaz de schisteIngraffea appuie ses déclarations sur la base de données scientifiques – qu’il est difficile de ne pas prendre en considération. Prenez les tremblements de terre, par exemple. De l’avis d’Ingraffea, « il existe à présent un consensus scientifique que la sismicité induite par l’homme se produit » à la suite d’un aspect particulier du forage de gaz non conventionnel (à savoir, l’élimination de « l’eau de reflux » chimiquement chargé dans les réservoirs souterrains d’eaux usées, les « puits d’injection »[2]).

Pourtant, Ingraffea n’est pas a priori « l’ennemi scientifique » le plus probable de la fracturation hydraulique. Ses recherches ont été financées par les entreprises et les intérêts de l’industrie, y compris Schlumberger, le Gas Research Institute, General Dynamics, et Northrop Grumman[3]. Sa thèse de doctorat, dans les années 1970, a impliqué l’étude de la «mécanique de fracturation des roches», en d’autres termes, comment les fissures se propagent dans les roches, un domaine de connaissances crucial pour les industries extractives comme celles du pétrole et du gaz. « J’ai passé 20, que dis-je 25 ans à travailler avec l’industrie du pétrole et du gaz … à les aider à trouver la meilleure façon d’obtenir du pétrole et du gaz de la roche», explique Ingraffea.

Mais depuis, il est devenu un critique virulent[4] de l’exploitation du gaz non conventionnel. Il est récemment apparu dans le film Gasland II, et a été reconnu en 2011 par le Time[5] (aux côtés de l’acteur Mark Ruffalo et son collègue Robert Howarth Cornell) pour son travail soulignant les risques environnementaux de l’exploitation du gaz de schiste.

Que s’est-il donc passé? En un mot: la science. Ingraffea se réfère simplement à la science en développement sur les tremblements de terre et les émissions de méthane liée à l’exploitation du gaz non conventionnel. Même si vous n’êtes pas entièrement d’accord avec tout ce qu’il dit, vous trouverez probablement tout cela troublant et agaçant. Prenons ces sujets un par un:

La fracturation hydraulique et les tremblements de terre.

Assez curieusement, la question des tremblements de terre est en fait le sujet scientifique le moins controversée dans le débat sur la fracturation hydraulique. En effet, il semble maintenant clair que l’injection des eaux usées[6] -le stockage souterrain de l’eau et autres produits de la fracturation hydraulique qui remonte ​​des puits après la fracturation, peut contribuer à l’activité sismique. En fait, dans une étude publiée le mois dernier dans Science[7], les chercheurs suggèrent qu’une augmentation spectaculaire de l’activité sismique récente dans l’Oklahoma[8] -petits tremblements de terre de magnitude 5,7 en 2011, est en partie liée à la prolifération des puits d’injection des eaux usées.

Certes, il peut sembler difficile de comprendre (du moins si vous n’êtes pas géologue) comment des puits d’évacuation souterrain peuvent provoquer un tremblement de terre. Ingraffea l’explique de cette manière: «Nous avons agi sur des défauts de stabilité préexistants», dit-il. Les fluides de fracturation « lubrifient ces « défauts » et modifient la pression exercée ». Voici une illustration :

Et pour ce qui concerne le processus de fracturation lui-même? Lui aussi peut causer des tremblements de terre, indique Ingraffea, bien que les tremblements de terre liés à la fracturation hydraulique (par opposition aux puits d’injection) soient plus faibles (« jusqu’à présent« , comme le dit Ingraffea). Quand vous pensez à ce que nous faisons à la Terre, peut-être n’est-ce pas si surprenant. Après tout, l’eau de la fracturation hydraulique est injectée à des «pressions approchant ce que vous obtiendriez si vous empiliez par exemple 10 véhicules sur le bout de votre doigt», ajoute-t-il.

Le Fracking et les émissions fugitives de méthane.

« Peut-être pouvons-nous gérer le problème des tremblements de terre. Évidemment, il serait utile d’arrêter l’injection d’eaux usées près des points de rupture géologique» « Ça pourrait devenir un objectif dans la conception des process d’exploitation» déclare impassible Ingraffea. Cette situation est avant tout liée à un manque de réglementation de la part du département de protection de l’environnement.

Mais il existe un problème potentiel beaucoup plus grave qui est celui des émissions fugitives de méthane lors de l’exploitation du gaz de schiste. C’est d’ailleurs le sujet sur lequel Ingraffea s’est fait un nom dans le débat sur la fracturation hydraulique, et c’est probablement le plus important de tous.

En 2011, Ingraffea et deux autres chercheurs de Cornell University ont publié une étude scientifique[9] très discutée dans la revue Climatic Change, celle-ci faisant valoir que, entre 3,6 et 7,9% du méthane provenant des activités de forage de schiste s’échappent effectivement dans l’atmosphère, où il contribue au réchauffement climatique. Si ceci est vrai, compte tenu de la puissance atmosphérique unique du méthane, le méthane est environ 80 à 90 fois … plus puissant comme un gaz à effet de serre que le dioxyde de carbone» sur une période de deux à trois décennies, dit Ingraffea- alors les conséquences pourraient être dramatiques. Le gaz naturel pourrait basculer de l’avantage net climatique (car sa combustion est plus propre que le pétrole ou le charbon) au préjudice climatique, à cause de tout le méthane qui s’échappe.

Fayeteville_Shale 15673532.smaller_0Certes, tout ceci dépend du taux de fuite de l’exploitation du gaz naturel, à travers les multiples étapes de son processus, de l’extraction initiale du gaz de la Terre, et tout au long de son transport. Et c’est là que se situe le débat. « Chacune des mesures effectuées a conclu que le pourcentage de méthane s’échappant dans l’atmosphère provenant de l’exploitation du pétrole et du gaz est bien supérieure à 2,5% » déclare Ingraffea. « Je pense que la meilleure estimation actuellement se situe autour de 5% » ajoute-t-il, et c’est largement suffisant pour condamner l’idée selon laquelle le gaz naturel est un «carburant de transition » vers un avenir d’énergie propre ».

Ingraffea n’est pas le seul chercheur à suggérer que les fuites de méthane atteignent des niveaux si élevés. Dans une étude[10] publiée en 2013 dans les Actes de l’Académie nationale (américaine) des Sciences, une équipe de chercheurs de deux universités américaines et les laboratoires nationaux ont constaté que le département fédéral de l’environnement (EPA) était en train de sous-estimer les émissions de méthane provenant de l’industrie de l’énergie (que ça soit pour les forages conventionnels ou de gaz de schiste). Dans un autre article publié dans Science[11] plus tôt cette année, les chercheurs ont de nouveau blâmé les mesures de méthane de l’EPA, mais ont néanmoins conclu que le gaz naturel peut encore contribuer à un avenir plus propre si les émissions de méthane font l’objet d’une règlementation et d’une gestion adéquates. (Le groupe d’experts intergouvernemental de l’ONU sur les changements climatiques en arrive au même type de conclusion[12].)

Quel est le vrai problème dans tout ça?

Il est évident que tout le monde ne partage pas l’avis d’Ingraffea. Par exemple, à la fois publiquement[13] et par écrit[14], Ingraffea a régulièrement débattu avec Terry Engelder[15] , professeur de géosciences à l’Université d’Etat de Pennsylvanie, ce dernier faisant valoir que les avantages de l’exploitation du gaz de schiste l’emportent encore sur les risques.

Engelder ne nie pas le problème des émissions fugitives de méthane. Au contraire, son opinion[16] est que «par la maîtrise des fuites et les «green completions[17]» (se réfère à une nouvelle règle de l’EPA qui exigent des exploitants de gaz naturel de capturer les composés organiques volatils sur place plutôt que de les laisser s’échapper dans l’atmosphère, un processus qui selon l’EPA, consisterait à « réduire de manière significative» les émissions de méthane) on pourrait venir à bout de la fuite de méthane dans l’atmosphère. »

Mais à cela Ingraffea rétorque que ce n’est pas assez. Le nouveau règlement, dit-il, ne couvre qu’ »une partie de l’ensemble de la chaine de l’approvisionnement pour le gaz naturel, et elle ne s’applique qu’aux nouveaux puits de gaz, et non pas aux anciens. » De plus, il s’applique uniquement aux puits de gaz, pas aux puits de pétrole qui libèrent également du méthane.

Fort de l’accumulation des preuves scientifiques, Ingraffea insiste aujourd’hui sur le fait que le gaz naturel est le « loup déguisé en agneau». La question du méthane ne peut pas être réglée entièrement, elle reste grave et c’est une question qui ne peut être occultée.

Pour ceux qui affirment qu’il existe une manière de régler cela sur le mode « donnez-nous du temps et nous allons corriger le problème », je suis désolé, nous avons eu 100 ans d’exploitation commerciale de pétrole et de gaz, en très grandes quantités et dans le monde entier. Ce temps est terminé. Nous avons déjà trop endommagé l’atmosphère, et il serait trop long, il faudrait des décennies et des milliards de dollars, pour commencer à régler les problèmes dont on sait qu’ils existent depuis des décennies. Et d’ici là, il sera trop tard.

[1] Ecouter ici l’intervention en anglais https://soundcloud.com/inquiringminds/47-anthony-ingraffea-the-science-of-fracking
[2] En anglais « Injection wells » . Voir aussi la définition par département de l’environnement américain http://water.epa.gov/type/groundwater/uic/basicinformation.cfm
[3] Voir le CV du Dr Ingraffea ici à http://psehealthyenergy.org/users/view/14193
[4] « Ne m’appelez pas un activiste » http://www.politico.com/story/2013/07/anthony-ingraffea-dont-label-me-an-activist-93839.html
[5] http://content.time.com/time/specials/packages/article/0,28804,2101745_2102309_2102323,00.html
[6] Voir aussi cet article sur Mother Jone ainsi que ce qu’en dit le département de l’environnement américain
[7] http://www.sciencemag.org/content/345/6195/448.full
[8] http://www.theatlantic.com/technology/archive/2014/08/man-made-earthquakes-are-altering-the-geologic-landscape/372243/
[9] http://www.eeb.cornell.edu/howarth/Howarth%20et%20al%20%202011.pdf
[10] http://calgem.lbl.gov/Miller-2013-PNAS-US-CH4-Emissions-9J5D3GH72.pdf
[11] http://www.sciencemag.org/content/343/6172/733
[12] http://report.mitigation2014.org/spm/ipcc_wg3_ar5_summary-for-policymakers_approved.pdf
[13] https://www.youtube.com/watch?v=TvlUteW8FJ4
[14] http://cce.cornell.edu/EnergyClimateChange/NaturalGasDev/Documents/PDFs/Howarth%20Nature.pdf
[15] http://www3.geosc.psu.edu/~jte2/
[16] https://www.youtube.com/watch?v=BBSVLGf7zPI
[17] http://www.epa.gov/airquality/oilandgas/pdfs/20120417summarywellsites.pdf

  • Les fuites de méthane lors de la production peuvent annuler les avantages climatiques du gaz naturel.

Les échantillonnages de l’air révèlent de hautes émissions provenant des gisements de gaz. C’est ce que révèle un article publié dans la revue « Nature » le 9 février 2012 s’appuyant sur le rapport d’une étude réalisée par la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration des USA) et l’Université du Colorado sur des panaches de pollution détectés au nord de Denver, au Colorado.

L’étude a été réalisée entre 2007 et 2012 et identifie les polluants : méthane, butane et propane, vérifiés par les empreintes chimiques, comme provenant d’émissions de gaz naturel du bassin Denver-Julesburg qui comprend plus de 20 000 de puits de gaz et de pétrole forés depuis les années 1970. Les gisements de production sont des sables ultra compacts (serrés – réservoirs non conventionnels) qui étaient et sont fracturés hydrauliquement.

 Les fuites de méthanes atteignent en moyenne 4% de la production. Les données ont été recueillies à partir d’une tour de 300m située au nord de Denver dès 2007 et d’un appareil mobile à partir de 2008. Alors que les mesures ne font pas de distinction entre les émissions globales de production, les émissions de fracturation et la complétion du puits, elles montrent que les pertes totales de méthane de production sont de 2 à 3 fois les estimations de l’industrie et correspondent à une proportion de 2,3% à 7,7% de la production totale du champ de gaz, avec une valeur moyenne de 4%.

Ces valeurs sont légèrement supérieures à une étude de l’Université Cornell de 2011, avec des estimations de fuites de 2,2% à 3,8%, avec 1,9% provenant de la ventilation du gaz naturel au cours de la fracturation hydraulique, puis en plaçant un puits en réalisation. La ventilation du gaz naturel est effectuée pendant et après la fracturation hydraulique pour une période de 4 semaines ou plus avant que ce puits ne soit mis en production et raccordée à une canalisation. Bien que certaines de ces fuites soient identifiées comme provenant de réservoirs de stockage utilisés pour contenir des gaz de pétrole liquide avant l’expédition, une grande proportion provient du gaz naturel brut s’échappant de l’infrastructure.

Fig: Estimations des pertes du méthane dans les champs de gaz autours de Denver, Colorado, par l’industrie, à partir d’une tour et d’un laboratoire mobile.

La capture des émissions de gaz produites au cours de la fracturation de la mise en production ou de l’achèvement est possible, mais l’industrie du pétrole-gaz indique qu’elle est trop chère. Dès lors pour les industriels il est plus économique de laisser le gaz naturel s’échapper dans l’atmosphère !

  • La communication des industriels remplace l’information.

Les valeurs de NOAA sont plus élevées que les estimations l’Agence Fédérale de Protection de l’Environnement (révisées à 2,8%), laquelle propose une nouvelle réglementation pour contrôler les émissions : Les groupes environnementaux veulent en renforcer les normes tandis que l’industrie pétrolière du gaz veut les réduire. L’Alliance du gaz naturel américain (American Natural Gas Alliance) affirme que de nombreux opérateurs ont amélioré leurs pratiques et ont réduit leurs émissions, volontairement ou en raison de la réglementation. (1) Cette alliance dit aussi que « l’étude de Denver est difficile à évaluer sur la base d’un examen préliminaire ». (2) Ces résultats posent question sur le «combustible fossile propre » présentés par l’industrie gazière non conventionnelle et indique la nécessité d’évaluer sérieusement les opérations de gaz à un niveau national aux Etats-Unis.

Dans une autre étude menée par Sergey Paltev (3), directeur adjoint de la recherche économique à la MIT Energy Initiative, celui-ci affirme que leurs recherches montrent que les émissions sont bien en dessous des valeurs de l’EPA de 2,8%, et se demande si les résultats du NOAA représente bien l’industrie

Commentaires:

(1) L’industrie tend maintenant vers l’amélioration des pratiques après 7 ans, (la fracturation hydraulique a commencé en 2003-2004) ce genre de pratiques n’étaient elles pas jugées nécessaires avant ? Qu’ont les industriels à répondre face aux réactions du public, aux enquêtes de l’EPA et d’autres institutions ?

(2) La déclaration « l’étude X est difficile à évaluer sur la base d’un examen préliminaire » est la réponse standard faite par des opérateurs de pétrole et gaz, un langage codé pour dire, « l’étude est en contradiction avec notre ordre du jour et nos intentions et nous n’avons pas trouvé de procédure avec nos avocats ou des experts rémunérés pour la discréditer ».

(3) Sergey Paltev est répertorié comme un chef un chercheur participant à la MIT Energy Initiative, fondé par BP, Shell et ENI (le géant italien de l’énergie), un co-auteur dans plusieurs études d’énergie fossiles carburants du MIT. Il est aussi co-président d’une étude interdisciplinaire de MIT « L’avenir du gaz naturel » (2011), principalement financée par le « American Clean Skies Initiative » (financée par la Chesapeake Energy Corporation, un partenaire avec le gaz de schiste de Total aux USA), et Agência Nacional de Hidrocarburos (Colombie), le Gas Technology Institute (GTI), Exelon (USA, fournisseur d’énergie nucléaire pour 93% de ces chiffres {avec 17 réacteurs}, 5% par le charbon, 1% hydroélectrique, 1% gaz et le pétrole <1%) et un donateur anonyme. En 2010, le MIT a été parrainé par l’industrie pour un total de 111 millions $.

Avec la collaboration d’Antony Watkins, Ingénieur, Geophysicien, ancien des pétroles.