France: Pluie de permis de recherche de pétrole avant la COP 21

Publié: 1 octobre 2015 dans énergie climat, forage d'hydrocarbures, gaz de schiste
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(!) Info minute – Revue de Presse

À quelques semaines du lancement de la COP 21, la ministre de l’Écologie et celui de l’Économie ont autorisé de nouvelles concessions de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux en métropole. Le 29 septembre 2015, le journal officiel publiait trois arrêtés ministériels signés par Ségolène Royal octroyant trois nouveaux permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux. (1) (2) (3)

Il s’agit des permis de Champfolie (en Seine-et-Marne), d’Esthéria (dans la Marne) et d’Herbsheim (dans le Bas-Rhin). Les bénéficiaires de ces permis sont respectivement les entreprises Vermilion, Lundin et Bluebach.

Le permis de Champfolie avait été demandé par Vermilion en 2009, à une époque où la fracturation hydraulique n’était pas remise en question. Il est accordé aujourd’hui. La géologie a-t-elle changévermilion champotran entre temps ? Quel est l’intérêt d’un permis de recherche de 120 km2 pour une entreprise qui détient déjà 13 permis ? Pourquoi Vermilion dépose-t-il régulièrement de nouvelles demandes de permis (26 à ce jour). Comment expliquer la nouvelle autorisation faite à Vermilion par le préfet de Seine-et-Marne de procéder à 30 nouveaux forages (4) sur une concession (Champotran) ne faisant que 90 km2 ? Comment expliquer la demande d’autorisation faite par Vermilion de 10 nouveaux forages sur la concession de Vert-le-Grand ? Comment expliquer l’autorisation de deux nouveaux forages sur le permis de Saint-Just-en-Brie (5) malgré les oppositions exprimées des membres du conseil municipal sur les registres de l’enquête publique au printemps dernier ? (6)

Vermilion, premier producteur d’hydrocarbures sur le sol français a les moyens d’attendre que « les temps changent » en produisant quelques milliers de barils par jour ! Cela lui permet surtout de dire haut et fort qu’il respecte la loi (c’est bien le minimum qu’on puisse attendre d’une entreprise) mais que si la loi change… il suivra encore et toujours la loi, quelle qu’elle soit!

Par ailleurs, à la frontière allemande, le permis d’Herbsheim vient d’être octroyé à l’entreprise Bluebach..
Le décret signé par S.Royal précise que l’engagement minimal de l’entreprise Bluebach devra être de 1,98 millions d’euros. Comment cette entreprise va-t-elle s’y prendre alors qu’il s’agit d’unepetrole--Champotran- entreprise uninominale, dont le capital social est de 8378 euros, avec zéro salarié (7). Pas de problème! Bluebach a été racheté en 2010 par Moore Energy. Sur le site de Moore (Norvège) on peut lire que le sous-sol français regorge de ressources non conventionnelles (8), raisons qui ont donné envie à Moore de demander des permis de recherche. Moore convient bien du fait que pour l’instant la fracturation hydraulique est interdite en France…

Rappelons que le code minier actuel ne permet pas vraiment à un gouvernement de revenir sur un permis de recherche préalablement octroyé. Ce même code minier rend quasi-automatique la transformation d’un permis de recherche en une concession (exploitation). Obtenir un permis de recherche, pour une entreprise pétrolière, revient à “mettre le pied dans la porte”. Il faut garder en mémoire que le code minier ne fait pas la distinction entre hydrocarbures conventionnels (sans fracturation) et non conventionnels. Tout permis obtenu aujourd’hui sera valide encore dans quatre ou cinq ans. Le prix du pétrole bas aujourd’hui, remontera un jour ; la fracturation hydraulique interdite aujourd’hui, …

Un gouvernement qui prétend refuser l’exploration et l’exploitation des ressources non conventionnelles ne devrait pas accepter que les gaz de couche soient exploités en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais en entretenant une confusion entre gaz de houille (le grisou) et gaz de couche (CBM) qui fait des ravages en Australie. (9)

Vue la précipitation avec laquelle S. Royal signe des prolongations et des octrois de permis, va-t-on voir dans les jours prochains de nouveaux arrêtés ministériels concernant les permis de Dicy, Gastins, et une dizaine d’autres dossiers propulsés dans les tuyaux il y a un an par la ministre? Permis, rappelons-le, dont l’objectif initial était le pétrole de schiste ?

Enfin, une question plus générale, la seule action réelle d’un gouvernement qui prétend vouloir participer à la lutte contre le réchauffement climatique ne serait-elle pas de refuser systématiquement l’octroi de nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures (une énergie du passé) ?

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(1) Arrêté du 21 septembre 2015 accordant un permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux, dit « permis de Champfolie » (Seine-et-Marne), au profit de la société Vermilion REP SAS
(2) Arrêté du 21 septembre 2015 accordant un permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux, dit « permis d’Estheria » (Marne), à la société Lundin International SA
(3) Arrêté du 21 septembre 2015 accordant un permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux, dit « permis de Herbsheim » (Bas-Rhin), au profit de la SARL Bluebach Ressources
(4) Arrêté préfectoral N°2015/DCSE/M/008 autorisant l’ouverture de travaux miniers sur la concession d’hydrocarbures de « Champotran » – Société Vermilion Rep.
(5) Arrêté préfectoral N°2015/DCSE/M/009 autorisant l’ouverture de travaux miniers sur le permis exclusif de recherche d’hydrocarbures de « Saint-Just-en-Brie » depuis les emplacements de la concession de « Champotran » – Société Vermilion Rep.
(6) Registre de l’enquête publique de Saint-Just-en -Brie
(7) Société.com Présentation de la société BLUEBACH RESSOURCES
(8) More Energy: Opérations
(9) Le gaz de couche: le nouveau filon http://www.terraeco.net/Le-gaz-de-couche-nouveau-filon,53299.html

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Article d’Isabelle Levy – Collectif du pays fertois  à paraître également sur Reporterre

commentaires
  1. Taton dit :

    Dans le code minier en vigueur, les permis ne font mention que de la matière prospectée (M pour métal, H pour hydrocarbures) sans plus de précision. Les hydrocarbures non conventionnels ( gaz et pétrole de schiste) ne sont pas à proprement identifiés par le code minier. Ils sont intégrés dans le régime légal des gîtes miniers en tant qu’hydrocarbures.

    Une réforme du code minier est engagée depuis 2012. En mars 2015, les ministres de l’Economie, E.Macron, et de l’Ecologie, S.Royal ont soumis, à une consultation publique numérique, leur avant projet de loi portant réforme du régime des mines, qui a été publié sur le site de leurs ministères.

    Si le caractère conventionnel ou non conventionnel d’un hydrocarbure est difficilement définissable en droit, il ne fait aucun doute que l’analyse géologique, la profondeur des puits et la technique d’extraction employée suffisent à déterminer si un opérateur oriente un site vers la production d’un hydrocarbure conventionnel ou non conventionnel.

    Toutefois, en l’état actuel du texte de cet avant projet de loi, aucune disposition ne conditionne la délivrance de titres miniers aux types de travaux envisagés d’une part et d’autre part, à un type de gisement recherché ( profondeur, propriété de l’aire visé) Il ne prévoit pas d’imposer clairement au demandeur de déclarer le type de gisement qu’il espère et la manière dont il compte procéder à son exploration et son exploitation, de fait la distinction entre le conventionnel et le non conventionnel ne peut se mettre en place.

    Le texte prévoit seulement que le rapport environnemental de l’évaluation environnementale figurant au dossier de demande d’un titre minier doit « présenter les critères de choix des techniques envisagées au regard de l’ensemble des techniques disponibles ».

  2. Dan ARDUYNNA dit :

    Qui peut croire qu’un gouvernement ne peut ordonner de surseoir à ces activités mortifères pour le climat ? Faut-il une grande sécheresse, des incendies de forêts, des récoltes compromises, la disparition de ressources marines par désamorçage du courant de Humboldt, d’autres évènements météorologiques dévastateurs ?
    L’évolution climatique se cache derrière les fantaisies météorologiques, mais elle progresse surement et de manière très préoccupante pour la Vie sur Terre. Nous seront tous des réfugiés si rien n’est fait pour interdire l’extraction forcée et bannir toute prospection ciblant le carbone fossile, pour concentrer nos efforts sur la sobriété énergétique et les énergies renouvelables. C’est un IMPERATIF environnemental et climatique VITAL.

  3. TERRASI dit :

    On peut très nettement parler de dyslexie gouvernementale concernant ses prétendus efforts pour le climat ! Et dire que c’est la ministre de l’Ecologie qui a pris ces décisions !!! Alors, aujourd’hui, on ne peut plus voter que pour les écologistes qui eux, sont nettement opposés aux énergies fossiles.
    Qu’en est-il des changements du code minier qui, pour l’instant, ne fait pas la distinction entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels ? Celle-ci a-t-elle une chance d’être prise en compte puisqu’il est, d’après ce que je sais, actuellement en révision en ce moment ?

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