Explosion de la bulle financière du schiste américain et manœuvres russes dans le gaz

Publié: 15 février 2016 dans énergie climat, forage d'hydrocarbures, gaz de schiste
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(!) Info minute – Revue de Presse

Comme le rapporte Laurent Horvath sur son site 2000Watt.org dans un article que nous reprenons ici, nous assistons à l’explosion de la bulle de schiste (gaz et maintenant pétrole) annoncée depuis plusieurs années. Alors que l’Arabie Saoudite a entamé un bras de fer vis à vis du concurrent américain en refusant de diminuer sa production pétrolière ce qui a généré un effondrement du prix du baril, comme le rapporte le Financial Time, dans la guerre mondiale du gaz Gazprom pourrait bien suivre la même stratégie que Riyad pour le pétrole.

Il y a 2 ans, qui aurait pu imaginer une telle débâcle? Wall Street, la Banque Fédérale Américaine et les banques privées continuaient de déverser des centaines de milliards de dollars dans un secteur qui promettait des gains substantiels. Le Quantitative Easing américain et des taux d’intérêts proche des taux zéros enflaient les égos et les rêves des entreprises du schiste.

Cet enthousiasme aura finalement créé une bulle financière dépassant les 200 milliards $ qui est en train d’imploser sous nos yeux. Le schiste s’écroule, et ce jeu où les nouveaux investisseurs couvrent les intérêts des anciens n’est pas sans rappeler le système Madoff.

La révolution du gaz et pétrole de schiste américain de 2009-2015 a été conduite par des petites et moyennes entreprises qui ont financé leurs croissances avec des emprunts à hauteur de 113 milliards $ en actions et 241 milliards $ en obligations selon Dealogic.

Aujourd’hui, elles s’écroulent sous leurs dettes d’autant que peu d’entreprises sont profitables au-dessous de 50$ le baril. Durant la même période les dettes des 60 plus grandes entreprises US (sur un total de 155) ont bondi de 100 milliards à 206 milliards $.

Le système de Ponzi: L’effet Madoff

Comme dans toutes les bulles spéculatives, beaucoup d’investisseurs sont entrées dans ce business sans en comprendre les mécanismes. Grâce à l’entremise des banquiers, les producteurs ont réussi à lever des sommes astronomiques alors qu’aucun d’entre eux n’aura pu démontrer une quelconque profitabilité.

Même en Europe, les grandes institutions financières comme BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, Deutsche Bank, l’UBS ou le Crédit Suisse se sont engouffrés dans la brèche au côté des américains JPMorgan, Citigroup, Wells Fargo ou Bank of America.

Ces grandes institutions bancaires ont engrangé des honoraires supérieurs à 740 millions $ pour leurs conseils avisés dans la restructuration des dettes ou les commissions sur la vente de ces produits à haut rendement tout en prenant le soin de se dégager d’éventuelles pertes. Mais pour celles qui n’ont pas réussi à écouler à temps leurs prêts pourris, le réveil est douloureux et les marchés boursiers sanctionnent lourdement leurs imprudences.

Trop de pétrole, tue le pétrole

Paradoxalement, c’est le schiste lui-même qui s’est suicidé. En quelques années, la production pétrolière américaine est passée de 5,1 millions barils/jour (b/j) en 2009 à 9,7 millions b/j. Cette augmentation massive a déstabilisé les marchés qui étaient jusque-là régulés par l’Arabie Saoudite.

Au lieu de stabiliser sa production aux besoins de l’offre, l’industrie du schiste a du extraire à maxima afin de rembourser les intérêts des emprunts.
Prises dans ce piège, les faillites se succèdent et la prochaine échéance bancaire du mois d’avril s’annonce apocalyptique, d’autant que l’Arabie Saoudite a gentiment demandé aux grandes banques de liquider leurs actifs de schiste.

La technique du fracking n’est pas morte

Les technologies pour l’exploitation du gaz de schiste développées dans les années 80 et perfectionnées depuis 2010, pourraient revenir sur les devants de la scène quand les prix retourneront de manière stable au-dessus de 70-100$ le baril et à la condition que les règles environnementales et de salubrité publique soient rangées aux oubliettes.

Mais pour l’instant, le fort repli mondial des investissements pétroliers dicte le rythme. En 2015, les pétroliers ont investi 539 milliards de dollars soit un recul de 21,1 % par rapport à 2014 qui était déjà en crise. Les zones les plus touchées sont l’Amérique du Nord avec -35 % et l’Europe avec -34 %. Seul le Moyen-Orient a continué à voir ses investissements croître de 3 %, en particulier grâce au Koweït et à Oman.

Les dégâts sur le schiste sont de deux sortes. L’industrie a perdu plus de 100’000 emplois et il n’est pas dit que tout ce beau monde ose retenter l’expérience quand le cycle repartira. Ainsi, il faudra à nouveau offrir des salaires et des formations de classe supérieure ce qui renchérira les coûts d’extraction.

Deuxièmement, les investisseurs n’avaient pas comptabilisé le facteur risque dans leurs investissements et cette prime se retrouvera au sommet de la liste à l’avenir. Ainsi, les financements seront susceptibles d’être plus rares et onéreux même si certains hedge funds tentent le pari de racheter pour une bouchée de pain les actifs des entreprises en faillite. Ces fonds privés ont déjà trouvé 57 milliards $ pour ce jeu de «quitte ou double».

Mais l’impact sur la grande majorité des investisseurs, qui ont perdu beaucoup d’argent, devrait avoir un effet durable. D’autant que durant la même période, les retours sur investissements dans les « technologies propres »,(les cleantechs), ont augmenté de 11,3%.


Graphique boursier: 1 juillet 2014 / 12 février 2016. L’un des leader américain du schiste
Chesapeak Energy Corp:  27.81$ à 3.06$  -91%

Mort et né sous le règne d’Obama

Lors de la crise de 2008, l’immobilier américain avait fait plonger les marchés dans une profonde crise et aujourd’hui les États-Unis reviennent avec des investissements tout aussi toxiques dans l’énergie. Bien que les montants soient inférieurs, ils bousculent à nouveau l’économie mondiale et les institutions financières européennes décidément indomptables, incompétentes et incorrigibles.

Le schiste sera né sous Obama et pourrait s’éteindre en même temps que son règne. Paradoxal, pour un président qui voulait protéger le climat et l’économie.

Gazprom pourrait-elle déclencher une guerre des prix sur le marché mondial du gaz?

Alors que les États-Unis s’apprêtent à exporter du gaz naturel liquéfié (GNL), les investisseurs craignent que le géant russe du gaz adopte la même stratégie dans le marché du gaz que l’Arabie Saoudite pour le pétrole.

Si une guerre des prix du gaz est la dernière chose dont la Russie aurait besoin face à l’impact de la chute des cours du brut, les analystes estiment qu’une telle stratégie peut être économiquement rationnelle pour Gazprom:  les prix déjà très bas sur le marché européen du gaz signifient qu’il serait assez facile de les faire baisser à un niveau tel qu’il ne serait pas rentable d’exporter du GNL des États-Unis. Ce faisant, la Russie défendrait sa part de marché dans une région qui représente l’essentiel de ses bénéfices.

Une telle décision aurait des répercussions importantes sur les marchés mondiaux de l’énergie: une guerre des prix à part entière sur le marché européen du gaz pourrait avoir un effet d’entraînement dans d’autres régions et pourrait ainsi mettre en péril la viabilité l’une industrie naissante du GNL aux États-Unis.

L’argument en faveur d’une guerre des prix est simple:

Tout comme l’Arabie saoudite est le principal producteur d’appoint pour le marché mondial du pétrole grâce à sa capacité à augmenter la production si nécessaire, Gazprom est le principal détenteur de réserve sur le marché mondial du gaz.

Selon les dirigeants de Gazprom, la société dispose d’environ 100 milliards de mètres cubes de capacité de production en réserve – en grande partie grâce aux investissements effectués sur la demande future de gaz – soit l’équivalent de près d’un quart de sa production et environ 3 pour cent de la production mondiale.

marché du gaz europeen

Et de même que l’Arabie Saoudite a été agacée par la perspective d’une production de pétrole de schiste américain venant éroder sa part de marché, Gazprom fait face à une perspective similaire sur le marché du gaz. Ces dernières années, le flot de gaz pas cher déclenché par le boom du schiste américain a provoqué une vague de projets de GNL aux États-Unis . La première cargaison de GNL exportée à partir des  États-Unis est prévue dans les deux prochains mois, et la capacité d’exportation totale en cours de construction est équivalente à deux tiers des exportations de Gazprom vers l’Europe.

Enfin, comme l’Arabie Saoudite pour le pétrole, Gazprom est l’un des producteurs de gaz à faible coût. Selon les calculs de M. Henderson de l’Oxford Institute for Energy Sudies (OIES), le coût pour Gazprom pour livrer son gaz en Allemagne est de 3,5 $ par million de BTU (millions de British Thermal Unit) – par rapport à un montant estimé à 4,3 $ par million de BTU comme seuil de rentabilité pour la fournitures de GNL aux États-Unis.

cout de production gaz Gazprom

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