Articles Tagués ‘énergies renouvelables’

 MANIF BELLEGARDE 24 MAI                                                           (!) Info minute – Revue de Presse

Traduit par nos soins, d’après l’article de Zach Carter et Kate Sheppard publié dans l’Huffingtonpost sous le titre “Read The Secret Trade Memo Calling For More Fracking and Offshore Drilling

WASHINGTON – L’Union européenne (ndt la commission européenne) pousse l’administration Obama à l’augmentation de la production d’hydrocarbures par fracturation hydraulique aux États-Unis, l’augmentation des forages de pétrole offshore et l’exploration de gaz naturel selon les termes d’une négociation secrète dont Huffington Post a obtenu le texte.

van_rompuy_obama_barroso_nov_2011 TAFTA TTIPLe document controversé est une première ébauche de la politique énergétique que les négociateurs de l’UE espèrent voir adoptée dans le cadre du Partenariat pour le commerce et l’investissement transatlantique (TTIP) accord commercial actuellement en cours de négociation . Le texte a été partagé avec les autorités américaines au mois de Septembre. Le Bureau du représentant américain au Commerce a refusé de commenter le document.

Les associations environnementales craignent que les termes généraux proposés pour l’accord n’éliminent les restrictions essentielles concernant l’exportation de pétrole brut et de gaz naturel, ces combustibles fossiles qui contribuent au changement climatique. Le document marque la première pomme de discorde dans la négociation avec l’UE, en plein tollé provoqué par des écologistes au sujet d’une autre fuite sur le Partenariat Trans-Pacifique, un autre pacte également en cours de négociation entre les États-Unis et 11 nations du Pacifique.

« Les exportations de produits énergétiques à l’autre Partie doivent être considérées comme automatiques pour se conformer à toutes les conditions et essais prévus dans la législation respective des parties et pour l’octroi des licences d’exportation » indique la note qui définit les « biens énergétiques » comme « le charbon, le pétrole brut , les produits pétroliers, le gaz naturel liquéfié ou non, et l’énergie électrique ».

Le gouvernement américain traite les textes de négociations commerciales comme des informations à ne pas divulguer au public[1]. Les fuites précédentes concernant l’accord avec l’UE avaient porté sur des sujets plus légers, questionnant par exemple la possibilité pour les producteurs de fromage américains d’appeler leurs produits « feta » ou « parmesan ».

En encourageant ainsi les exportations de pétrole brut et de gaz naturel vers l’Union Européenne – une puissance économique massive qui utilise une énorme quantité de l’énergie mondiale – cet accord pourrait stimuler le développement de plus de forages de pétrole et de gaz aux États-Unis et décourager le développement des énergies propres dans l’UE, représentant un coup dur aux efforts visant à limiter le changement climatique. Des associations environnementales et collectifs citoyens contestent la pratique de la fracturation hydraulique elle-même – par laquelle un mélange de produits chimiques, d’eau et de sable est injecté sous haute pression dans des formations rocheuses pour la fracturer et libérer le gaz naturel- et ceci en raison des conséquences que fait porter cette technique sur l’intégrité des nappes d’eau souterraines.

«Encourager le commerce des combustibles fossiles sales signifierait plus de fracturation hydrauliques dangereuses ici aux États-Unis et plus de combustibles perturbant le climat dans l’Union européenne » déclare Ilana Solomon , directrice du Programme Commerce responsable au Sierra Club. « L’industrie du pétrole et du gaz est la seule gagnante dans une telle situation ».

Les États-Unis ont interdit les exportations de pétrole brut en 1975, et imposent une série de restrictions à l’exportation de gaz naturel pour des raisons économiques et de sécurité nationale. Mais le président peut délivrer des autorisations spéciales pour lever l’interdiction portant sur les exportations de pétrole brut, et le ministre de l’Énergie Ernest Moniz a déclaré ce mois-ci qu’il envisage d’assouplir cette disposition.

De plus en plus de pressions sont déployées pour alléger les contraintes sur les exportations de gaz naturel des États-Unis vers l’Europe, en particulier depuis l’escalade du conflit entre la Russie et l’ Ukraine, mettant en exergue la dépendance de l’Europe vis à vis de l’énergie russe. Bien que la combustion du gaz naturel produise moins d’émissions que le pétrole ou le charbon, le stockage et le processus d’expédition – la liquéfaction du gaz et l’acheminement par méthaniers – élimine bon nombre de ses avantages. Pour les opposants au gaz, l’augmentation des exportations ne ferait qu’accroître la dépendance aux combustibles fossiles plutôt que d’accélérer la transition vers les énergies renouvelables. Ceci entrainerait également l’augmentation des prix de l’énergie aux États-Unis, alors même que les bénéfices supposés de l’accord ne pourraient se faire sentir avant plusieurs années.

Grand-Marche-Transatlantique_Illustration TAFT TTIPLes accords de libre-échange lient souvent les signataires à un régime de réglementation spécifique, ce qui condamne d’avance le développement de futures réglementations en réponse à de nouveaux problèmes. La mise en application des accords commerciaux est gérée par les tribunaux internationaux, lesquels peuvent émettre des sanctions économiques contre les pays qui en violent les principes. Ce que propose la Commission Européenne irait à l’encontre des normes environnementales existantes qui limitent le développement de l’industrie des combustibles fossiles.

« La tendance dominante dans les négociations commerciales c’est l’élimination du pouvoir de décision politique des gouvernements nationaux et locaux et la consécration de la suprématie des lois du commerce international », indique Sarah Burt , avocate de l’organisation juridique écologiste Earthjustice qui a vu le document . « Ces négociations , déclare Burt , se produisent en dehors de tout contrôle du public et sont un processus opaque où le commerce et l’économie sont élevés au-dessus toutes autres valeurs »

Lire le document complet ici 

 

[1] Informations classifiées

Par NICOLAS THIERRY Conseiller en politique publique (Publié avec l’accord de l’auteur, tribune précédemment publiée dans le journal Libération)

En France, le lobby pro-gaz de schiste ne manque pas de ressources pour monopoliser le débat. Il a récemment musclé son dispositif de communication de manière inquiétante. En manipulant les vrais enjeux soulevés par le sujet.

Il faut se rendre sur place pour comprendre : aux Etats-Unis, les gaz de schiste ouvrent une nouvelle ère pour les énergies fossiles. Soutenus par le gouvernement fédéral, les industriels voient dans ce nouveau réservoir la clé d’une véritable révolution énergétique. A l’inverse du gaz conventionnel, les ressources en gaz de schiste sont mieux réparties sur le globe. Les chiffres manquent encore de précision, mais l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime le sous-sol français (particulièrement le bassin parisien et le sud-est du pays) comme l’un des plus prometteurs.

Aussi, les compagnies gazières expliquent-elles au public et aux décideurs politiques qu’une «exploitation propre» est possible : les dizaines de millions de litres d’eau polluée, les fuites de méthane ou autres impacts irréversibles sur l’environnement inhérents à la fracturation hydraulique ne seraient bientôt que de vieux souvenirs. Mais ces affirmations sont peu crédibles pour ceux qui ont pu approcher un site d’exploitation et constater les dégâts.

La réalité est en effet tout autre : les multinationales tentent de confisquer un débat plus large dont les conclusions nous engagent à très long terme. Focaliser les discussions sur les aspects techniques de l’exploitation des gaz de schiste, c’est admettre implicitement la nature acceptable de cette ressource. La véritable interrogation ne concerne-t-elle pas plutôt la place des énergies fossiles dans les politiques économiques et écologiques de demain ?

Car le débat est profondément politique, au sens le plus noble du terme : seule l’absence de considération des enjeux climatiques et durables expliquerait qu’on accepte de développer ce type d’énergie fossile en France. Le positionnement de nos dirigeants sur ce sujet sera un puissant révélateur du projet de société réellement souhaité par notre classe politique.

Les prochains mois seront le cadre de deux événements importants. Mi-septembre aura lieu la conférence environnementale pilotée par le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie. Quelques semaines plus tard, le gouvernement présentera un projet de loi de réforme du code minier. Dans ces conditions, on comprend aisément l’importance du lobbying développé depuis quelque temps par les industriels du secteur. D’ailleurs, l’arsenal propagandiste pourrait rapidement s’étoffer. Au programme ? Des notes orientées envoyées aux cabinets des élus, des voyages de presse formatés proposés aux journalistes, une campagne de communication largement déployée sur les réseaux sociaux… Nous pourrions même assister à la naissance de comités d’experts destinés à rendre des avis positifs sur les gaz de schiste en dénonçant des opposants trop idéologues !

Or les arguments avancés ne tiennent pas, et plusieurs éléments doivent attirer notre attention. Le marché européen des gaz de schiste est fort différent de celui des États-Unis. Une étude réalisée en décembre 2010 par l’Oxford Institute for Energy Studies et validée par l’AIE démontre que le coût d’exploitation et de développement des gaz non conventionnels serait deux à trois fois plus élevé en Europe qu’aux États-Unis. Dans le meilleur des scénarios, pour des raisons géologiques et juridiques, le prix serait proche du gaz russe importé et supérieur au prix des gaz provenant d’Afrique et du Moyen-Orient.

Par ailleurs, il existe aujourd’hui sur le marché des leviers d’action alternatifs beaucoup plus puissants pour notre développement économique. Une autre voie, articulée autour des économies d’énergie et des énergies renouvelables, présente le considérable avantage d’intégrer deux éléments fondamentaux : la finitude des ressources de notre planète et la fragilité des équilibres naturels dont nous dépendons. Partout où les gaz de schiste sont exploités, les autres modes de production énergétiques sont gravement menacés. Aux États-Unis par exemple, l’engouement pour l’exploitation du gaz non conventionnel se fait au détriment du nucléaire ou du charbon, qui ne peuvent s’aligner sur les prix bas de cette ressource.

Mais les principales victimes sont les énergies renouvelables qui, en plein essor, ont besoin d’un soutien politique sans faille et d’un cadre réglementaire stable et ambitieux pour arriver à supplanter les énergies fossiles. Aussi avons-nous de quoi nous inquiéter pour notre avenir, si les choix qui s’offrent à nous aujourd’hui ne sont pas considérés comme des choix de civilisation.