(!) Info minute – Revue de Presse
Lettre ouverte à Jean Bernard Lachavanne, Président de l’Association pour la sauvegarde du Léman (ASL), et à Raphaëlle Juge , Rédaction de Lémaniques
Madame, Monsieur
Ainsi donc, vous écrivez[i] que « l’ASL n’a jamais été et n’est toujours pas favorable à l’exploitation du gaz de schiste » et que «pourtant l’ASL n’a pas l’intention de lancer un débat sur le bien-fondé ou non de l’exploitation des gaz non conventionnels ». Et c’est précisément là qu’est le problème : ce n’est pas le gaz de schiste en lui-même qui est dangereux, mais son extraction par fracturation hydraulique, méthode d’extraction commune à d’autres hydrocarbures non-conventionnels comme les « tight gas » (gaz de réservoir compact, en français).
Or aussi bien MM Gorin et Moscariello, les experts pétroliers auxquels vous avez ouvert vos colonnes, que la société Petrosvibri semblent d’accord sur ce point : ce sont bien des « tight gas » qu’il faut s’attendre à trouver sous le Léman. Et selon l’entreprise TOTAL [ii]« Leur mise en production par des techniques classiques n’est économiquement pas viable et seule la mise au point de technologies adaptées, comme la fracturation hydraulique ou l’acidification de la formation, permet d’améliorer la récupération »
Petrosvibri devait donc, pour extraire ce gaz, « stimuler la roche » selon l’euphémisme employé par les pétroliers, et suite aux investigations conduites par l’Office parlementaire pour les choix scientifique et technique, organisme français favorable à la recherche des hydrocarbures non conventionnels, « (les) rapporteurs considèrent que la fracturation hydraulique reste la technique la plus efficace et la mieux maitrisée pour extraire les hydrocarbures non conventionnels, (…) même si d’autres pistes sont à étudier »[iii].
Affirmer qu’il n’y a aucun danger pour le Léman parce que le gaz qu’on pourrait extraire de son sous-sol serait du « tight gas » et non du « gaz de schiste », alors que l’extraction de l’un ou l’autre de ces gaz nécessite aujourd’hui l’usage de la fracturation hydraulique, est pour le moins incohérent, et bien loin de la rigueur scientifique dont vous vous prévalez. A moins que les experts à qui vous avez ouvert vos colonnes aient omis de vous fournir toute l’information sur les tight gas?
Comprenons-nous bien : qu’ils soient favorables à l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels est leur droit le plus strict. Nous n’imaginons même pas qu’ils aient eu besoin pour cela d’être influencés par des entreprises pétrolières : Andrea Moscariello nous a d’ailleurs affirmé qu’il n’intervenait plus comme consultant pour SHELL depuis 2011, ni directement ni indirectement via TNO, un organisme de recherche « indépendant » qui se présente toutefois comme « le plus gros partenaire en recherche et développement de SHELL aux Pays-Bas » , et nous lui en donnons acte.
Nous croyons, et là encore c’est son droit, que son parcours professionnel chez SHELL et sa culture « scientiste » suffisent à sa conviction, qu’il partage avec Terry Engelder, qui est intervenu à l’Université de Genève pour promouvoir les gaz de schiste. D’autres non moins éminents spécialistes, comme Anthony Ingraffea ou Robert W Howarth sont d’un avis totalement opposé. L’objectivité scientifique est diverse, ne vous en déplaise, et continuer à donner la parole aux mêmes spécialistes – ou pire à un expert « anonyme » – et la refuser à ceux qui pensent différemment n’est pas vraiment un signe d’ouverture d’esprit.
A chacun, et notamment aux adhérents de l’ASL, de juger. Pour notre part nous sommes profondément peinés de voir certains cadres de cette association, qui a tant œuvré pour la défense de la qualité des eaux du Léman, contaminés par l’idée, instillée par les industriels, que le « progrès technique » résoudra tous les problèmes environnementaux…un jour !
Le Bureau de l’Association Non au gaz de schiste Pays de Savoie et de l’Ain
[i] Lémaniques n°90 – décembre 2013 voir aussi Lémanique N°89
[ii] Collection SAVOIR-FAIRE / Exploration et Production / Tight Gas Réservoirs, Gisements à Haute Valeur Technologique
[iii] OPECST – Rapport d’étape sur « les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels » par JC Lenoir et C Bataille – juin 2013
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En savoir plus : Les boues de forage, facteur majeur et incontournable de pollution : LE CAS DU FORAGE DE NOVILLE SUISSE 2009-2010. Exposé réalisé par F. Lienhard le 17 janvier 2012. Ouvrir/télécharger ici (2 Mo)
voir l’article de « Sciences et Avenir » déc 2011 No 778
voir l’article de « Sciences et Avenir » No 778 déc 2011
L’article de septembre 2013 de l’ASL mentionne comme référence 2 géologues Georges Gorin et Andrea Mosciarello, tous deux professeurs à l’Université de Genève. Or ces Deux personnes ont travaillé comme géologues pour Shell! Curieux hasard n’est-ce pas? D’autre part, l’article mentionne que le tight gaz ne nécessiterait pas de nombreux forages comme c’est le cas pour le gaz de schiste. Est-ce vrai? Enfin, je déplore qu’une association comme Pro Natura ait pu accepter un forage même d’exploration dans une réserve naturelle …alors que certains articles scientifiques mentionnent qu’un seul forage en profondeur peut provoquer des dommages environnementaux surtout dans une zone à risques sismiques (lu dans un no de « sciences et avenir » dont je n’ai pas la référence, malheureusement
A savoir que M. Moscariello et M. Gorin ont de l’expertise en géologie des réservoirs d’hydrocarbures, c’est précisément pourquoi leur avis a été demandé concernant la présence ou l’absence de gaz de schiste sous le léman. Il n’y a pas de meilleurs experts dans ce domaine en Suisse occidentale… On ne gagne pas un expertise en travaillant sur autre chose. Cela ne vous parait pas logique?
Si vous faites l’amalgame entre tight gas et gaz de schiste, car vous considérez que c’est en fait le fracking qui est néfaste, pourquoi le collectif « stop gaz de schiste » ne prend il pas une position claire aussi contre la géothermie? Cette énergie fait appel aux mêmes techniques pour l’exploitation.
Meilleures salutations
On ne fait pas l’amalgame. Pour autant dans les deux cas il s’agit bien de gisement non conventionnel, faisant appel à des techniques de stimulation si l’on veut récupérer ces hydrocarbures. De plus il ne s’agit pas de s’en tenir à condamner une seule technique (comme le fait la loi française qui reste insuffisante) mais bien de questionner l’incidence de l’exploitation sans retenue de tous hydrocarbures qui seraient piégés dans le sous-sol avec les dégâts que cela représente.
Pour ce qui concerne la géothermie elle pose également un certain nombres de problèmes et de questions en effet.